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Tante Yvette

Publié le par Carole

    Ma tante Yvette... on était fier d'elle, dans la famille... Parce que c'était vraiment quelqu'un, tante Yvette. Une Parisienne. Et pas n'importe laquelle. Une dame. Une vraie. Il n'y avait personne comme ma tante Yvette. Elle était si jolie, si bien habillée... et puis c'était incroyable, ce monde qu'elle connaissait... On pouvait même dire sans exagérer qu'elle connaissait tout le monde. Ces gens extraordinaires qu'on voyait à la télé, qu'on entendait à la radio, les présentateurs, les acteurs, les chanteurs, les stars enfin... tous, elle les connaissait tous pour de vrai. C'était quelqu'un, vraiment, ma tante Yvette. Si vous aviez vu comme les voisins la guettaient à leurs fenêtres, quand elle descendait de la vieille Simca de mon père, perchée sur ses talons aiguilles, toute blonde et si court vêtue, et si légèrement lestée de sa petite valise de croco, et si adorablement mince dans son gros manteau de vison [...]
 
Suite du récit sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com
 

Publié dans Récits et nouvelles

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La mare

Publié le par Carole

La mare
Il faisait si froid ces jours-ci.
Chaque matin et chaque soir, moi qui me hâtais de foncer quelque part, je passais devant eux qui n'allaient nulle part, je courais devant eux qui attendaient toujours, posés sur la glace de la mare, communiant immobiles dans la même patience.
Qu'attendaient-ils, ainsi groupés ? Que l'eau dégèle, libérant les poissons d'en-dessous aussi immobiles et figés qu'eux-mêmes ? Qu'un grand vent de printemps tout chargé de pollens et d'insectes les emporte à nouveau, en long V de victoire, jusqu'au bord des nuages ? Ou simplement que la tiédeur revenue les autorise enfin à nager, à aimer et à cancaner, à dépenser comme de petits soleils cette énergie qu'ils tentaient, pour durer dans le froid, de contenir en eux  ? 
Tout cela à la fois, sans doute.
 
Ils attendaient patients, car il faut bien attendre, quand pour survivre on doit se tenir immobile, se serrer comme un poing sur sa propre chaleur, et refermer ses ailes et replier son coeur, à se faire oublier de la mort aux yeux blancs, ce hibou qui s'abat sur tout ce qui remue.
 
Ils attendaient ensemble, car on n'a jamais jamais pu le passer seul, quand le monde est de glace, le pont tremblant de givre qui mène au lendemain.
 
 

Publié dans Fables

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Rien sans peine

Publié le par Carole

Rien sans peine
L'inscription ornait un de ces pavillons de petite banlieue que les métropoles d'aujourd'hui promettent à la démolition.
 
Rien sans peine...
 
Les lettres de fer semblaient trembler de rouille, de froid et de vieillesse. Comme ceux qui vivaient encore là. 
 
C'était le temps où les maisons de banlieue parlaient, où elle racontaient de modestes histoires de réussite et d'espérance, où elles s'appelaient "Sam suffit", "Mon rêve" ou "do mi si la do ré". Le temps où l'on bâtissait soi-même son petit pavillon ouvrier pour que les enfants en héritent. Le temps de l'Ecureuil et des Castors et du Crédit Foncier. Le temps où l'on croyait dur comme fer forgé aux lendemains qui chantonnaient que la peine en valait la peine 
 
mais qu'on n'a rien sans peine...
 
Dans les périphéries lointaines où se terrent aujourd'hui les modestes demeures du bonheur populaire, qui donc irait encore écrire cela, au fronton de son pavillon à crédit? 
Ce n'est pas que la peine ait disparu. Ce n'est pas non plus que la peine n'en vaille vraiment plus la peine. C'est plutôt qu'elle est devenue toute honteuse et anxieuse, tout à fait silencieuse, la pauvre peine des gens de peu. Qu'elle a cessé de chantonner et de fanfaronner, en serrant ses gros poings d'ouvrière. Et qu'elle tremble à le voir s'approcher de ses maisonnettes de paille, de ses maisonnettes de bois, de ses maisonnettes de brique, le grand diable goulu que l'on tire par la queue pour qu'il se tienne coi, le jeune loup aux dents longues qui a nom "avenir".

 

Publié dans Fables

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Gilles (réédition)

Publié le par Carole

jardin-baliniere-9.jpg   
Jardin - quartier de la Balinière - Rezé
 
"Qui est né à Nantes comme tout le monde ? Qui est né à Nantes ?" (Louis Aragon)
 
 
A Rezé, où est né Benjamin Péret, qui venait de Nantes comme tout le monde, on peut très bien vivre dehors, en hiver.
On peut très bien mourir aussi. Comme Gilles, qu'on a déjà oublié et dont je voudrais raconter l'histoire.
 
C'était il y a un ou deux ans, ç'aurait pu aussi bien être aujourd'hui, ou demain.
Il dormait à Rezé, dans les toilettes publiques de la place du marché, tout près de la Cité radieuse de Le Corbusier. On l'a trouvé un matin tout raide et gelé, en poussant la porte qui résistait un peu.

