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Maison à vendre

Publié le par Carole

maison-a-vendre---Pont-Aven.jpg
 
Elle pleurait toutes les larmes de son coeur, cette maison à vendre. 
À vendre avec tous ses oiseaux, et ses carreaux frottés de pluie.
À vendre avec ses souvenirs, et tous ses fronts contre la vitre.
À vendre avec ses vieux sourires, et ses araignées funambules.
À vendre avec ses volets bleus, et ses yeux pâles qui s'embuent.
À vendre À se déprendre À vendre À pierre fendre
À vendre comme à se pendre.
 

 

Publié dans Fables

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Un banc au bord de la mer

Publié le par Carole

banc--.jpg
 
C'était un soir, au milieu de l'été. Ne me demandez pas où, car je l'ai oublié. Quelque part, sur une côte rude du rivage atlantique. Nous nous étions assis pour manger, sur ce banc, au bord de la route, face à la mer, qui semblait attendre les passants, derrière une clôture ouverte.
Quelqu'un s'est approché. Une petite femme aux cheveux courts teints d'un roux si aigu qu'il enflammait son vieux visage d'une drôle d'auréole insignifiante et saisissante. Elle avait les bras encombrés de sacs.
—Vous êtes bien installés ? Le paysage vous plaît ? Vous avez très bien fait d'entrer et de vous asseoir sur le banc... 
— Ce n'est pas un jardin public ?
— Non, non, c'est chez moi ici, mais vous avez bien, fait, c'est exprès...
— Excus...
— Non, non, c'est exprès, je vous dis. La porte est ouverte exprès. Nous avons mis ce banc pour que les gens puissent s'asseoir, dans ce petit coin que nous aimons bien... Mais il a encore été vandalisé cette nuit, faites attention, il y a une grosse fêlure, regardez, j'ai peur que ça s'effondre. Demain, mon mari va rentrer, nous allons réparer cela...
— C'est vraiment très gen...
— Oui, vraiment très gênant, mais nous allons réparer cela... maintenant je dois vous laisser, il faut que j'aille nourrir les goélands... 
Nous l'avons regardée descendre, petite flamme rouge glissant sur les rochers, le chemin qui penchait vers le large. Sur leurs bancs de pierres noires, en bas, face à la mer, les goélands attendaient déjà, lissant leurs plumes ardentes dans le soleil du soir.
J'y ai repensé, ensuite. Nous ne le savions pas, mais nous venions de rencontrer la Bonté. Active et inlassable, dévouée à tous et à tout, si souvent offensée, jamais déçue, bien vieille, et toujours jeune, insignifiante et forte comme la flamme que de coeur en coeur on se passe, pour frayer dans ce monde un chemin de lumière.

 

Publié dans Fables

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L'étoile et la main

Publié le par Carole

 

 

étoile - main
 
Quelqu'un, d'abord, avait dessiné une étoile. Une étoile maladroite, boiteuse et déhanchée, qui dansait sans y croire sur son fil de ciment.
Puis quelqu'un d'autre était passé, et il avait dessiné sa main. Sa main tendue vers l'étoile.
Il n'y avait plus de mur gris, plus de rue sale. Juste une étoile funambule. Et une main d'humain qui la caressait dans son ciel, du bout de ses doigts rêveurs, pour ne pas l'attraper.
Une fable.
 

Publié dans Fables

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A Pen-Hir

Publié le par Carole

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C'était, à Pen Hir, un de ces paysages déchiquetés qui sont comme des lambeaux arrachés à l'éternité.
Il aurait fallu cesser de voir pour contempler.
Mais nous ne savons plus contempler.
Voyageurs à côté de la mer de nuages,
nous ne savons plus que voir.
Peut-être même seulement revoir.
C'est ce que j'ai pensé en regardant cet homme qui regardait sur l'écran de son APN ce qu'il pourrait revoir, plus tard, peut-être, de ce monde que déjà il ne voyait plus.
 
photographe-Pen-hir.jpg
 
— Et puis ?
— Un rocher découpait derrière lui son profil de penseur... et lui découpait sur la mer son profil de badaud... Caspar Friedrich revu par Carl Spitzweg, n'est-ce pas ?
— Mais encore ?
— Eh bien... eh bien... j'ai pris des photos, bien sûr... Et je les ai stockées sur ma carte mémoire. Pour les revoir, plus tard, peut-être... 

