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Miroir

Publié le par Carole

art
 
Souvent, on s'interroge, on ne sait plus, on n'y voit goutte, on se mélange les pinceaux, on n'y comprend plus rien : l'art, qu'est-ce que c'est ? Où est-ce que ça commence ? où est-ce que ça finit ? Où donc est-ce que ça va ? Et qu'est-ce que ça raconte ?
Eh bien, voilà, c'est tout simple. Ça ne commence nulle part, ça ne finit nulle part ailleurs. Ça se perd en convergences et ça se trouve en reflets. Ça va chercher partout la lumière, ça ramasse les ombresÇa remue les images et ça vous parle en face. Car l'art, c'est un miroir.
Meuble jeté sur le chemin où galope Stendhal, glace rafraîchissant le front fiévreux de monsieur Proust, lentille grossissante, embellissante, enlaidissante, image hyperbolique, parabolique ou fugitive, surface bien polie, complexement convexe, obscurément concave, vitre piquée de mouches sur une armoire de ferme, psyché nimbée d'or frais aux galeries des roisqu'importe, du moment que c'est un miroir et que le monde s'y reflète à son aise.
N'exigez qu'une chose : que le verre soit d'un seul tenant, sans soudures, sans coulures, d'une eau pure et profonde, puisée à la source de l'être.

 

Publié dans Fables

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Vieux couple

Publié le par Carole

 

chaises - vieux couple.psd-copie-1
 
Deux vieilles chaises attachées l’une à l’autre
démodées, oubliées,
silencieuses, un peu raides.
Deux vieilles chaises attendant sur la rive,
si serrées, prisonnières,
mais à deux dans ce monde
solitaire.
 
Tournant résolument le dos au fleuve
qui s’en va tout là-bas
et ne reviendra pas,
deux vieilles chaises appuyées l’une à l’autre
bancales et fatiguées,
mais à deux sur le bord
du chemin.

 

Publié dans Fables

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Mosaïque

Publié le par Carole

mur-objets.psd.jpg
 
J'avais déjà vu des murs pavés de morceaux d'assiettes et de coquillages.
Mais je n'avais jamais rencontré un mur comme celui-ci, semé, jonché, fleuri de ces petits objets, de ces bricoles infimes qui tapissent nos jours.
Boîtes de pastilles, jouets, boutons, couvercles de pots de confiture, anse de seau à plage, montre-bracelet, thermomètre à mercure, tournevis et cuillère en plastique… menus débris des vies menues. 
Saisis dans le ciment, comme mouches dans l’ambre. Soudain devenus ce qu’ils avaient toujours été sans que nous le sachions : nécessaires et précieux. De petits riens en pas grand-chose, bâtissant et rebâtissant sans relâche, modestes et laborieux, pour que nous y vivions en humains, les murs vite effrités de notre quotidien.
 

Publié dans Fables

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Jaguar

Publié le par Carole

jaguar.jpg
 
C'était à Pornichet, devant le port aux yachts. Devant la merveilleuse baie de La Baule, elle attendait dans l'ombre comme un chasseur à l'affût. 
Jaguar. Splendide comme un grand fauve.
Le monde rayonnait dans la splendeur de la mer et du ciel. Elle luisait au crépuscule comme l'argent facile qu'on jette sur les tables, dans les casinos de la côte, prédatrice, insolente.
Jaguar. Brutale et arrogante comme le luxe, face à l'éternelle beauté.
Et on se demandait, dans le combat à venir, laquelle des deux l'emporterait.

 

Publié dans Fables

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A moi

Publié le par Carole

a-moi-na.jpg
 
C'était une petite maison du bord de mer. Une mince bicoque délabrée coincée entre deux épaisses villas de moellons. Au lieu de l'appeler "Pluie de roses", "Doux ressac", "Mouette rieuse", "Manoir des grèves" ou "Sam'suffit", on l'avait nommée "A moi Na"...
Il en avait eu du mal, sans doute, l'heureux propriétaire, à se la bâtir, à se la payer, sa cabane du bord des flots... tellement de peine, Na... qu'il pouvait bien en rire à la fin. Mais aujourd'hui... eh bien... sans doute il était mort, ou alors il était vieux, et incapable de l'entretenir, aussi petite soit-elle. Comme une autre elle était à vendre, la villa "A moi Na..." Pour une bouchée d'algues, une liasse de méduses... au plus offrant - un promoteur peut-être ?
Je me suis souvenue d'une vieille tante qui avait eu du bien mais dont tous les biens tenaient après décès dans une petite valise. Cette petite valise était elle-même évidemment destinée à être jetée par d'autres héritiers, et, en attendant, se couvrait peu à peu de poussière, objet perdu que ne réclamerait plus jamais sa propriétaire.
Qu'est-ce qu'on a donc à soi, vraiment à soi, sur cette terre ? 
Rien du tout, Na ! même pas le coin de boue au cimetière qu'on ne concède qu'en location.
Et c'est sans doute pourquoi nous voulons tous absolument être propriétaires
 

