Sous les tuiles du palais Dobrée, étrange demeure romane - ou romanesque - que se fit bâtir, en plein XIXe siècle, un collectionneur excentrique et philosophe, j'ai aperçu ce corbeau. Il dormait là-haut comme un gisant, la mousse lui fermait doucement les yeux, il était en paix. Un long fil d'araignée l'attachait encore à la pierre, et de lourdes fientes de pigeon l'empêchaient d'oublier, même en rêve, qu'en ce monde tout pèse, même l'oiseau, son poids de boue.
A l'autre extrémité du palais, sur les parois de la tour orgueilleuse que, de son vivant, Thomas Dobrée ne vit pas achevée, veillait le serpent ailé, dont les deux yeux aigus ne se ferment jamais. De son venin stérile, il avait écrit sur le mur, en breton et en lettres flamboyantes, la devise de son maître," Ann dianaf a rog ac'hanoun", l"'incertitude me ronge".
Orgueil, désir, tourment jetés aux parois de Babel. Elan de la vie haute vers la beauté qui fuit. Amour et coeur mangé, folie et désespoir, pour celui qui s'accroche aux ailes du serpent, pour celui qui refuse l'humble loi des mortels - Accord et doux sommeil pour celui qui laisse le temps et la vie effacer son visage, pour l'absent de lui-même qui repose en sagesse sur les chemins terreux, humides et doux, du monde tel qu'il va. Mais cette bouche close, et ce regard détruit.
Et moi de l'un à l'autre, arpentant le jardin brûlant du palais, promeneuse d'un jour d'été.
La laisse de mer
Saint-Pierre-Quiberon
On appelle laisse de mer cette frange d'algues, de branches mortes et de coquillages que la mer oublie sur les plages, à marée basse.
Ainsi, parfois, aux rives de la mémoire, se déposent les souvenirs, épars sur le sable des heures comme des algues encore vivantes que nous aurait laissées l'enfance.
Je l'avais si longtemps attendue...
J'avais écouté son souffle dans le coquillage verni qui ornait le buffet de mes grands-parents, à Guéret.Peu à peu j'avais appris à reconnaître, très loin au fond de moi, sa voix qui tremblait de promesses imprononcées et d'horizons fuyants, de navires à proues d'espérance, d'îlots fragiles et d'écueils désirés.
Et puis c'était arrivé : nous étions partis de Guéret un matin avant l'aube, et nous étions montés dans un train tiré par une locomotive à vapeur toute piaffante. - Tchou, tchououou...! s'était-elle exclamée, puis elle avait bondi, de gare en gare, d'aiguillage en aiguillage, de correspondance en correspondance, sans erreur, jusqu'à l'océan lointain. Le soir, à Vannes, il faisait nuit et il pleuvait, on était venu nous chercher en voiture, je m'étais endormie dans mes vêtements tachés de suie, bercée -Tchououou...tchou...- par l'ombre bondissante de la loco autant que par les cahots de la petite automobile qui nous avait déposés, après bien des virages, à Saint-Pierre-Quiberon.
Le lendemain matin, il y avait eu ce soleil ruisselant de sel, et ce ciel d'un bleu léger, frémissant d'oiseaux criards. De grands draps blancs s'enflaient de vent et de lumière, luttant comme des pirates liés aux mâts de fer plantés dans les galets du jardin.
Pendant le petit déjeuner, au fond du transistor grésillant de mon grand-père, qui contenait - mystère que j'acceptais sans chercher à l'expliquer - tout un orchestre avec la batterie, le micro et un costume d'argent pour danser -, Claude François avait chanté avec une conviction que je partage encore "Mais quand, le matin, je vois le soleil, le matin...", puis nous avions longtemps marché sur un chemin brillant de mica, à travers des herbes sèches semées d'immortelles et de chardons.
Tout au bout du chemin, le sable était hérissé d'algues, de coquillages, de brindilles éparses, et de rochers pensifs.
