Un banc au bord de la mer
C'était un soir, au milieu de l'été. Ne me demandez pas où, car je l'ai oublié. Quelque part, sur une côte rude du rivage atlantique. Nous nous étions assis pour manger, sur ce banc, au bord de la route, face à la mer, qui semblait attendre les passants, derrière une clôture ouverte.
Quelqu'un s'est approché. Une petite femme aux cheveux courts teints d'un roux si aigu qu'il enflammait son vieux visage d'une drôle d'auréole insignifiante et saisissante. Elle avait les bras encombrés de sacs.
—Vous êtes bien installés ? Le paysage vous plaît ? Vous avez très bien fait d'entrer et de vous asseoir sur le banc...
— Ce n'est pas un jardin public ?
— Non, non, c'est chez moi ici, mais vous avez bien, fait, c'est exprès...
— Excus...
— Non, non, c'est exprès, je vous dis. La porte est ouverte exprès. Nous avons mis ce banc pour que les gens puissent s'asseoir, dans ce petit coin que nous aimons bien... Mais il a encore été vandalisé cette nuit, faites attention, il y a une grosse fêlure, regardez, j'ai peur que ça s'effondre. Demain, mon mari va rentrer, nous allons réparer cela...
— C'est vraiment très gen...
— Oui, vraiment très gênant, mais nous allons réparer cela... maintenant je dois vous laisser, il faut que j'aille nourrir les goélands...
Nous l'avons regardée descendre, petite flamme rouge glissant sur les rochers, le chemin qui penchait vers le large. Sur leurs bancs de pierres noires, en bas, face à la mer, les goélands attendaient déjà, lissant leurs plumes ardentes dans le soleil du soir.
J'y ai repensé, ensuite. Nous ne le savions pas, mais nous venions de rencontrer la Bonté. Active et inlassable, dévouée à tous et à tout, si souvent offensée, jamais déçue, bien vieille, et toujours jeune, insignifiante et forte comme la flamme que de coeur en coeur on se passe, pour frayer dans ce monde un chemin de lumière.