Saint Amour
En lisant, tout à l'heure, devant la porte du fleuriste : Demain : Saint : Amour, je me suis souvenue.
Ma grand-mère était née le 9 août, jour de la saint Amour.
Mon grand-père quant à lui était du 13 septembre, jour de la saint Aimé.
La coïncidence était merveilleuse, et ma grand-mère, chaque 9 août, la rappelait en riant. Amour aimé. Aimé d'amour. Ils étaient nés l'un pour l'autre...
J'en étais sûre, enfant, comme j'étais sûre que chacun de ces adultes qui m'entourait se tenait à la place exacte que le destin lui avait fixé, né pour être ce qu'il était, et rien d'autre à jamais, dans un monde clair et stable comme l'éternité.
Puis mon grand-père est mort. Le monde a vacillé. Amour avait perdu son aimé. Aimé n'était plus le soutien d'Amour. Bientôt Amour allait tomber dans les ténèbres, tout près d'Aimé, qui s'effaçait déjà. Et nous petits enfants sur la scène d'Amour danserions à notre tour notre léger pas d'ombres, pour que d'autres encore nous suivent et nous survivent, et se changent en ombres, et renaissent en Aimés...
Amour... Aimé, vous étiez nés l'un pour l'autre, et nés aussi pour ceux qui de vous se souviennent. Et nés encore pour ceux qui de vous ne pourront jamais se souvenir. Pour que tout continue, et que rien ne demeure. Saint Aimé... saint Amour...
Cela n'a aucun sens. Rien d'autre n'a de sens.