Elle a entouré mes pieds de ses doigts frangés d'écume, de coquilles et de ciels renversés. J'ai caressé de mes lèvres l'arc-en-ciel de ses lèvres, sur mon corps mince j'ai serré son grand corps parcouru d'eau, de sable et de soleil, j'ai avancé dans la lumière. Et c'était bon comme quand on rentre chez soi, après une longue absence, et que la lampe rallumée fait dans la nuit son doux nid de jour clair, et qu'enfin on se reconnaît.
Aller voir le blockhaus
Il y a quelque chose de très doux, de très léger, dans le spectacle d'une plage populaire, sur la côte atlantique, entre Quiberon et Saint-Nazaire, par une belle journée d'été.
Libérés pour quelques jours de la lourde nécessité d'avoir l'air d'être ce qu'aucun humain jamais ne pourra être : employés de bureau, écoliers, agents de surface, coiffeurs, chômeurs, caissières, malades, ménagères ou chauffeurs routiers..., les baigneurs presque nus absorbent le soleil, la mer, le sable et le ciel par tous leurs pores vivants que dilate l'été.
Tout à l'heure les ombres s'allongeront sur la plage, on reviendra au camping, d'un pas traînant, cuire des merguez sur un réchaud de fortune, jouer à la pétanque sur un coin d'herbe rase, on montera le son de la radio, peut-être même on dansera avec le voisin gendarme ou inspecteur des impôts, loin des goélands gris dont les ailes baignées de lune chevaucheront les vagues et les anciens naufrages.
Mais, pour l'instant, le soleil a pris possession du monde. Un employé pâle et malingre qui ne voyait jamais le jour s'élance à la poursuite d'un cerf-volant tout bleu, qui frémissant l'entraîne vers l'azur, un jeune garçon obèse cabriole sur le trampoline, une fille timide étendue sur les algues s'offre en sirène aux caresses du ciel, on achète aux marchands qui passent des glaces au goût sucré de paix. Il flotte dans l'air bleu quelque chose de joyeux comme un drapeau qui claque.
Alors, quelqu'un propose d'aller voir le blockhaus. Car la côte est semée de blockhaus, entre Quiberon et Saint-Nazaire, comme sur tout le littoral atlantique.
Tout en haut de son éperon de falaise, le blockhaus est visible de loin. On dirait un de ces rochers trapus taillé en force par l'abbé Fouré, une bête pensive, échevelée d'herbes sèches et veillant sur la mer.
Quand on s'approche, on voit qu'il est recouvert de tags et de noms d'amoureux, de lichens et de cinéraires. La rouille de son armure de fer a transpiré jusqu'au béton érodé qui s'effrite. Un pin maritime couché par le vent allonge vers lui ses racines. Dans le ravin tout proche, un autre blockhaus s'est déjà écroulé, et ses ruines battues par la mer, hantées de crabes et d'huîtres, se changent lentement en galets et en sable.
Si l'on pouvait entrer à l'intérieur, savoir ce qu'ils voyaient, ceux qui montaient la garde ici, comprendre ce que c'était, que d'attendre la fin, avec pour seuls compagnons le vent, les oiseaux et les vagues... Mais le blockhaus est muré. On s'assied sur le toit, en balançant dans le vide ses jambes nues et chaudes, et puis on rêve un peu. On aimerait comprendre comment des canons, des tanks, des ordres lourds de haine et des soldats à mitrailleuses ont pu ramper jusque-là sans glisser dans les dunes, s'abîmer dans les flots. On se prend à penser que la mer peut-être leur a parlé, à eux aussi, avant que tout finisse, d'un autre monde.
On est bien, là, sur le blockhaus qui s'émiette en rêvant, et qui bientôt, cédant au rauque appel de saint Guénolé devant Ys, à son tour tombera, sous l'étreinte des vagues, du pin maritime tout proche, du vent chargé de sel, ou des récifs d'hermelles. Des promeneurs passent en riant sur le chemin, on aperçoit en bas la plage, ses ronds bigarrés de parasols et sa foule apaisée, et on se dit qu'il n'est pas loin, peut-être, le jour où le bonheur, vraiment, sera rendu aux hommes.
