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La Pente

Publié le par Carole

C'est un pays de montagne. Un beau pays où le ciel n'est jamais loin de la terre.
La maison que nous louons pour les vacances est à l'entrée du village, dans la vallée principale, au bord de la rivière, tout en bas d'une pente. De l'autre côté de la pente, dans la petite vallée où coule un torrent maigre, se trouve cette ferme où on nous vend le lait.
Chaque soir, je prends mon vélo pour aller à la ferme et ramener le lait, dans le pot de métal qui bringuebale comme une cloche en heurtant le guidon. Nous aimons le lait pur, odorant et mousseux qui vient de cette ferme où chaque vache a un prénom, où chaque clarine est une note dans l'harmonie du soir. [...]
Suite du récit à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com
 

Publié dans Récits et nouvelles

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Une histoire de violon

Publié le par Carole

Une histoire de violon
Juste une petite histoire, aujourd'hui, que j'ai lue ce matin dans le journal local.
Une histoire de violon.
Ici, à Nantes, tout le monde connaît Dinu, le vieux violoniste roumain en chapeau haut de forme et gilet pailletté. Le gentleman musicien des mendiants de la ville. Celui qui m'a toujours rappelé le baron de B*** du récit d'Hoffmann, parce qu'il joue un peu faux, mais avec tant de fougue et tant d'art qu'il nous oblige à réfléchir beaucoup à ce que ce serait, vraiment, que jouer juste, et jouer bien.
Dinu a eu bien des mésaventures, ces derniers temps. On l'a d'abord mis à l'amende. Puis il a cassé son violon.
Mais Dinu est aimé. On a fait une pétition pour lui faire ôter son amende, et une collecte pour lui racheter un violon.
Dinu est aimé, je vous l'ai dit, tellement aimé que les dames qui ont fait la collecte ont reçu bien plus d'argent qu'il n'en fallait pour acheter le petit violon tout simple que demandait Dinu. 
Alors elles ont voulu lui faire une surprise : elles ont commandé pour lui un beau, très beau violon très cher, à un luthier réputé de la ville. La Rolls-Royce des violons, comme disait le journal...  Puis elles ont apporté le violon à Dinu sur un tissu de soie dans son étui de luxe.
Seulement voilà, Dinu a été déçu. Il a râlé et ronchonné. Il ne savait pas jouer sur la Rolls Royce, lui qui ne sait pas même conduire.
Ses morceaux en morceaux accrochaient leurs lambeaux sur les cordes trop nettes, ses âpres démanchés faisaient grincer d'angoisse l'âme trop délicate du violon remarquable, et la barre d'harmonie geignait aux coups trop rudes de ses grands staccatos.
Les dames étaient désemparées. Elles ne savaient que dire.
Et nous non plus.
C'est si souvent ainsi, quand on est riche et bon. On décide pour les pauvres comme on ferait pour soi. On croit qu'ils ont si peu connu le bonheur qu'ils ne savent pas vraiment ce que c'est. Qu'il suffira de le leur apporter tout prêt, sur le plateau des préjugés. Qu'ils se mettront à table en remerciant sans retourner les chaises, dans le beau restaurant quatre étoiles où ils sont invités.
On oublie simplement de les laisser choisir. Par bonté pure on leur prend ce très peu qui leur reste accroché au coeur comme un chiendent : le vouloir. Et ils râlent, frappent du pied, se révoltent, en ont marre, les ingrats. Ce qu'ils veulent, non de non, c'est vouloir !
 

Publié dans Nantes

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Berserk

Publié le par Carole

Les faits-divers s'accumulent, et l'horreur ne semble plus avoir de limites, en ce jour où nous apprenons qu'un garçon de 19 ans qui vivait chez sa mère vient d'égorger sans frémir un vieil homme de 86 ans. Au nom de Dieu et dans une église. Avant d'être neutralisé, c'est-à-dire abattu.
Je dis cela aussi précisément que je le peux, mais le disant j'ai l'impression que je touche à l'indicible. Qu'il n'y a pas de mots. Qu'il ne peut y en avoir, car les mots sont humains, et tant d'horreur, n'est-ce pas, ne saurait être humaine ?
Pas de mots l'indicible plus de mots l'innommable.
 
D'où, sans doute, ce grand flot de lieux communs et d'idées toutes faites qu'on s'empresse de jeter, à la télé, à la radio et dans tous les journaux, comme de grands seaux d'eau, sur le sang répandu.
 