 

Publié dans Fables

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Purgatoire

Publié le par Carole

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Le purgatoire ?  Cela existe donc puisqu'il y a un panneau...
Et, ma foi, cela ressemble diablement à la terre, ce purgatoire sale et sombre gardé par un étrange distributeur à deux fentes de ténèbres, où l'on achète sans doute des au-delà de première classe avec les gros euros qu'on introduit par l'épaisse fente du bas, et des amendes de seconde classe avec les minces centimes de cuivre qu'on place dans la fente du haut.
Cela y ressemble tellement, à la terre, que c'est certainement ici, le purgatoire... ici, oui, ici, sur cette terre des pauvres hères d'où je vous parle et vous supplie... Bien sûr, on ne peut pas distribuer à tout le monde de bons billets de première classe... bien sûr, c'est notre faute notre très grande faute, nous étions si légers, nous voyagions les poches vides, nous n'avions pas assez de monnaie, nous nous sommes contentés de glisser nos centimes dans la fente du haut, et voilà qu'on ne veut rien savoir, qu'il nous faut gagner notre peine à la sueur de nos fronts, que nous nous morfondons misérables et anxieux, exilés de nous-mêmes... 
Mais, ô vous bonnes âmes du purgatoire, vous qui vous êtes arrêtées intriguées près du tronc inflexible, suivez cette flèche aussi verte et menue que notre brin d'espoir terrestre, ayez pitié, payez pour nous ! Déposez votre obole pour les prisonniers d'ici-bas ! Dans la fente du bas. En pièces de deux euros. S'il vous plaît.

 

Publié dans Fables

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Le manoir de Saint-Pol-Roux

Publié le par Carole

Saint-Pol-Roux.jpg
"Nous gagnâmes ce manoir au sommet d'un pays sans arbres.
  Sinon les blocs levés sur la lande par l'homme il y a des mille ans en hommage au Soleil
  Au bord de la mouvante Harpe dont les notes sont des navires, des voiles, des péris, des ailes, des épaves..." (Saint-Pol-Roux, Offrande à Divine)
 
"Hélas dans sa ville natale je n'ai guère trouvé de libraires acceptant de vendre ses ouvrages. Seule la librairie L'Odeur du temps a acheté quelques exemplaires !" (René Rougerie, lettre à un lecteur inconnu trouvée dans un volume, acheté d'occasion, des Ombres tutélaires.)
 
 
 
Ce petit tas de rouille, cet objet de métal informe, depuis longtemps tombé en poussière et revenu à la terre, je l'ai ramassé, il y a quelques années, dans les décombres de la demeure de Saint-Pol Roux, près de la plage de Pen Hat. Je crois qu'il s'agit d'un de ces longs clous qui servent à fixer les charpentes. J'aime, du moins, à le croire. Ainsi, moi, je posséderais - non, je possède - les débris chaque jour un peu plus mangés d'humidité, de l'un des gros clous de fer qui devaient protéger de l'assaut des tempêtes le manoir du poète.
Ce clou presque redevenu minerai ressemble tant à une clé. La clé des songes, toujours rouillée, toujours brisée, qui ouvre pourtant bien des portes - celles qui n'existent plus, ou pas encore.
 