Les pigeons
Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau. (La Fontaine)
Ces deux pigeons endormis, posés dans le rai d'une lampe, en équilibre sur l'étroite corniche, au-dessus de nous qui passions, très tard, dans la rue solitaire et obscure, c'était si peu de chose, c'était si émouvant pourtant.
Ces deux bêtes confiantes et ignorées de tous, ces deux êtres s'aimant, reposant côte à côte sur le nid tiède d'une pierre, dans le mince halo d'une lumière fragile, c'était comme si tout là-haut, dans le monde des oiseaux, quelque chose de nous s'était posé, quelque chose de léger, de très simple et de pur, que nous ne savions pas nommer,
ou comme si, peut-être, une brève lueur, glissant d'en-haut très doucement, sur l'aile lentement repliée de la nuit, était venue nous visiter - vers un monde toujours beau éclairant le chemin.
L'abeille
Je travaillais au jardin dans le thym,
une abeille tout près jardinait la lavande.
Moi, j'arrachais la mauvaise herbe, triant, jugeant et condamnant,
elle, de chaque fleur saisissait le meilleur, pour en tirer le miel.
Je pensais en humain,
elle cultivait en sage.
Je me penchais vers la terre,
elle s'est envolée vers le ciel.
Un soldat de chez nous
Selommes - monument aux morts
On l'a entouré d'une grille de fer forgé comme les morts du cimetière, puisqu'il est le mort, puisqu'il est tant de morts. Dans le temps noir il est bien sombre, sous sa capote grise.
Mais il se tient debout sur son socle, droit, un peu fatigué, appuyé sur son fusil comme un pésan sur sa bêche. Sa manche de gros tissu semble tachée d'un peu de boue. Il a le fin sourire, à la fois satisfait et méfiant, des hommes du village, celui qu'ils ont pour contempler les terres, le travail accompli, les promesses des blés, les ombres dans le ciel et les couchants trop rouges.
Et puis il a le grand nez courbe des Fichepain, des Hallouin, des Nouvellon, des Tondereau, des Chevais, des Ferrand, des Norguet, leurs sourcils roux qui frisent un peu. Le nez d'ici, les sourcils d'ici. Les moustaches de mon père, de mon grand-père, de mon arrière-grand-père.
C'est un soldat de chez nous.
Des femmes au corps épais, en foulard et en tablier, l'ont pleuré dans leurs grands mouchoirs à carreaux, lui ont porté de beaux bouquets cueillis dans les jardins, trempés de rosée et de larmes, et serrés d'une ficelle à volaille, avant de reprendre la charrue.
Le malheur a frappé ici comme ailleurs. Un jour, un glas venu de loin, transmis dans l'angoisse par le clocher de la vieille église, a résonné en sanglots dans les champs.
C'étaient des gars craintifs et timides, des gars de la campagne. Ils n'ont rien dit. Ils ont laissé les moissons aux femmes et aux enfants, ils sont montés dans les trains, ils ont bu pour monter au front, au lieu de la piquette du coteau, la gnôle infecte des tranchées, et ils ont vu les mouches se poser alanguies au fumier des cadavres. Dans les ruines d'autres villages, dans les champs dévastés d'autres fermes, que labourait la haine, que moissonnait la mort, ils ont laissé l'espoir, et tant d'amis, et puis la vie enfin.
Ici, le maire allait de maison en maison porter les lettres tamponnées et semer la détresse. Il ne s'habillait plus qu'en noir. Les épouses et les mères se pressaient à la messe de six heures, chaque matin, après la traite.
A quoi ont-ils donc pu penser, sous la pluie de mitraille et de sang, et à quoi pensent-ils, maintenant, ceux qui sont restés là-bas, couchés dans une autre terre ? On n'a jamais su.
