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Chants d'oiseaux

Publié le par Carole

Chants d'oiseaux
Et pour finir d'évoquer cette Journée si folle qui vient de s'achever, une petite fable.
 
Le thème de cette année 2016 était la Nature, et partout les oiseaux étaient à l'honneur. On avait pu entendre chanter les Coucous bénévoles, Les fauvettes plaintives, le Rossignol vainqueur et la linotte effarouchée, et même l'Oiseau prophètedans les Murmures de la forêt et les Vergers fleuris. On avait tout particulièrement admiré Johnny Rasse et Jean Boucault, les deux imitateurs d'oiseaux spécialement invités, Papagenos siffleurs et délicats ornithologues. 
 
Quand nous sommes sortis, le soir, avant le grand concert final, nous sommes passés, tout près des portes qu'on allait clore bientôt, devant les jeunes magnolias qui bordent le quai du canal Saint-Félix. Ils résonnaient de voix d'oiseaux si authentiques que bien sûr nous avons tout d'abord cru à une animation, à des enregistrements que les organisateurs auraient fait installer pour parfaire l'illusion musicale.
Mais non, c'étaient de vrais oiseaux, toute une bande d'étourneaux, qui s'étaient posés là, sur les branches, et pépiaient dans la nuit. Les arbres en étaient tout blanchis de fientes étourdies.
Ainsi, tandis que, derrière nous, on continuait à les imiter et à les évoquer, provoquant de longues salves d'applaudissements, ils étaient là, eux, les oiseaux, donnant leur grand concert.
Et personne, personne
 n'était venu les admirer.
Personne, personne, ne songeait plus à applaudir.
 
Car la réalité, quand l'art ne nous la montre pas, nous ne savons, si souvent, ni la voir ni l'entendre.
 

Publié dans Fables

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La Création

Publié le par Carole

La Création
"Dem kommenden Tage sagt es der Tag,
Die nacht, die veschwand, des folgenden Nacht."
("Le jour le dit au jour qui vient,
La nuit qui disparaît, à la nuit suivante")
Haydn - La Création 
 
 
J'avais croisé l'autre jour cette petite fleur sur mon chemin.
Petite fleur poussée sur le mur gris, qui s'arrachait à l'ombre, lançant vers les étoiles les fusées de ses graines. Petite fleur en majesté dont les pétales roulaient sur le ciment comme baguettes de tambour. Petite fleur frottant au vent ses cordes blanches de harpe en joie. Fleur de craie tournoyante qui voulait écrire son poème au tableau avant que la pluie ne l'efface.
Elle est partout, la Création. Sur les murs de la ville aussi bien que dans les musées et les salles d'orchestre. Car elle est une, toujours la même, quelque forme passagère que lui donne le hasard ou l'effort. Car c'est partout le même élan, sans fin recommencé, pour qu'il y ait, au lieu de rien, toujours, toujours, quelque chose. 
Quelque chose. Cela est si modeste, souvent, humble et fragile comme une fleur.
Mais voilà qu'à peine né du rien, irrésistiblement, ce quelque chose, quoi que ce soit, fleur du chemin, bout de craie ou partition d'orchestre, se met à tendre vers le tout - vers cette perfection que le hasard ou l'effort réalise parfois à la fin, mais qui elle-même ne peut s'atteindre que pour disparaître aussitôt. Avant de renaître, ailleurs, forcément, un peu plus loin, un peu plus haut, ressemée par le vent et la pluie, dans ce grand élan de toujours qu'on appelle 
Création.
 
Je pensais à cela ce matin en assistant à la merveilleuse représentation de la Création de Haydn qui nous a été donnée pour la Folle Journée par le Sinfonia Varsovia et l'Ensemble vocal de Lausanne.
Michel Corboz ne les dirigeait plus. Il est si vieux maintenant.
Je me suis souvenue de la petite fleur qui semait ses étoiles, avant de disparaître sous la pluie.
 

Publié dans Nantes

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La Tempête

Publié le par Carole

La Tempête
Hier soir, la "Folle Journée" était, chez moi, à Carquefou. Et Claire Désert nous a joué La Tempête, qui est peut-être la plus beethovenienne de toutes les sonates de Beethoven.
Elle a si bien interprété le dernier mouvement que j'ai cru entendre à nouveau Wilhelm Kempff...
 
C'était un dimanche matin d'hiver. J'avais été réveillée soudain par le disque qu'on venait de mettre sur le "pick-up", dans la chambre d'à côté, celle des parents.
Derrière la paroi mince, quelqu'un jouait un morceau que je n'avais jamais entendu, aussi clair, aussi parfait, aussi impérieux que le matin qui se levait.
Les notes enflaient comme des vagues, crépitaient comme la pluie, flottaient comme les nuages, chantaient comme le vent, et retombaient toujours, fluides, délicates et sauvages, sur le piano magique que je ne voyais pas, et qui n'avait rien de commun avec celui qu'on tapotait et violentait pour rire, chez ma grand-mère, le jeudi après-midi.
Nous n'avions que très peu de disques à la maison, et il était rare qu'on mette en marche le petit "pick-up" jaune qui labourait les vinyles avec sa griffe de diamant mal taillé. Qui nous avait offert ce disque ? Je n'en sais vraiment rien.
Je sais seulement que ce matin-là Wilhelm Kempff était venu chez nous jouer La Tempête.
Ce fut ma première rencontre avec la musique. Et peut-être, au fond, la seule.
Car alors, dans la stupeur qui m'envahissait, je l'ai tout entière comprise - je veux dire absorbée dans mon être jusque-là incomplet, comme un autre coeur, battant si près du coeur du monde qu'il aurait dû se substituer au mien. 
Puis il y a eu ce silence, quand tout s'est tu. Ce silence qui est la matière même de la musique.
Ce silence.
Aussi vaste et aussi douloureux que le regret et l'éternel désir.
 