J'ai une tendresse particulière pour Saint-Pol Roux, poète presque entièrement oublié qui ne se rencontre plus guère en effet qu'à L'Odeur du temps, que les surréalistes un jour sortirent brièvement de l'ombre, et que l'éditeur Rougerie, plus tard, tenta vainement de ressusciter dans de beaux volumes de papier bouffant, dont les couvertures blanches à titres rouges protégées d'un doux papier de soie s'accordent parfaitement à cette oeuvre fervente.
Je l'aime pour ses vers, je l'aime aussi pour cette tragédie si purement dessinée et si lourde de sens dans laquelle il figea son destin de poète. 
 
Après la mort de son fils, englouti par les tranchées de 14, Saint-Pol Roux - qui s'appelait Paul Roux, mais avait pris depuis longtemps pour prénom de plume ce nom de village breton - se retira dans le manoir qu'il avait fait construire, quelques années plus tôt, face à la mer, près du grand champ de menhirs de Lagatjar.
C'était un donjon de granit, de silence et de méditation, où il vivait splendidement, en baron de Sigognac, entre ses huit tourelles, dans la plus âpre, dans la plus digne pauvreté, pour sa fille Divine, et pour sa poésie.
Quand revint la guerre - la deuxième -, le poète effrayé par les hommes s'enferma dans sa tour, avec Divine.
Mais la réalité, sordide et atroce, rattrape toujours ceux qui ne l'affrontent pas de face. Le manoir était isolé, et les chars allemands avançaient. Un jour ils furent tout près, à Camaret. Et un soir...
Un soir un soldat allemand se présenta à la porte, revolver au poing, viola la servante qui lui ouvrait, se jeta sur Divine qui se portait à son secours, et la blessa d'un coup de revolver.
Par la suite, alors que le père soignait la fille à l'hôpital de Brest, tous ses biens furent pillés dans le manoir abandonné, et tous ses manuscrits détruits.
Désespéré, le vieux poète s'alita à son tour, et mourut bientôt.
A la fin de la guerre, les bombardements alliés eurent raison de ce qui restait du manoir.
Il n'y a plus là-bas, face à la mer, que des ruines à arpenter, aussi désertes et mélancoliques que les volumes du poète sur les étagères des bibliothèques publiques où personne n'en a coupé les pages.
 
Triste histoire, et terrible fable que celle de ce poète qui posa sa demeure, comme un nid d'astres, aux lisières de l'infini, mais fut détruit par la violence humaine, avant d'être balayé par l'oubli.
Et tout cela, je crois qu'il le savait, depuis le début, depuis l'instant où il posa la première pierre de son oeuvre.
Et je pense qu'il savait aussi qu'un jour, quelqu'un ramasserait dans les ruines le clou tombé de la charpente depuis longtemps disparue de son palais de mots, pour bâtir à son tour un édifice fragile, frangé de toute l'écume des chimères, comme le sable mêlé de décombres de la plage de Pen Hat.
 
 Manoir-Saint-Pol-Roux.jpg
 
      Pour prolonger : un lien vers un choix d'oeuvres de Saint-Pol-Roux :
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/saintpolroux/saintpolrouxpoemes.html
 
manoir-saint-pol-Roux-colonne.jpg
 

Publié dans Fables

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Le cygne noir

Publié le par Carole

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Je l'ai d'abord aperçu sur l'étang, nageant en souverain, tête haute, unique et solitaire, irradiant l'obscur comme une nuit des antipodes...
Un cygne noir ! Merveille ! Je n'en avais encore jamais vu... sans doute n'en reverrais-je plus jamais...
Quand j'ai voulu m'approcher pour le photographier, il avait déjà quitté son étang. Volaille du rivage, il se dandinait parmi ses camarades les chevaux et les foulques et les beaux cygnes blancs, et les vilains petits canards qui deviendraient des cygnes aussi lumineux qu'il était ténébreux... 
Sur son chemin de terre, il musardait, il s'épouillait, il grattait l'herbe et se mêlait à la foule caquetante, insoucieux de sa grâce, en oiseau qu'il était. Il vivait sa vie d'enfant du bon Dieu comme un canard sauvage, et il avait si bien perdu sa majesté qu'on aurait pu le prendre pour un dindon égaré. 
J'ai cru m'être trompée... ou qu'il m'avait trompée. Je l'ai laissé pour m'en aller plus loin, faire le portrait d'un oiseau cabotin.
Mais lui, comment l'aurait-il su, qu'il était le cygne noir ? Personne autour de lui ne s'en était jamais douté. Et s'il aimait, tout comme un autre, flâner sur son sentier de boue, c'est qu'il était, autant que cygne noir, un oiseau sous le ciel.
 
