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Traînée de vie

Publié le par Carole

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Sur le bitume ce fut d'abord une trace modeste. Quelques brins d'herbe tendant le cou, hésitants, un souffle de désir qui dansait sous la pluie, une tête pointue qui grignotait le gris, et la lente poussée d'un dos qui voulait se faire place, déroulant ses anneaux.
Peu à peu on l'a vu sortir, et puis bientôt ramper, avancer en bête obstinée, serpent de pissenlits tordant sa queue semée de touffes ailées, dragon vainqueur et zigzagant envolé dans la ville.
Et c'était sous nos pas délivrés une longue traînée de vie, verte comme une flamme.

 

Publié dans Fables

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La porte

Publié le par Carole

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Car on l'a retrouvée, cette porte qui mène 
 de l'autre côté
du miroir
du jardin
du chemin
de la ville
ou du ciel.
 
On l'avait toujours su, qu'elle attendait quelque part
que nous passions près d'elle.
 
Un peu usée
un peu vieillie
un peu ternie
ensommeillée
avec sa poignée grise 
comme une aile d'oiseau
toute prête à céder
à la paume légère
d'un rêve promeneur.

 

Publié dans Nantes

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Les raisins obstinés

Publié le par Carole

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Il m'avait dit, le jardinier du jardin des Plantes, que les vendanges seraient bonnes. C'était au printemps.
Mais à l'automne j'ai trouvé les raisins noirs et desséchés. Personne n'était venu les cueillir, et ils étaient morts, là, d'infructueux oubli.
Quoi de plus triste qu'une promesse qu'on dédaigne ?
Et puis il y a eu cette tempête, ce vent qui les a secoués comme grelots,
cette pluie qui les a couchés sur le sol comme en prière,
cette boue qui les a accueillis et pétris.
Ils se sont ressemés, les raisins qu'on avait dédaignés.
Quoi de plus obstiné qu'une âme qui espère ?
 

Publié dans Fables

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Amour en cage

Publié le par Carole

amour en cage
 
Amour en cage
Amour en larmes
Petite flamme
Qui se fane
Et coeur éteint
Dans son jardin
 
Est-ce bien d'une fleur 
Que je parle d'une fleur
Sur sa tige tremblant
Comme un sanglot du temps    
 
La vie se glace
Au froid des âmes
Et la pluie lasse
se plaint tout bas
Amour en larmes
Amour en cage

 

Publié dans Fables

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Bancs d'automne

Publié le par Carole

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"Le désespoir est assis sur un banc" - Jacques Prévert
 
 
Par ces jours bruineux d'automne, on ne vient plus guère au jardin, qui lentement se dévêt, tournoyant dans ses feuilles et se poudrant d'or mat.
Et plus personne ne s'assied sur les bancs humides et noircis.
Sauf eux.
Des hommes, des femmes aussi, âgés, pauvrement vêtus, solitaires.
Ils attendent. Ils restent là longtemps, à regarder sans rien dire les oiseaux et les arbres, les fleurs aux yeux mouillés et les étangs troués de pluie, à suivre du regard les feuilles qui dansent lentes avec le vent, puis tombent épuisées sur les chemins déserts qui ne vont qu'en tournant.
 
Pourtant, ce n'est pas le désespoir qui les assied sur leur banc, dans la pluie et le froid - car il y a dans le désespoir encore toute l'ardente énergie de l'espoir, se renversant vers le néant. 
C'est bien plutôt la résignation. Et cette solitude, si vaste, si lourde sur leurs épaules, qu'elle les oblige à venir s'asseoir là, et à attendre, quand le jardin fait route vers l'hiver.
Comme si l'attente était la dernière promesse de la vie.
Une façon d'aller encore, quand on ne sait plus où.