Publié dans Enfance

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Wonderful life

Publié le par Carole

Tout irait bien. Le monde se dépliait dans la lumière des phares comme une aile d’oiseau, et les étoiles tissaient là-haut tranquilles leurs fils de rosée grelottante.
La nuit lui tricotait un nid avec ses milliers d’yeux de paille.
Puisqu’elle allait donner...
donner la vie. C’était bien comme cela qu’on disait ?
Donner la vie.
Pour la première fois. Première fois.
Tout irait bien.
Puisqu’ils étaient en route.
Ensemble.
Dany avait mis la radio.
Le voyage allait être si long à travers la nuit [...
]
 
Suite du récit à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com

 

Publié dans Récits et nouvelles

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Canards

Publié le par Carole

Canards
Cela amuse toujours, au Jardin des Plantes, ces canards qui vont à la file, au pas de l'oie et à la queue-le-loup, bons moutons de Panurge.
Ils ne savent pas où ils vont, mais y vont tous ensemble.
Leurs plumes apeurées frémissent au vent qui passe, alors ils marchent vite derrière celui qui marche. 
Ce monde est bien obscur, mais ils pensent y voir clair, en suivant le derrière de celui de devant.
Si la pente est glissante, ils sauront la descendre, puisqu'ils sont tous ensemble,
jusqu'au néant comme un seul 
homme.

Publié dans Fables

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Banc'al

Publié le par Carole

Banc'al
Je l'ai vu au Jardin des Plantes.
Oh, certes, il n'aurait pas cassé trois pattes à un canard. Faisant le pied de grue, il attendait sur ses béquilles, incertain, vacillant.
Il était né pour ramper sur le sol, après tout, dans la boue et la paix, et voilà qu'il lui était poussé, au lieu d'une griffe de lézard, ce grand pied de statue qui voulait qu'il s'élève.
Nain affligé d'une patte de géant, il ne savait qu'en faire.
Banc'al - comme tant d'autres - il n'avait reçu du destin que ces dons incomplets qui nous font trébucher avant même d'avoir pris notre élan. 

Publié dans Nantes

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Danger

Publié le par Carole

Danger
Le danger...? pas de danger qu'il nous écrase, n'est-ce pas. N'est-il pas solidement ligoté ? Maîtrisé, encerclé, ceinturé. Muselé par les lois et les règlements, surveillé par toutes les polices, en quarantaine éternelle dans les grands hôpitaux de la raison. Sous contrôle, on vous dit, en rouge et noir féroce et laid, solidement menotté dans les geôles obscures de la violence et des passions mauvaises.
Le danger ? Tout le monde sait ce que c'est, le danger. On s'y connaît, on sait le tenir à distance. Pas de danger qu'on s'y laisse prendre, au danger.
 
Et puis.
Et puis voilà qu'il vient à nous, tout doux, mâchant son brin de joie. Tendre comme un printemps, charmant comme l'insouciance, avenant comme un jour de vacances.
Beau compagnon de route de nos petits bonheurs, plaisantin obligeant qui soudain, alors qu'on croyait encore lui sourire,
aux trois coups du destin,
de tout son poids de mort 
nous
assomme.
 
Danger

Publié dans Fables

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L'éveil

Publié le par Carole

    Un an déjà. Un an. Cela avait été si soudain, si incompréhensible, que cela n'était peut-être jamais réellement arrivé.
    Il y avait un an pourtant. Exactement. Comment pouvait-il en être aussi certain, puisque cela n'avait pas eu lieu ? Un an ? Cela ne voulait rien dire, un an, puisque le temps ne passait plus et que tout s'était arrêté. [...]
 
Suite du récit à lire sur mon blog cheminderonde.wordpress.com

 

Publié dans Récits et nouvelles

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Coeur rouge sur mur gris

Publié le par Carole

Coeur rouge sur mur gris
C'est un enfant qui passe il dessine en rêvant
Son propre coeur qui bat comme une fleur de sang
 
Petit coeur sur le mur goutte de sang trop rouge
Brave coeur souriant qui veut chanter sa vie
Petit coeur sur le mur bouclier du bonheur
Beau pétale d'espérance sur la page du gris
 
Gommette d'illusion humble goutte d'amour
Que la pluie tout à l'heure fera sans y penser
Tomber en jet de sang sur la flaque de boue
Des promesses blessées des grands mots déchirés
 
C'est un enfant qui rêve il ne peut pas savoir
Que le vent sur les murs efface chaque soir
 
Avec ses manches noires et ses mains de crachin
Le tableau du matin où s'épelait l'espoir.

Publié dans Fables

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Cueillir l'obstacle

Publié le par Carole

Cueillir l'obstacle
Toujours il surgit quelque part pour briser ton élan.
L'obstacle.
Sous tes doigts qui luttaient, et qui croyaient toucher
le bleu dont on forge les clés,
cette morsure soudain, cette douleur fichée : 
le clou de fer aigu de la réalité.
 
Qu'importe s'il fait mal et s'il te fait saigner,
ne va pas l'éviter,
avance loin tes doigts vers ce qui les déchire.
 
Car l'obstacle, l'obstacle, l'impitoyable obstacle,
il te faut le cueillir comme une épine vive.
Puis le laisser grandir comme une écorce rude
et t'en envelopper dans le froid et la faim.
L'enfiler comme un gant sur ta peau écorchée,
jusqu'à ce qu'il devienne enfin
 
ta propre main.
 
 

Publié dans Fables

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