Les pigeons
Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau. (La Fontaine)
Ces deux pigeons endormis, posés dans le rai d'une lampe, en équilibre sur l'étroite corniche, au-dessus de nous qui passions, très tard, dans la rue solitaire et obscure, c'était si peu de chose, c'était si émouvant pourtant.
Ces deux bêtes confiantes et ignorées de tous, ces deux êtres s'aimant, reposant côte à côte sur le nid tiède d'une pierre, dans le mince halo d'une lumière fragile, c'était comme si tout là-haut, dans le monde des oiseaux, quelque chose de nous s'était posé, quelque chose de léger, de très simple et de pur, que nous ne savions pas nommer,
ou comme si, peut-être, une brève lueur, glissant d'en-haut très doucement, sur l'aile lentement repliée de la nuit, était venue nous visiter - vers un monde toujours beau éclairant le chemin.