Pourtant nous devons le penser, cela qui nous échappe. Trouver les mots. Les affronter. L'erreur des humanistes, ce fut justement d'oublier que les humains ne veulent pas seulement la vie, le progrès, la sagesse et la paix, mais qu'ils veulent aussi quelquefois, avec furie, l'horreur, le délire et la mort. De n'avoir pas voulu souiller les mots du bien en pensant malgré eux l'atroce fascination de la mort, de la régression et de la destruction. 
 
Aujourd'hui, nos pensées sont désarmées, les mots nous manquent à tous. Il nous faut en chercher qui viendraient de plus loin. Racler les coins sombres de l'histoire et de la littérature où tout l'humain est en dépôt.  
On a parlé d'Amok, par exemple, en référence à la terrible nouvelle de Stefan Zweig. AmokAmoklauf. C'était pour Nice.
Ce soir, un autre mot me hante, un mot anglais venu des sagas scandinaves, où il désigne les guerriers habités par un dieu de violence qui, devenus furieux, tuent et se font tuer, extatiques, animaux. BerserkIls sont devenus berserk. They have gone berserk.
Mais s'il me hante, ce mot berserk, il me fuit, aussi, comme un fantôme, tant j'ai de mal à le prononcer. Il glisse sur le sang, il penche encore, indicible, dans mes pensées qui s'effraient, du côté noir de l'innommable.
Berserk. C'est bien cela pourtant. They have gone berserk. Sie laufen Amok.
 
Le temps viendra peut-être - oui, bien sûr qu'il viendra - où nous regarderons en arrière, dans toutes les langues du monde, vers cet aujourd'hui de furie. 
Où ce sera le passé. Qui n'a jamais empêché l'avenir de sourire. Quand même.
Où les historiens nous auront donné les faits, les dates et les repères.
Où nous pourrons reprendre le grand chemin des humanistes en nous gardant de ce qui fut leur unique erreur : croire que le désir de vivre libre et d'être heureux résume l'âme humaine.
 
Se méfier des coins noirs. Toujours se souvenir du mot amok. Toujours se souvenir du mot berserk. Même s'il va nous être tellement difficile de les apprendre - ou de les réapprendre - ces mots nouveaux qui nous viennent de si loin.
 

Publié dans Divers

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Bain de soleil

Publié le par Carole

Bain de soleil
C'est au bord du Lac, près d'un très vieux château qui rougeoie dans le soir.
Par une de ces journées d'été qui finissent en splendeur de tableau, juste avant que le peintre ne tourne vers la nuit son chevalet, pour que son oeuvre dorme et rêve un autre monde.
 
L'autocar vient de s'arrêter, et ils sont descendus tous les trois.
L'homme, la femme et l'enfant.
Ils se sont approchés de l'eau. Ils se sont assis sur la rive, face au couchant, ce long poisson léger qui coule sur l'eau bleue son ventre pailleté.
On les a entendus, de loin, se parler dans une langue qu'on ne comprenait pas.
Puis l'homme s'est déshabillé, il est entré dans l'eau, et il s'est avancé, nu et brun dans son simple caleçon, vers la lumière. Il a posé sa peau sur l'écaille dorée des vagues, et lorsqu'il a commencé à nager, on a vu son corps sombre se mêler au soleil dans chacun de ses muscles.
Quand la lumière a disparu, derrière les montagnes, là-bas, il est revenu vers la rive où l'attendaient la femme et le petit enfant qu'elle berçait dans ses bras.
Il s'est rhabillé lentement dans l'ombre des rochers, et ils sont repartis tous les trois vers l'arrêt d'autocar. 
De loin, on les a entendus encore qui se parlaient dans leur langue inconnue.
Et on s'est dit que c'était surprenant, qu'ils soient venus en car simplement pour cela. Pour ce très bref bain de couchant, cette nage de lumière sur le rebord du temps.
Puis on s'est dit que non, ce n'était pas surprenant. Qu'un qui va dans le noir avec ses deux bras nus et sa sueur de pauvre veuille tremper son corps dans la dorure de l'eau qui lave chaque soir les pinceaux du vieux peintre.
Qu'une femme, un enfant, le regardent avancer, grand et fort et roussi de lumière, au centre du tableau, avant que tout, de nouveau, ne s'éteigne et se ferme, aux cahots et virages du dernier autocar.

