Un banc au bord de la mer

Publié le par Carole

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C'était un soir, au milieu de l'été. Ne me demandez pas où, car je l'ai oublié. Quelque part, sur une côte rude du rivage atlantique. Nous nous étions assis pour manger, sur ce banc, au bord de la route, face à la mer, qui semblait attendre les passants, derrière une clôture ouverte.
Quelqu'un s'est approché. Une petite femme aux cheveux courts teints d'un roux si aigu qu'il enflammait son vieux visage d'une drôle d'auréole insignifiante et saisissante. Elle avait les bras encombrés de sacs.
—Vous êtes bien installés ? Le paysage vous plaît ? Vous avez très bien fait d'entrer et de vous asseoir sur le banc... 
— Ce n'est pas un jardin public ?
— Non, non, c'est chez moi ici, mais vous avez bien, fait, c'est exprès...
— Excus...
— Non, non, c'est exprès, je vous dis. La porte est ouverte exprès. Nous avons mis ce banc pour que les gens puissent s'asseoir, dans ce petit coin que nous aimons bien... Mais il a encore été vandalisé cette nuit, faites attention, il y a une grosse fêlure, regardez, j'ai peur que ça s'effondre. Demain, mon mari va rentrer, nous allons réparer cela...
— C'est vraiment très gen...
— Oui, vraiment très gênant, mais nous allons réparer cela... maintenant je dois vous laisser, il faut que j'aille nourrir les goélands... 
Nous l'avons regardée descendre, petite flamme rouge glissant sur les rochers, le chemin qui penchait vers le large. Sur leurs bancs de pierres noires, en bas, face à la mer, les goélands attendaient déjà, lissant leurs plumes ardentes dans le soleil du soir.
J'y ai repensé, ensuite. Nous ne le savions pas, mais nous venions de rencontrer la Bonté. Active et inlassable, dévouée à tous et à tout, si souvent offensée, jamais déçue, bien vieille, et toujours jeune, insignifiante et forte comme la flamme que de coeur en coeur on se passe, pour frayer dans ce monde un chemin de lumière.

 

Publié dans Fables

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H
Je viens de partager ce beau récit sur ma page facebook surtout pour montrer aux gens que nous avons bien besoin de cette bonté. Merci Carole
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C
Merci, Hamza, c'est votre propre bonté qui me réchauffe le coeur !
M
la Bonté! Tu as rencontré la Bonté! ça, c'est extraordinaire et pas donné à tout le monde hélas. ce serait même plutôt le contraire.<br /> J'aime beaucoup cette idée de banc particulier et néanmoins public. Quelle vue!<br /> Merci Carole<br /> Je te souhaite d'autres belles rencontres<br /> ;)
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C
<br /> <br /> Merci, Martine. J'avais toujours pensé que la bonté habitait près d'un banc. Et c'était vrai.<br /> <br /> <br /> <br />
N
Belle rencontre... quand la mer s'écoule au pied d'un banc !!
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M
Bonjour Carole. La bonté à l'état pur....cette femme donne sans fanfaronnades.une perle rare.
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C
<br /> <br /> Très rare. Une perle d'une eau très pure.<br /> <br /> <br /> <br />
F
une charmante dame qui laisse sa porte ouverte aux passants mais il faut tjs que des vandales détruisent
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R
Vos rencontres, Carole, qu'elles soient d'humains ou de choses, transcendent poétiquement le monde dans lequel tous nous vivons et que vous êtes seule à présenter avec un regard bien plus riche que<br /> le nôtre.<br /> <br /> Mais quelle aura dispensez-vous pour qu'ainsi ces hommes et ces choses se dévoilent à vous ?<br /> <br /> Subjuguant !
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C
<br /> <br /> Non, vraiment, c'était le hasard qui nous guidait et nous n'avons presque rien dit. Par contre, cette femme, quelle générosité !<br /> <br /> <br /> <br />
L
Il y a toujours un banc face à la mer. Mais rencontrer la Bonté, c'est beaucoup beaucoup plus rare...
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Z
quand le respect et la bienveillance sont là...
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G
peut-être une descendante du bondieu cette brave femme
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C
Le beau souvenir d'un moment de plaisirs multiples ! cette spontanéité devient très rare, la générosité heureusement un peu moins, mais avoir l'idée de partager un petit coin de terrain pour offrir<br /> une pause au voyageur et au passant c'est vraiment gentil, et à peine s'offusquer du vandalisme c'est carrément rarissime... Une belle personne...
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C
Bonjour Carole,<br /> C'est magnifique! La bonté personnifiée et toute flamboyante, vigoureuse avec sa clarté rousse d'enluminure papillonne près de nous. C'est une très belle rencontre, inattendue, on se croirait dans<br /> un conte. La réalité est remplie de contes qui s'incarnent au fil du chemin. J'aurais aimé prendre place sur ce banc et rêver face à la mer. J'aurais aussi aimé rencontrer cette flamme humaine. Et<br /> dire que le vandalisme a eu besoin de passer par là... C'est aussi grâce à ça qu'on reconnaît la générosité inoxydable.<br /> Merci pour ce bonheur d'écriture.<br /> Bises amicales, j'espère que tu passes un bel été<br /> Cendrine<br /> <br /> Copier-coller:Un petit coucou chaleureux en cette fin août qui nous fait penser à l'automne. Je reviens un peu sur la blogosphère après des moments difficiles (euphémisme) à cause de ma pathologie<br /> et dans l'attente de mon opération. Vivement que les spécialistes rentrent de vacances !!! Pendant ce temps on souffre et on attend... Je limite mes venues sur la toile et Christophe publiera<br /> mes articles.<br /> Excellent week-end, gros bisous.<br /> Cendrine
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C
<br /> <br /> Merci d'avoir pris la peine de venir visiter mon blog, Cendrine. Je suis triste que tu sois aussi malade, et pleine d'espoir pour toi aussi, puisqu'une opération t'est proposée. Je souhaite que<br /> la santé puisse te revenir rapidement.<br /> <br /> <br /> <br />
A
J'aime beaucoup votre dialogue!<br /> Cette petite flamme hors du temps, presque incongrue, semblant sortie d'un étrange rêve tant elle est rare, fait maintenant grâce à toi un voyage parmi nous tous, pourtant si éloignés les uns des<br /> autres...
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H
Formidable accueil. Cela fait plaisir de rencontrer des gens de ce genre. Ils deviennent de plus en plus rare hélas. Nos sociétés semblent être égarées. Bravo Carole
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C
<br /> <br /> C'était vraiment une belle rencontre. Merci, Hamza.<br /> <br /> <br /> <br />
J
La bonté avait un visage, un sourire, des paroles. Quelle chance de l'avoir rencontrée ! Bien souvent nous ne la voyons même pas tant notre coeur est dur. Amitiés. Joëlle
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A
Sur un parking, une dame me tend en souriant son ticket parce qu'il reste une heure à utiliser, un dimanche où j'attends avec ma valise un bus qui n'arrive pas, un couple s'arrête et me propose de<br /> m'amener à la gare, des gens de mon quartier se mobilisent pendant des années pour qu'une famille africaine soit logée dans des conditions décentes, etc...la bonté, la solidarité est plus présente<br /> qu'on le dit!
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B
Magnifique.
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J
La bonté... un mot qu s'oublie, hélas, dans ce monde où chacun vaque à ses affaires, son banc à soi... merci Carole !
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