Le Shtandart
" Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? — J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… les merveilleux nuages !"
Automne pas à pas
Tout au bout de l'été
pluie lente sur la ville.
Soudain ces feuilles comme un gué
dans les flaques d'eau grise,
pavés d'or frais battu
sous de lourdes semelles.
Il s'en va devant nous,
les bras chargés d'or roux
et les pieds dans la boue,
il s'en va si tranquille,
comme un prince inconnu,
comme un arbre sans hâte.
L'automne
pas à pas.
Baudelaire dans la rue
C'est toujours étonnant, ces gens qui utilisent les murs comme des pages blanches pour y noter absurdement des mots qu'on efface aussitôt.
Mais c'est la ville, au fond, qui veut cela. La ville qui ne fait jamais silence et exige de nous tous des mots, des mots, des mots pour faire taire le fracas et pour remplir le vide. Des mots pour exister, et des mots à faire exister, quand on n'est qu'un passant aussitôt englouti par la foule. Des mots que la ville suscite et que la ville efface, jetés comme des affiches à arracher, sur tous ces murs qui nous enserrent.
Je traversais la rue dans le grondement des moteurs et le fracas hâtif des destinées précaires.
Et soudain il a été là, devant moi, comme une apparition, ce vers cacophonique et magnifique, affiché sur un mur par un passant enfui, ce vers si absolument parfait dans son roulement de r, qu'il me semble toujours que toute la laideur du monde se fige en lui comme en un diamant hérissé et glacé, dans l'attente de la beauté qui doit passer enfin - et disparaître aussitôt.
La rue assourdissante autour de moi hurlait
La rue assourdissante hurlait, oui, elle hurlait encore, elle hurlait toujours, elle grondait, klaxonnait et crissait. Peut-être même n'avait-elle jamais connu plus grand vacarme, plus imbécile tintamarre, plus absurde chaos.
Et pourtant...
qu'un inconnu de nos rues d'aujourd'hui inscrive sur un mur de la ville, comme ça, juste en passant, un vers de Baudelaire, je ne sais pas ce que vous en pensez, vous, mais pour moi, cela suffit à donner sens à tout.
A la ville si laide, au crissement des pneus, à la ruée des moteurs, à la rumeur des foules, aux murs couverts de tags, à tous ces mots absurdes que nous jetons partout comme des cris - et qui parfois - une ou deux fois par siècle, peut-être, par la voix d'un poète, se mettent enfin, et pour toujours, à exister.
Une forme de réversibilité, peut-être.
Des pas sur le sable