Publié dans Fables

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En somme

Publié le par Carole

Yvoire - Pierre d'Equarre - Lac Léman

Yvoire - Pierre d'Equarre - Lac Léman

A Yvoire, sur le Lac, veille une vieille - une très vieille pierre.
Il paraît qu'un glacier qui roulait là jadis l'emporta d'un sommet dans sa langue râpeuse, puis la laissa tomber.
 
C'était il y a des mille et des milliers de mille milliers d'années.
Elle est restée patiente et solitaire, pendant des mille et des milliers de mille milliers d'années, attendant simplement que les derniers glaciers, fondant de toutes leurs larmes, la recouvrent d'eau grise pour d'autres mille et milliers de mille milliers d'années. 
Audacieuse, assurée, comme un pas japonais dont l'élan se serait suspendu juste au-dessus du flot, pour amorcer un pont - ou tendue douloureuse comme un poing fatigué, au-dessus de l'eau lente où se noierait quelqu'un ? On n'a jamais pu décider, même aux jours de prière où rôdaient sur sa peau les grands dieux disparus qui savaient les mystères.
C'est, paraît-il, ce qu'on appelle une roche erratique.
 
Entre le ciel, l'eau et la terre, appuyée sur le vent pour glisser dans le temps,
une île un jour surgie et un jour engloutie
qui survécut à tout ne survivra à rien
tortue Galapagos posée là par hasard et par nécessité
s'effaçant par erreur ou relativité
rien qu'un point minuscule une infime virgule
sur l'immense addition des mille et des milliers 
et des mille milliers.
 
Une vieille erratique.
Comme l'humanité
en somme.

Publié dans Fables

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Le Tos

Publié le par Carole

    Le Tos, ils l'appelaient, les gars du chantier. Et ils crachaient leurs mégots sur son passage. Lui, il se contentait de baisser la tête sans rien dire, honteux vaguement sans savoir distinguer si c'était vraiment d'être un Tos, qui le mettait si bas, ou simplement d'être un lâche [...]
Suite du récit à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com

Publié dans Récits et nouvelles

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Affichage à but idéal

Publié le par Carole

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C’est à Lausanne et c’est réellement idéal.

On dessine une affiche. Il faut que ce soit pour vanter un projet qui ne rapporte rien, une belle idée, un joli spectacle, une histoire à ne pas dormir debout, un petit coin de Cocagne, un château en Espagne. Rien d’autre n’est permis que ce qui ne saurait se compter dans les comptes. Rien que ce qui se conte.
Quand on a bien passé l’affiche au bleu du rêve, on la recouvre de cette poudre colorée d’étoiles qui change en papillons les ailes du courage.
On ne la colle pas. On la fait tenir par les coins très provisoirement avec de l’adhésif à paquets.
Car il faut que l’idée puisse voler librement et aller où elle veut comme lettre à la poste.
Le panneau sur lequel on la pose est un peu en hauteur. C’est mieux que les passants aient à lever un peu la tête. C’est mieux aussi que les oiseaux puissent y faire leur nid si elle leur chante.
Ensuite on attend quelques jours.
Le plus souvent, l’idée retombe sur le sol, épuisée, toute fanée.
De temps en temps, tout de même, il y en a une qui ouvre grand ses ailes et s’en va tourner quelque part, là-bas, de ce côté du ciel où le soleil se lève.
On ne saura jamais ce qu’elle deviendra.
Mais il est permis d’espérer.

Publié dans Fables

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La fenêtre dans le mur

Publié le par Carole

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      "And before me ran this long wide path, invitingly..." (H.G. Wells, The Door in the Wall)
 
