"Dem kommenden Tage sagt es der Tag,
Die nacht, die veschwand, des folgenden Nacht."
("Le jour le dit au jour qui vient,
La nuit qui disparaît, à la nuit suivante")
Haydn - La Création
J'avais croisé l'autre jour cette petite fleur sur mon chemin.
Petite fleur poussée sur le mur gris, qui s'arrachait à l'ombre, lançant vers les étoiles les fusées de ses graines. Petite fleur en majesté dont les pétales roulaient sur le ciment comme baguettes de tambour. Petite fleur frottant au vent ses cordes blanches de harpe en joie. Fleur de craie tournoyante qui voulait écrire son poème au tableau avant que la pluie ne l'efface.
Elle est partout, la Création. Sur les murs de la ville aussi bien que dans les musées et les salles d'orchestre. Car elle est une, toujours la même, quelque forme passagère que lui donne le hasard ou l'effort. Car c'est partout le même élan, sans fin recommencé, pour qu'il y ait, au lieu de rien, toujours, toujours, quelque chose.
Quelque chose. Cela est si modeste, souvent, humble et fragile comme une fleur.
Mais voilà qu'à peine né du rien, irrésistiblement, ce quelque chose, quoi que ce soit, fleur du chemin, bout de craie ou partition d'orchestre, se met à tendre vers le tout - vers cette perfection que le hasard ou l'effort réalise parfois à la fin, mais qui elle-même ne peut s'atteindre que pour disparaître aussitôt. Avant de renaître, ailleurs, forcément, un peu plus loin, un peu plus haut, ressemée par le vent et la pluie, dans ce grand élan de toujours qu'on appelle
Création.
Je pensais à cela ce matin en assistant à la merveilleuse représentation de la Création de Haydn qui nous a été donnée pour la Folle Journée par le Sinfonia Varsovia et l'Ensemble vocal de Lausanne.
Michel Corboz ne les dirigeait plus. Il est si vieux maintenant.
Je me suis souvenue de la petite fleur qui semait ses étoiles, avant de disparaître sous la pluie.