On a raconté sa mort dans les journaux, des gens qui l'avaient connu avant ont dit qui il était - un homme presque comme tout le monde, qui avait perdu sa femme, qui avait perdu son emploi, qui avait perdu son logement, qui était malade, qui ne voulait déranger personne et qui aurait bien voulu être à nouveau tout à fait comme tout le monde...

C'est alors qu'on a su qu'il s'appelait Gilles. Il portait le nom du grand solitaire de Watteau, et ce nom lui allait bien.

Des Gilles, il y en a tant. En paquets gris sur les trottoirs, sur les escaliers, dans les passages et les halls de gare, sous les arches des ponts, sur les sièges du tramway, sur les rares bancs qu'on leur a laissés, bavards ou silencieux, suppliants ou résignés, ils sont partout. Posés comme des bornes au coin des rues, ils nous font marcher droit, et, mieux que les leçons de morale sur les tableaux noirs de l'école, ils enseignent la loi aux enfants.

Ils font partie de la ville comme les publicités sur les abris Decaux, l'interdiction de fumer dans les cafés, les décorations de Noël, les vélos en libre-service, les jardins associatifs, les banques du centre hérissées de grilles et les cafés des faubourgs en liquidation judiciaire.

On ne peut pas parler de la ville sans parler de Gilles, et vous le savez bien.
 

Publié dans Nantes

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Les noeuds

Publié le par Carole

Les noeuds
"Oh, l'filin dans nos mains fait craquer la peau"
 
(Henry-Jacques)
 
 
Je n'ai jamais pu passer près d'un de ces anciens bateaux de voiles, de cordages et de noeuds, sans penser à tous ceux qui ont si patiemment filé, si savamment tressé, si fortement noué les liens où s'accrochaient leurs vies. A ceux qui sans jamais se lasser ont serré, resserré, et toujours renoué les noeuds qui s'épuisaient. A ceux qui sans fin courbés sur la tâche ont réparé dans la tempête les fils qui se cassaient, les liens qui s'écartaient, les bouts qui s'emmêlaient.
 
Car il n'y a rien de plus important, sur le bateau qui tangue, sous le vent qui fait rage, que ces liens et ces noeuds qui tiennent en leur pouvoir toute la vie des hommes.
 

Publié dans Fables

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Le château de l'araignée

Publié le par Carole

Le château de l'araignée
Dans le froid, dans le gel, je l'ai vu ce matin,
le château de tricot de l'araignée du temps,
le beau filet de givre arrimé sur les branches
par l'obscure pêcheuse qui veille patiente
 
à nouer immobile un fil à l'autre fil,
pour en faire sa demeure,
à crocher en silence une maille à l'autre maille,
pour y pendre les heures.
 
C'est un monde parfait, c'est un monde glacé
c'est un monde divin, c'est un monde araignée,
ce monde où nous dansons,
ce monde où nous aimons,
ce monde où nous pleurons,
ce monde où nous mourons,
ce monde sans raison
 
où nous sommes les moucherons.

Publié dans Fables

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En 2017... ne pas nourrir les plantes carnivores !

Publié le par Carole

Jardin des Plantes de Nantes - Décor de Claude Ponti

Jardin des Plantes de Nantes - Décor de Claude Ponti

Elles se pavanent, elles font troupeau dans leur enclos, un peu frivoles, mais tranquilles - sottes peut-être, mais si belles. Elles vivent innocentes, d'eau fraîche et de chlorophylle, d'amour, d'ennui ou d'illusions. Tant qu'elles n'ont pas appris le goût des mouches et la saveur du sang, elles ne s'en doutent même pas, qu'elles sont carnivores.
Mais n'allez pas les nourrir, oh non ! car il en faut si peu pour les rendre féroces, à jamais prédatrices : qu'elles respirent seulement le parfum de l'ombre de l'insecte qu'on leur a jeté, le tremblement d'angoisse d'une chair qu'on leur livre, et les voilà qui se dressent, qui attaquent, qui étouffent, empoisonnent et dévorent et digèrent, répugnantes, venimeuses, inlassablement meurtrières. Et nos barreaux rouillés, droites grilles inutiles d'une pauvre raison qui ne tourne plus rond, s'effondrent en sanglotant, incapables de contenir leur armée grandissante.
 
Car ainsi va le monde, qui saurait vivre en paix, peut-être même en joie, en douceur, en beauté, si quelques-uns ne nourrissaient pas de ses plaies tant de mouches carnivores, tant de plantes gorgées de haines.
 
Alors pour cette année nouvelle qui pourrait bien, si on n'y prend garde, ressembler à tant d'autres, j'ai juste un voeu à faire - un voeu naïf, un peu bizarre, un voeu à la Ponti :
 
Que plus personne, sur cette Terre,
plus jamais, nulle part,
ne s'avise d'aller nourrir
les plantes carnivores.
 

 

Publié dans Divers

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Loulou

Publié le par Carole

Il avait déclaré d'un ton qui ne laissait place à aucune objection : "On fera appel à un traiteur, cette fois. Pour le service aussi."
Cette fois. Bien sûr. Cette fois... Elle se souvenait avec angoisse du précédent réveillon, de la soupière qui s'était effondrée, minée par une secrète fêlure, de l'horreur des morceaux explosant sur la table [...]
Suite du récit à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com

Publié dans Récits et nouvelles

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