Hésitation

Publié le par Carole

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Sous les tuiles du palais Dobrée, étrange demeure romane - ou romanesque - que se fit bâtir, en plein XIXe siècle, un collectionneur excentrique et philosophe, j'ai aperçu ce corbeau. Il dormait là-haut comme un gisant, la mousse lui fermait doucement les yeux, il était en paix. Un long fil d'araignée l'attachait encore à la pierre, et de lourdes fientes de pigeon l'empêchaient d'oublier, même en rêve, qu'en ce monde tout pèse, même l'oiseau, son poids de boue. 
 
 
A l'autre extrémité du palais, sur les parois de la tour orgueilleuse que, de son vivant, Thomas Dobrée ne vit pas achevée, veillait le serpent ailé, dont les deux yeux aigus ne se ferment jamais. De son venin stérile, il avait écrit sur le mur, en breton et en lettres flamboyantes, la devise de son maître," Ann dianaf a rog ac'hanoun",  l"'incertitude me ronge".
 
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Orgueil, désir, tourment jetés aux parois de Babel. Elan de la vie haute vers la beauté qui fuit. Amour et coeur mangé, folie et désespoir, pour celui qui s'accroche aux ailes du serpent, pour celui qui refuse l'humble loi des mortels - Accord et doux sommeil pour celui qui laisse le temps et la vie effacer son visage, pour l'absent de lui-même qui repose en sagesse sur les chemins terreux, humides et doux, du monde tel qu'il va. Mais cette bouche close, et ce regard détruit.
 
 
Et moi de l'un à l'autre, arpentant le jardin brûlant du palais, promeneuse d'un jour d'été.

Publié dans Nantes

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S
Tu te promènes avec d'invisibles clés qui libèrent, pendant ton passage, les vestiges du temps, expressions d'artistes, d'ouvriers qui ont emporté avec eux mystère et vérité. Tu décryptes<br /> l'histoire à travers la culture, les traditions que tu rencontres, la plume à la main. Ton regard interpelle toutes les sculptures. Même le diable en pierre se réveille à tes mots... Suzâme
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C
<br /> <br /> Merci, Suzâme, j'aimerais tant que ce soit vrai !<br /> <br /> <br /> <br />
L
Je relis tes mots pour revivre l'émotion que j'éprouve, la parfaite adhésion à ce que tu évoques, à l'évasion aussi vers ce palais Dobrée et ses murmures de pierre. Je sens les années peser sur<br /> l'édifice et ses symboles . Et comment ne pas s'attarder sur ce sentiment lancé à plein ciel: "L'incertitude me ronge"?...
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C
<br /> <br /> Ce palais Dobrée est un lieu très surprenant à Nantes, qui porte la marque du tourment de son constructeur, j'aime bien me rendre dans ses jardins (le musée qui est installé dans les murs est<br /> fermé actuellement pour une longue période de travaux).<br /> <br /> <br /> <br />
C
Entre sérénité et doute, une jolie balade de péripatéticienne !
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C
<br /> <br /> Je n'avais pas osé employer le mot... mais c'est exactement cela : le jardin et le portique où les deux "pôles" de la pensée édifiés dès l'antiquité s'opposent, dialoguent, se disputent nos<br /> esprits.<br /> <br /> <br /> <br />
H
Dans cette incertitude se moquer des dragons, malgré les doutes, garder la sensation d'être là où l'on est, à l'instant parfait, sans hésitation.<br /> <br /> Hélène*
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C
<br /> <br /> Mais les ailes du dragon nous poussent...<br /> <br /> <br /> Merci, Hélène, pour ce conseil plus sage que mon article.<br /> <br /> <br /> <br />
P
Sur le chemin de nos découvertes,on est toujours un peu en quête de soi-même, entre doutes et sagesse .<br /> Bisous, Plume .
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C
<br /> <br /> Je crois que c'est cela, exactement, dans les doutes on se trouve toujours, au moins un peu. Merci, chère Plume.<br /> <br /> <br /> <br />
M
éloge de la sagesse et de la connaissance de soi. j'écoutais une chanson de Chimène Badi qui dit "il faut du temps pour apercevoir une amie dans son miroir". Il me semble que ce n'est qu'après, que<br /> l'on accepte que le temps et la vie effacent l'image. Un très beau texte soutenu par tes photos.
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C
<br /> <br /> Tant d'acceptations successives - nous mènent-elles à la sagesse ou à la disparition ? C'est une question que je me suis toujours posée face aux philosophies de l'acceptation. Comme je l'ai dit<br /> dans ce texte, je n'ai pas la réponse, j'hésite.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Mais que serait la vie sans le moindre doute ? Amitié. Joëlle
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C
<br /> <br /> On va de doute en doute, et ainsi, finalement, on avance tout de même. Merci, Joëlle.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Ces pierres ne te laissent pas de marbre... Merci Carole !
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C
<br /> <br /> Merci pour le jeu de mots. J'aime bien.<br /> <br /> <br /> <br />
R
Très belle méditation autour des pierres. Elles nous élèvent à leur manière, comme le faisait " la flamme d'une chandelle " pour Bachelard. Merci de ce lien que je suivrai à mon tempo!
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C
<br /> <br /> Merci, Russalka, de cette visite et de la référence à Bachelard, qui est à l'arrière-plan de beaucoup de mes textes.<br /> <br /> <br /> <br />
Z
oui, regarder vers le haut...
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C
<br /> <br /> C'est ce que je crois préférer finalement... mais... j'hésite encore.<br /> <br /> <br /> <br />