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Juste avant (version 2)

Publié le par Carole

Juste avant (version 2)
Il a posé sa tête
Sur l'épaule des vagues
Attendant que la nuit
Tranche son cou brûlant
 
C'est l'instant juste avant
 
La noire cérémonie
Qui peint le monde en rouge
Et fait rouler le jour
 
Dans la trappe à néant
Où les ombres se jettent
Comme fumier de cendres
 
C'est l'instant juste avant
 
Et nous sur le rivage
Quand s'effacent nos pas
 
C'est l'instant juste avant
 
— Pourquoi l'aimons-nous tant ?
 

 

Publié dans Fables

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Juste avant (version 1)

Publié le par Carole

Juste avant (version 1)
Pourquoi l'aimons-nous tant
cet instant juste avant
 
quand la terre s'enroulant
sur la corde du temps
 
tire sur le soir lent
le rideau du néant
 
pourquoi l'aimons-nous tant
cet instant se posant
 
expirant se dressant
sur la scène des vagues
 
comme un point qui s'attarde
au bout de la tirade ?
 
 
 

Publié dans Fables

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Sous les feuilles

Publié le par Carole

Sous les feuilles
Si souvent, c'est ainsi qu'on grandit, incertain et timide, sous le couvert tranquille des ombres protectrices serrées comme des mains sur tous les coeurs qui n'osent.
 
Il faut tant de courage, ensuite, pour tourner vers le ciel son visage enhardi, et tant de cruauté, pour froisser de ses poings le nid tendre des feuilles et la soie des ombrages,
 
se dresser solitaire
 
 
être soi-même enfin 
mortel et invincible
lumineux et fragile
 
ouvrir les yeux sans crainte
à l'instant éternel
où se fane et fleurit
 
la vie
 
la vie
 
la vie
 
suspendue dans le temps 
comme une fleur sans tige
 
suspendue dans le vide
et roulant vers le rien
 
comme un grain de rosée 
sur la peau du matin.
 
 
 

Publié dans Fables

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Migrateurs

Publié le par Carole

Nantes, square Daviais, août 2018

Nantes, square Daviais, août 2018

Je les vois chaque fois que je vais à la médiathèque Jacques Demy. A l'ombre chiche des arbres de ce petit square. En plein centre-ville. Sous les fenêtres ornées de mascarons des anciens armateurs. Juste à l'endroit où se trouvait autrefois le port. Juste au bord des voies du tramway. Juste devant les terrasses des cafés du quai.
 
Des tentes, aussi fragiles et serrées que passagers tremblants sur leurs canots. Et des gens qui attendent, sans bruit, au milieu des ordures, debout, assis, couchés - parfois lisant aussi, dans les rayons de la médiathèque toute proche. Qui attendent. Qui attendent  - mais quoi ?
 
Plus personne ne les regarde, on s'est habitué à eux aussi bien qu'à ces mendiants qu'on enjambe partout sur les trottoirs. Et puis, pourquoi regarder ce qu'il serait préférable de ne pas avoir vu ?
 
Je vous entends d'ici...  Alors, non, je n'ai pas la solution. Non, je ne donnerai pas de leçon. Ni à ceux qui regardent, ni à ceux qui ne regardent pas, ni à ceux qui passent, ni à ceux qui attendent.
 
Mais, tandis que, juste au-dessus des tentes, les avions d'août grondent et vrombissent sans répit, rasant la ville de leur ventre de fer tout rempli de touristes, je m'interroge sur ce monde étrange où nous vivons, où certains migrent à grands frais d'un bout du monde à l'autre, réalisant leurs rêves aussitôt convertis en photos instagram et messages facebook - tandis que d'autres s'en vont sans rien vers leurs rêves insensés, poussés par le vent de misère - pour n'être plus à la fin du voyage que des "migrants" démunis et passifs, restés à quai dans leurs ballots de toile colorée. 
Ce monde étrange où il est de bon ton d'être un acharné du nomadisme, si on court où on veut avec passeport et bagages, tandis qu'il est honteux et punissable d'être un nomade aux mains vides, un sans papiers sans valises, errant aux chemins de hasard que l'espérance dessine dans l'écume et la boue avec son doigt mouillé d'eau de naufrage.
Ce monde où les oiseaux migrateurs, peu à peu vaincus par les réacteurs et par le changement climatique,
au-dessus de tant d'étrangetés,
agonisent en silence.
 
 
 
 

Publié dans Nantes

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