Miroir
Souvent, on s'interroge, on ne sait plus, on n'y voit goutte, on se mélange les pinceaux, on n'y comprend plus rien : l'art, qu'est-ce que c'est ? Où est-ce que ça commence ? où est-ce que ça finit ? Où donc est-ce que ça va ? Et qu'est-ce que ça raconte ?
Eh bien, voilà, c'est tout simple. Ça ne commence nulle part, ça ne finit nulle part ailleurs. Ça se perd en convergences et ça se trouve en reflets. Ça va chercher partout la lumière, ça ramasse les ombres. Ça remue les images et ça vous parle en face. Car l'art, c'est un miroir.
Meuble jeté sur le chemin où galope Stendhal, glace rafraîchissant le front fiévreux de monsieur Proust, lentille grossissante, embellissante, enlaidissante, image hyperbolique, parabolique ou fugitive, surface bien polie, complexement convexe, obscurément concave, vitre piquée de mouches sur une armoire de ferme, psyché nimbée d'or frais aux galeries des rois, qu'importe, du moment que c'est un miroir et que le monde s'y reflète à son aise.
N'exigez qu'une chose : que le verre soit d'un seul tenant, sans soudures, sans coulures, d'une eau pure et profonde, puisée à la source de l'être.