divers
A l'occasion de l'exposition Réminiscence, j'ai regroupé dans un album les textes précédemment publiés sur ce blog en association avec les photos.
Vous pouvez consulter l'album en cliquant sur ce lien :
Réminiscence, exposition photographique - Journées Art et Science - Saint-Etienne, du 15 au 18 mai 2019
Plaquette - Journées Art et Science
Une exposition de mes photos intitulée "Réminiscence" aura lieu à Saint-Etienne, du 15 au 18 mai 2019, à l'occasion des Journées Art et Science (mezzanine de la médiathèque de Tarentaize).
Vous pouvez visionner les photos exposées au moyen du diaporama ci-dessous (malheureusement, un bord noir apparaît).
Exposition Réminiscence - Diaporama
Les gargouilles de Notre-Dame
C'était en 2011, par un ciel d'été bleu moutonné de nuages légers comme fumée...
Elles menaçaient du poing, les anciennes gargouilles. Penchées sur l'univers, elles criaient au malheur de se tenir au loin. Elles étaient becs et ongles la gangue de laideur qui enserre le sacré pour que toute beauté se repose au secret.
Les yeux toujours ouverts, cornes à crever le vent, ailes à pointes de flèches, mâchoires à recracher les déluges et les guerres,
éternelles en diable, elles étaient les gardiennes.
Elles le savaient sans doute, ce que nous ignorions, qu'un temps pourrait venir où tout vacillerait.
Les gargouilles, le sacré, la splendeur et les griffes, et tant de vieilles pierres où nos coeurs s'abritaient.
Dans la fumée qui monte vers le ciel qui noircit,
empuantie de cendres,
comme un encens mauvais.
lundi 15 avril 2019, incendie de Notre-Dame de Paris
Comme l'arbre vivant jaillit de l'arbre mort
Comme l'arbre vivant jaillit de l'arbre mort,
que cette année nouvelle n'efface pas l'ancienne,
mais, grandie sur sa souche, qu'elle soit le surgeon
se nourrissant du tronc où les graines essaiment,
qu'elle renaisse et s'élève dans son nid de bourgeons,
pour semer sur nos peines son grand bouquet d'espoir !
Noël en rouge, Noël en vert
A tous ceux qui passeront par ici, je souhaite d'heureuses fêtes de fin d'année.
En vert, en rouge. En rouge, envers et contre tout.
Et j'offre, sur mon blog cheminderonde.wordpress.com, cette Plume de Noël.
Youki
***
Google consacrait hier son "doodle" au peintre Foujita.
Cela m'a fait repenser à Youki, la jeune Française qui s'appelait Lucie, et que ce Japonais avait rebaptisée Youki, qui veut dire "neige", au moment de la faire poser pour le grand Nu qui la représente, couchée sous un ciel étoilé, veillée par un loup et par un oiseau, dans un paysage glacé de montagne.
Pour toujours elle resta Youki.
Youki, la femme de neige, connaissait-elle le conte japonais où une déesse triste et solitaire, à la peau blanche et lumineuse, vient partager la simple vie d'un homme qu'elle a sauvé du froid, et en a des enfants bien vivants, avant de disparaître ?
Je n'en sais rien.
En tout cas Youki ne fut jamais tout à fait une déesse, mais elle resta longtemps la muse de Foujita, et, lorsque Foujita la quitta, elle était déjà devenue la muse de Robert Desnos, qu'elle ne cessa plus d'inspirer, jusqu'à sa tragique arrestation.
Elles m'ont toujours semblé si mystérieuses, ces femmes qui semblent ne pouvoir exister qu'auprès d'un homme qu'elles inspirent, s'épanouissant à ne vivre qu'ainsi, hors d'elles-mêmes, abolies et métamorphosées par les oeuvres qu'elles ont suscitées - créatures de créateurs.
Certaines inspiratrices, modèles ou compagnes, un beau jour s'émancipent et deviennent des artistes. Mais celles-là, celles qui, comme Youki, sont nées pour être muses, ne le pourront, ne le voudront jamais.
Car muses elles sont et elles ne sont que muses. Etre muse suffit à remplir leur existence. Il est rare qu'elles enfantent, souvent elles se vouent à mourir encore jeunes - et belles -. Et, s'il leur arrive de vivre vieilles, Hélènes des soirs à la chandelle, et qu'un jour, comme Youki, elles en viennent à se raconter, elles n'ont à raconter que leur vie de muse.
Une certaine vision du féminin, allez-vous dire, dont elles seraient l'expression concentrée ? Certes, mais il me semble qu'il y a encore autre chose, de plus étrange et de plus douloureux.
Comment naissent-elles donc, ces étranges vocations de muse ?
Comment devient-on Youki ?
Ce fut, pourtant, pour elle, si simple, à lire ses "Confidences", le petit livre où elle a noté ses souvenirs.
Il y fallait de la beauté, bien sûr, et elle en avait.
Beaucoup de solitude et d'abandon - notre Youki fut très tôt orpheline.