La merveille, n'est-ce pas que la merveille soit si simple souvent, si ordinairement revêtue des plumes du banal et de l'insignifiance, que nous pourrions, passant tout auprès d'elle sur l'un de ces chemins bien balisés de points d'admiration que nous suivons si volontiers, la mépriser ?
 

 

Publié dans Fables

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Saint Amour

Publié le par Carole

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En lisant, tout à l'heure, devant la porte du fleuriste : Demain : Saint : Amour, je me suis souvenue.
Ma grand-mère était née le 9 août, jour de la saint Amour. 
Mon grand-père quant à lui était du 13 septembre, jour de la saint Aimé.
La coïncidence était merveilleuse, et ma grand-mère, chaque 9 août, la rappelait en riant. Amour aimé. Aimé d'amour. Ils étaient nés l'un pour l'autre...
J'en étais sûre, enfant, comme j'étais sûre que chacun de ces adultes qui m'entourait se tenait à la place exacte que le destin lui avait fixé, né pour être ce qu'il était, et rien d'autre à jamais, dans un monde clair et stable comme l'éternité.
Puis mon grand-père est mort. Le monde a vacillé. Amour avait perdu son aimé. Aimé n'était plus le soutien d'Amour. Bientôt Amour allait tomber dans les ténèbres, tout près d'Aimé, qui s'effaçait déjà. Et nous petits enfants sur la scène d'Amour danserions à notre tour notre léger pas d'ombres, pour que d'autres encore nous suivent et nous survivent, et se changent en ombres, et renaissent en Aimés...
Amour... Aimé, vous étiez nés l'un pour l'autre, et nés aussi pour ceux qui de vous se souviennent. Et nés encore pour ceux qui de vous ne pourront jamais se souvenir. Pour que tout continue, et que rien ne demeure. Saint Aimé... saint Amour...
Cela n'a aucun sens. Rien d'autre n'a de sens.
 

Publié dans Enfance

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Attachez bien vos ailes...

Publié le par Carole

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C'était, dans la belle église de Pont-Croix, un brave ange de bois, fraîchement repeint, qui veillait sur le choeur.
On lui avait attaché les ailes sur une barre d'épais métal. Et la peinture dorée faisait luire dans son dos les vieux clous rajeunis. C'est si lourd à porter, des ailes en bois divin... et à remuer donc... ça fatigue à la longue, ça pourrait basculer, il y faut de bons clous bien solides.
Or cet ange était sage, et il voulait durer : pour ne pas s'écrouler, dans son ciel étoilé il voletait cerclé comme un tonneau d'en-bas.
 
Ma foi, je vous le dis en vérité, si vous voulez voler longtemps dans votre coin de ciel, attachez bien vos ailes avec les clous de fer de la réalité.

 

Publié dans Fables

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Chambre d'hôte

Publié le par Carole

    Peut-être que son fils, au fond, avait eu raison de la mettre en garde... ce n'était pas prudent, cette idée de chambre d'hôte. On ne savait jamais qui pouvait débarquer, à l'improviste, qui pouvait faire irruption, soudain, dans la grande maison trop belle où elle vivait seule. [...]
 
Suite du récit à lire sur mon blog cheminderonde.wordpress.com

 

Publié dans Récits et nouvelles

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