 

Publié dans Fables

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14 juillet

Publié le par Carole

     Sur l'île aux peupliers, on continuait à tirer. Pauvre tonnerre s'évertuant dans le lointain... c'était un feu d'artifice si modeste.
     Pourquoi était-il parti avant la fin ? 
    Maintenant, il avançait seul dans les rues du village. Les réverbères allongeaient son ombre sur la route. Il lui semblait marcher derrière lui-même.
    Là-bas, cependant, les salves s'intensifiaient, tambourinaient et roulaient dans un crépitement de grêle. Le bouquet, pensa-t-il avec une sorte de regret. Il imagina les frêles roses de lumière s'envolant au-dessus des arbres, retombant lentement en pétales d'étincelles, puis s'éteignant, haillons d'épines grises, dans la nuit refermée [...]
 
Suite du récit à lire sur mon blog de nouvelles cheminderonde.wordpress.com

 

 

Publié dans Récits et nouvelles

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Tirer l'été par sa chaise

Publié le par Carole

chaise-2.jpg
 
Prendre sa vie par la main.
Tirer l'été par sa chaise.
 
Dans la cour de l'immeuble
installer son jardin.
Fermer les yeux pour voir.
Oublier le béton
et puis rêver longtemps
qu'on est parti là-bas.
 
Faire le mur des vacances
sur le bord de la route.
Du soleil dans les mains
et du bleu dans les yeux
se dire qu'on s'en va loin
quand on ne s'en va pas.
 
Et savoir qu'on n'a rien
et penser qu'on a tout
dans ce rond de jardin
que découpe la chaise
sur l'herbe rase et nue
qui s'endort au soleil.
 
Tirer le diable par l'été.
Prendre sa vie par le ciel.
 
 
 
 

 

Publié dans Fables

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La roue

Publié le par Carole

roue---gorges.jpg
 
Rien de plus étrange, rien de plus nostalgique que ces sites industriels oubliés qu'on découvre parfois, rouillant dans un grand champ d'orties, au hasard d'une promenade.
On entre par une porte échevelée de lierre, on passe la tête à travers le rideau de ronces d'une fenêtre aux yeux caves. Dans leur suaire de décombres reposent des machines aussi mortes et rompues que squelettes à l'ossuaire. On se demande ce qu'on fabriquait là, avant, dans le vacarme des choses et la sueur des hommes.
Puis dans un coin on aperçoit la roue brisée. Et on se dit qu'au fond, là comme ailleurs, on travaillait surtout à faire aller la roue du temps, celle qui tourne si vite qu'il faut sans cesse la remplacer par une roue plus neuve, qui tournera plus vite, sur elle-même sur elle-même, nous broyant au passage - comme petits cailloux dans la cendre des jours.

 

Publié dans Fables

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Tous des géants

Publié le par Carole

on est tous des géants
 
ON EST TOUS DES GEANTS
 
Quelqu'un avait inscrit cela, rageur, après le départ en flonflons de nos géants royaux. Ici, justement ici, dans l'un des lieux les plus sinistres de la ville, sur la margelle aux marginaux, au-dessus de ce puits de chemin de fer qui traverse, recouvert d'une grille jonchée de canettes suicidées, la place de la Petite-Hollande.
Tous des géants ? Non. Il y a surtout des nains en ce monde où règnent les géants. Tellement de nains. Mais des nains qui habitent en géants leurs vies de nains.
 
Car le caillou devient montagne pour celui qui doit le pousser
et toute paille est un radeau pour celui qui va se noyer.
Car toute erreur est un abîme pour celui qui marche tout seul
et la misère souffle en tempête pour celui qui n'a que sa peau.
Car la cabane est un palais pour celui qui n'a pas les clés
Et chaque rêve est escalier pour celui qu'on a abaissé.
 
Pour habiter une vie de nain il faut un courage de géant. Aussi n'y a-t-il que chez les nains qu'on puisse trouver de vrais géants.

 

Publié dans Nantes

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Un rameur (réédition)

Publié le par Carole

Je réédite aujourd'hui mon article "Un rameur", dans la belle lecture que vient de m'offrir Adamante.
Pour l'écouter, c'est tout simple : cliquez sur l'image.
 
ragondin-copie-1.jpg
 
Je l'ai d'abord entendu sans le voir. Enfin j'ai distingué le petit animal. Un campagnol aquatique, je crois. Mouillé de bleu, griffé de vagues, il se confondait presque avec l'eau. Mais comme il y allait, comme il ramait, comme il luttait, comme il fonçait contre le flot.
Il faut tant d'énergie pour se labourer un chemin dans les rivières de ce monde. 
Bientôt je l'ai perdu de vue. Je l'entendais encore de loin, pourtant, s'efforcer et ramer. J'ai eu l'impression d'avoir rencontré bien plus qu'un petit rat jeté dans le courant : l'élan même de la vie, absurde et bouleversant.
 

Publié dans Fables

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