 
    Vous connaissez peut-être cette nouvelle d'H.G. Wells, qui s'intitule La Porte dans le Mur. Elle raconte l'histoire d'un enfant qui découvre un jour, au milieu d'un mur gris, une porte, colorée, lumineuse, qui mène à un autre monde. Il rencontre plusieurs fois la porte, ensuite, sur d'autres murs, et la dédaigne, puis, devenu adulte, il la perd tout à fait, et il se met alors à la poursuivre partout comme une obsession, sans jamais plus pouvoir la retrouver.
    Sur ma route, j'ai rencontré, un beau soir de printemps, cette fenêtre qui s'ouvrait dans un mur gris. Elle penchait un peu, comme un visage fatigué, au-dessus de son balcon en coeur... Un rayon de soleil lui faisait un profil d'ombre fraîche, et des fleurs de charbon entrelacées aux grilles dansaient en liserons sur le ciment rugueux.
    Il m'a semblé que quelqu'un m'appelait. J'ai cogné doucement à la vitre. Enfin j'ai aperçu, derrière le carreau un peu brouillé, deux yeux fanés tout grillagés de rides et qui me regardaient.
    Il y en a tant, dans la ville, de ces vieilles gens que l'on distingue à peine derrière leur carreau gris, guettant sans fin le spectacle modeste de la rue, et passant les journées à attendre, à espérer on ne sait quoi - une visite, un infime événement -, ou juste à suivre le parcours lent des ombres, le passage des heures... Je n'aurais su dire si c'était un homme ou une femme qui se tenait là, derrière cette fenêtre, mais c'était un visage, et qui me souriait, qui avait l'air de me connaître... .
    J'ai collé mes yeux sur la vitre, j'ai senti le battant céder doucement sous mon poids... la fenêtre n'était pas vraiment fermée.
    J'aurais pu l'ouvrir tout à fait, j'aurais pu me pencher au balcon vers la chambre, j'aurais pu laisser entrer la lumière sur cette vie recluse, j'aurais pu bavarder un moment avec celle ou celui qui s'était réfugié dans cette ombre, et m'avait si longtemps attendue.
    Mais je me suis simplement reculée, pour prendre la photo, avant de poursuivre ma route.
 
    Plus tard, quand j'ai voulu revenir, retrouver la fenêtre, il n'y avait plus rien. Qu'un mur gris, lisse et froid. Du grand coeur charbonneux du balcon il ne restait qu'une ombre aussi imperceptible qu'une larme de pluie.
    Ne te retourne pas : c'est ce que dit la nouvelle de Wells, c'est ce que disait déjà le vieux mythe. Je le savais si bien... pourquoi suis-je donc revenue ?

Publié dans Fables

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Poussière de lune

Publié le par Carole

    Sur la piste, elle dansait seule, les yeux mi-clos.
   La piste, évidemment, n'aurait pas pu contenir une foule. C'était une piste de bois démontable et transportable, un plancher étroit qui n'aurait pas supporté le poids d'une foule, mais ce soir, vraiment, on pouvait dire que les danseurs se faisaient rares.
    Elle était arrivée la première, et, longtemps, elle était restée seule, à tourner toute seule, les bras légèrement entrouverts. Puis était arrivée une grand-mère alerte qui avait dansé avec sa petite-fille, et deux très vieilles femmes qui avaient valsé ensemble à tout petits pas. Finalement, elles avaient été cinq, sur le plancher de bois. Cinq femmes sans hommes. [...]
Suite du récit à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com
 

Publié dans Récits et nouvelles

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La mer veille

Publié le par Carole

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J'ai tout de suite aimé cette enseigne naïve et colorée où le soleil et l'ombre se penchaient côte à côte, pour éclairer ensemble le jeu profond des mots.
 
Car rien n'est plus vrai.
La mer veille.
 
Sur le vieux coelacanthe et la jeune dorade
Sur la baleine en pleurs et sur le thon qui saigne
Sur l'oiseau qui se couche aux plages de mazout
Sur ce que nous tuons ce que nous méprisons.
La mer veille
 
Sur l'esclave épuisé le clandestin noyé
Sur les trésors enfouis aux grands champs d'ossements
Sur le fantôme errant des mondes à conquérir
Sur notre convoitise et sur nos coeurs arides
La mer veille
 
Sur les îles qui penchent et les volcans qui tremblent
Sur le marin qui lutte avec le vent là-bas
Sur les désespérés qui l'attendent au rivage
Sur nos cris nos appels sur nos âmes brisées
La mer veille
 
Sur la lune qui tourne au bras des marées lentes
Sur l'étoffe des nuits et sur le pli des aubes,
Sur le grain de l'étoile et sur la fleur du sable
Sur le sillon qui va et qui revient sans trêve
La mer veille
 
Sur toutes les détresses sur toutes les merveilles
Dans l'instant de la vague et dans l'éternité
Patiente prudente presciente savante
La mer veille
 
                - Et nous ?

Publié dans Fables

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