Mais, quand tout a été fini, quand il a fallu choisir, pour la statue du monument, on n'a pas pu les imaginer autrement, ces morts d'une étrange et lointaine guerre, qu'en bons pésans appuyant sur la bêche leur grand corps fatigué de travail, posant leur fin sourire, satisfait et méfiant, sur la terre rousse et baignée de ciel, où les moissons frissonnent comme le temps, dans le vent de chez nous.
Car la terre, le travail, les chances des récoltes, même les morts, ici, y pensent encore, après, dans le vieux cimetière qui veille sur les champs.
Capricorne
Galerie de capricorne - lavoir de Selommes
Un jour, je ne sais plus quand, on m'a appris que j'étais du signe du capricorne. Les étoiles m'avaient tracé sur cette terre le chemin têtu des chèvres et des monstres, des insectes invisibles qui rongent en silence le cadavre des troncs. Une piste aride, solitaire, de bête et de paria. Puisque j'étais née un quinze janvier, disait-on. Et qui donc le disait ? - des petites filles cherchant le ciel sur leurs marelles, de vieilles femmes aux cheveux de nacre, qui connaissaient la vie et mieux encore la mort, toutes sortes de gens très dignes de confiance.
Enfant, j'en ai été longtemps effrayée. J'aurais tant aimé être balance, être gémeaux, être moi-même et l'autre, plus forte d'être deux, de n'être pas toute en moi, d'être aussi un peu à côté.
Plus tard, j'ai oublié, dédaignant les astres et les astrologues, de me soucier de cet absurde signe, encombrant comme un fardeau du destin.
Et maintenant, à bien y réfléchir, cela me convient tout à fait d'être un capricorne.
D'être la chèvre depuis longtemps disparue du village, errant comme un fantôme dans les enclos déserts et chevrotant son petit air comme une mélodie de cloches dans le silence des jours perdus.
D'être l'insecte lové dans le vieux bois, traçant sa route comme un point d'interrogation, comme un trou de serrure dont la clé serait à retrouver plus loin, jetée dans l'herbe haute.
D'être là-haut, dans ce grand mouvement des étoiles qui dessinent des routes, des ombres et des vies, et d'être, aussi, au plus profond des poutres, dans l'aubier d'un monde très ancien, l'insecte lent qui creuse des galeries profondes - me nourrissant, pour qu'elles vivent encore un peu en moi, de tant de choses qui ont été solides, qui ont tenu le ciel du monde où j'habitais, et qui, bientôt peut-être, ne seront plus.
La Houzée
Ce que beaucoup ne savent pas, même parmi ceux qui vivent au village, c'est la fraîcheur de l'eau, au creux de la vallée, loin des champs de blé dur et des silos de béton, dans les herbes et les feuilles, sur les reflets et sur la boue, là où la rivière s'enracine.
C'est un fouillis de sources et de petits ruisseaux, un nid tissé de filets d'eau légère et murmurante, où elle hésite et balbutie, cherchant sa route sur la terre, dans l'incertain labyrinthe de toute naissance.
Interrogeant les pierres, les massettes et les saules, elle écoute le monde pour en suivre la pente. C'est ainsi, peu à peu, qu'elle devient elle-même, la Houzée au doux nom de rosée, et qu'elle s'en va enfin, serpent irisé et joyeux, dans les prés et les bois, vers le Loir tout là-bas, qui s'en va vers la Loire, qui s'en va vers la mer, qui s'en va vers la lune, qui s'en va vers la terre, qui s'en va dans le monde, qui s'en va dans son cercle...
J'aime aller à La Source, auprès du vieux lavoir, puis, marchant dans les champs, derrière le petit pont, la voir naître sans fin en ses affluents innombrables, danser comme la vie sur le fil du hasard, hésiter, tournoyer, tracer sa route aux sillons de boue verte et de cresson bleuté, avant de s'en aller sur la pente éternelle, sur l'unique chemin de son destin d'eau calme. A chaque motte, à chaque arbre accordée, miroir du ciel et des branches qui rêvent, et pourtant, toujours libre, dessinant elle-même la voie qui va plus loin.