 

Publié dans Fables

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L'oiseau-fleur (réédition)

Publié le par Carole

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Jardin des Plantes de Nantes, 12 octobre 2012
 
 
L'oiseau était posé parmi les fleurs. Oiseau d'automne à tête rouge de bruyère, à gorge de feuille brune, à dos de champ fraîchement labouré. Faisan peut-être, ou bien tétras, je ne saurais le dire.
Il était de l'exacte couleur des fleurs et des feuilles, on l'aurait cru brodé à fil de soie sur la grande tapisserie des Métamorphoses. Il marchait à pas lents dans son parterre d'Eden, semblant rêveusement y suivre son reflet, se balançant sur ses pattes comme sur une tige. Et je ne savais plus si l'oiseau était fleur, ou si les fleurs étaient oiseaux. Non, vraiment je ne savais si le jardinier avait semé sur la terre comme une fleur ce bel oiseau d'automne, ou si le vent, d'une caresse colorée, avait offert aux fleurs un plumage d'oiseau, pour les mêler au ciel.
 
Il arrive parfois, au Jardin ou ailleurs, que l'harmonie triomphe de toutes différences, que l'unité l'emporte, comme une promesse d'éternité.
Et c'est beau comme le monde à son tout premier jour, avant que les noms ne le partagent.

 

Publié dans Nantes

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Automne à la vitre qui pleure (réédition)

Publié le par Carole

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Mains brunes perles et pluie qui pleure
L’automne bat sur cette vitre
La mesure simple de la vie
Un arbre jaune au vent se donne
 
Dans l’herbier gris des jours passés
Qui a jeté les feuilles mortes
Au grand hasard des pages enfuies
De nos mémoires éparpillées
 
L’hiver qui vient serre l'espoir
Dans ses rangées de branches noires
Printemps pépiant chaque bourgeon
comme un oiseau replie ses ailes
 
Araignée calme le soir se berce
De froid de brume et de pluie lente
L’automne cogne au carreau bleu
Le monde attend comme un jardin

 

Publié dans Fables

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Un visiteur

Publié le par Carole

     Le petit homme qui venait de sonner à la porte avait un air si terne... C'était une silhouette tellement... – Comment dire ? – Transparente ? – Oui, transparente était sans doute le mot approprié. Christian Delmas eut un moment de surprise : jamais il n'avait eu face à lui quelqu'un d'aussi infime, d'aussi... inexistant. Quelqu'un ? Était-ce même quelqu'un, cet être à demi effacé ? [...]
 
Suite du récit à lire sur mon blog cheminderonde.wordpress.com

 

Publié dans Récits et nouvelles

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Envol

Publié le par Carole

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Voilà. C'est fini. L'exposition est terminée. On démonte aujourd'hui les beaux livres volants que Claude Ponti avait lancés dans le ciel du jardin des Plantes comme des albatros. On couche à terre les grands mâts qui les emportaient dans les airs. Voilà qu'elles gisent dans la boue, les vastes ailes chargées de mots, avant d'être embarquées dans ces lourdes caisses aveugles où l'on enferme pour toujours les expositions mortes.
Tant pis...
Sur les chemins qu'ont ouverts les oiseaux, toujours d'autres oiseaux repassent. Et lorsqu'un livre est allé une fois dans le ciel, toujours un lecteur y revient, tournant les pages qui s'en vont comme des nuages au voyage de la vie.

 

Publié dans Nantes

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L'art des mélancoliques

Publié le par Carole

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Le Passage est en travaux, et l'on brosse la peau décrépite des statues immobiles, avant de la rajeunir au lait de chaux. C'est bien étrange à voir, toutes ces allégories qu'on met à nu, ce petit peuple de dieux muets dont on déboulonne patiemment les mystères. 

Tiens, celui-ci, l'enfant-Navigation, je l'avais déjà photographié plusieurs fois.

Couronné d'étoiles, par exemple :

 pommeraye étoiles 2


Ou mordu d'araignées obscures :


enfant- araignée version 2


Demain, plus tard, je vous le montrerai encore sans doute, blanchi de neuf, et déjà se couvrant de poussière.

La photographie est l'art des mélancoliques, acharnés à saisir ce qui fuit. Petits Poucets ramassant les instants, et semant leurs images pour tracer le Passage.

Mais cette statue, pourquoi vous ai-je dit qu'elle représente la Navigation ? je crois qu'elle est plutôt l'allégorie du Temps. C'est lui qui tient la barre. Toujours.

 


Publié dans Nantes

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