Pas mal de gourmandise aussi, et une passion décidée pour la glace, puisque sa première rencontre avec le monde des artistes se fit par l'intermédiaire d'un jeune homme qui l'avait invitée, dans le métro, à venir déguster... une glace. "Je ne pus résister", écrit-elle...
Et, surtout, ce long désert gelé, tout au fond de son être, ce besoin de se perdre dans la tiédeur des autres, qui lui a fait remarquer, en conclusion de son livre :
"Je ne parle que de mes amis. Ils m'ont apporté et m'apportent encore cette chaleur sans laquelle je ne peux rien faire.
Marcel Proust disait qu'il n'aimait pas l'amitié parce qu'elle fait perdre du temps, mais il [...] devait faire son oeuvre. [...] J'ai du temps à perdre. C'est mon seul luxe. "
Voilà, je crois que Youki a tout dit dans ses Confidences : une muse, c'est une femme de neige, une créature de miroirs et de glace, qui se réchauffe au génie des autres, leur offrant en échange sa lumineuse blancheur pour qu'ils y inscrivent, comme sur une page toujours blanche et neuve, les rêves innombrables qu'ils ont à enfanter.
Et Foujita, qui, lui, connaissait parfaitement le conte japonais de la femme de neige - Youki onna -, avait si bien compris.
Eclipse
La photo est ratée, forcément. Beaucoup trop floue.
Mais Elle, suspendue dans le ciel par le fil de l'éclipse, je la vois encore si nettement.
Belle. Comme toute rencontre.
Double. Comme tous ceux qui s'aiment.
Et solitaire enfin. Comme on doit se quitter.
Obscure et lumineuse
et si pâle et si rouge
sur l'eau bleue de la nuit
où roulent des étoiles
fleuries comme des îles.
Coeur ouvert et battant
suspendu tout sanglant
accroché tout vivant
au long fil de l'instant.
Coeur d'en haut hésitant
entre lumière et ombre
comme tous ceux d'en bas.
Après
C'était étrange de les voir démontés et défaits, dans la boutique à louer, les mannequins footballeurs qui avaient si longtemps fait la haie.
C'était si curieux, aussi, ce soir, de voir chacun se passionner pour "son" équipe, d'entendre qu'on disait "nous" qu'on disait "on", et qu'on disait "la France" et qu'on disait "la Croatie", comme si vraiment onze artistes du ballon pouvaient, modernes Horaces ou modernes Curiaces, être à eux seuls leur peuple.
C'était si troublant, ensuite, de voir tant de gens secouer des drapeaux comme au temps des grandes guerres. Et plus troublant encore, à la télé, de voir un coq géant s'afficher sur le vieil arc des triomphes napoléoniens...
C'était un peu la guerre, au fond. Et justement, non : ce n'était pas, ce n'était plus la Guerre.
C'était le bonheur d'être ensemble, de se passionner pour le même spectacle, de crier les mêmes mots, de retrouver enfin, riche ou pauvre, la vieille égalité des conscrits et des "bleus". Sans les canons et sans les morts.
Alors, comment ne pas s'en réjouir ?
Tout de même. Je me demande s'ils ne vont pas, d'un coup, se sentir un peu seuls, demain, ceux qui étaient si heureux tous ensemble devant leurs écrans géants. Ceux qui faisaient la fête et qui nous klaxonnaient leur joie.
Quand tout sera vraiment fini.
Qu'on rangera dans le carton aux souvenirs les cris de victoire et les trompes des klaxons.
Dans l'ombre et la poussière de leur décor défait, comme au fond des vitrines qu'on démonte,
un peu seuls un peu tristes.
15 juillet 2018, au soir de la finale de la Coupe du Monde de football
Lorraine
Juste un mot ce matin : Lorraine nous a quittés hier.
Dans le vacarme de ce monde, c'était une voix claire et délicate. Dans la folie de ce monde, c'était une voix calme et sereine. Dans la violence de ce monde, c'était une voix douce et tendre.
Une voix.
Une voix.
Une voix comme il y en a si peu.
Une voix comme une âme.
Il nous reste son cahier.
Où veille encore sa voix.
Son âme.
Derrière la grille c’était désert
Mais j’ai l’esprit qui vagabonde
A défaut d’avoir l’univers
Je me suis inventé un monde
Avec sa lampe jaune à écarter les ombres
Avec sa lampe sourde de mousses oubliées, d'insectes desséchés et de feuilles flétries,
Avec sa lampe brune de jardins sous la pluie, de forêts en bourgeons et d'oiseaux en chemin,
Avec sa lampe haute à affronter le vent, à recarguer les voiles, à rouler sur les vagues,
Avec sa lampe jaune à écarter les ombres, et son rayon de lune à traverser la nuit,
qu'elle nous guide encore, la vieille année qui meurt,
vers celle qui renaît.
A tous, amis et visiteurs de ce blog, je souhaite une heureuse année 2018 !