Je voudrais tant, je voudrais tant lui ressembler.
Le saint
Eglise de Selommes - Loir-et-Cher
Lui, c'est le saint. Il est si fruste et si usé que nul ne sait plus qui il est. Peut-être d'ailleurs n'est-il pas du tout un saint, mais un homme. Ou même une femme, après tout, qu'en savons-nous ?
On l'a dessiné dans la pierre comme un masque, comme une idole païenne, à grands traits de burin, les yeux en amande, le nez long butant sur le carré large des narines, la bouche renfrognée, perdue de vieillesse et d'usure.
L'après-midi, au soleil, il a l'air de crier, quand l'ombre en aile de corbeau se pose et se déploie sur son menton informe, le tirant vers la nuit. Et, le soir, quand le vitrail, semblable au ciel du Cri, s'enflamme derrière lui, je lui trouve vraiment le visage du presque-mort qui hurle sur le pont, dans le tableau de Munch.
Mais, au matin revenu, il est, dans le pur tremblement de la lumière nouvelle, sous sa peau de lichen et de mousse, comme un caillou très doux au profond de la source.
Quoi qu'il en soit, je l'appelle le saint, car, ainsi que l'exigent la sagesse des Hommes et la loi du Seigneur, il veille à la droite de la bête, comme l'Est doit veiller près de l'Ouest, et l'esprit se tenir à côté du corps, agneau très pur près de la hure hideuse. Et voici bientôt mille ans que leurs deux paires d'yeux grand ouverts sur le bien et le mal font aussi bonne garde que le berger Argus, sur le village confiant qui dort en cercle sous l'église. Même si, parfois, il arrive qu'un nid de guêpes ou de frelons échappé du Chaos venimeux s'accroche aux pierres en bourdonnant.
Quoi qu'il en soit, je l'appelle le saint, car, ainsi que l'exigent la sagesse des Hommes et la loi du Seigneur, il veille à la droite de la bête, comme l'Est doit veiller près de l'Ouest, et l'esprit se tenir à côté du corps, agneau très pur près de la hure hideuse. Et voici bientôt mille ans que leurs deux paires d'yeux grand ouverts sur le bien et le mal font aussi bonne garde que le berger Argus, sur le village confiant qui dort en cercle sous l'église. Même si, parfois, il arrive qu'un nid de guêpes ou de frelons échappé du Chaos venimeux s'accroche aux pierres en bourdonnant.
Une vieille bête
Eglise de Selommes - Loir-et-Cher
J'ai beaucoup d'affection pour cette vieille bête qui garde, près du saint qu'on ne reconnaît plus, le portail de la petite église.
Elle a des yeux usés qui s'ouvrent au grand soleil et qui pleurent sous la pluie, et les traits assombris de ceux qui ont vécu.
Elle n'a plus de gueule que ce qu'il en faut pour sourire ou gémir, et sa mâchoire emportée ne nous mordra jamais.
La saponaire grandit confiante près de son front qu'éclaire le lichen. Ses oreilles pointues entendent tout ce que nous disons - même ce que nous n'osons qu'à peine chuchoter dans nos coeurs. Et toujours elles pardonnent.
Un sculpteur de village l'a taillée autrefois dans un bloc arraché aux coteaux du Loir. Non un sculpteur de cathédrales ou de châteaux, mais un simple, un modeste, un de ceux qui passaient de chantier en chantier pour orner les églises des humbles et les manoirs de Sigognac, et qui dormaient le soir dans la paille des granges.
C'est lui qui lui a fait , de ses mains de brave homme, de son burin de paysan-maçon, ces yeux tendres de bête douce, ce bon museau de chien fidèle, ce visage de sable usé comme le lit de la Houzée. Cet air qu'elle a, auprès du saint presque effacé à la bouche revêche, d'être la bête et la hideur, l'objet de tout mépris, et cependant de ne pouvoir qu'aimer.