La Houzée
Ce que beaucoup ne savent pas, même parmi ceux qui vivent au village, c'est la fraîcheur de l'eau, au creux de la vallée, loin des champs de blé dur et des silos de béton, dans les herbes et les feuilles, sur les reflets et sur la boue, là où la rivière s'enracine.
C'est un fouillis de sources et de petits ruisseaux, un nid tissé de filets d'eau légère et murmurante, où elle hésite et balbutie, cherchant sa route sur la terre, dans l'incertain labyrinthe de toute naissance.
Interrogeant les pierres, les massettes et les saules, elle écoute le monde pour en suivre la pente. C'est ainsi, peu à peu, qu'elle devient elle-même, la Houzée au doux nom de rosée, et qu'elle s'en va enfin, serpent irisé et joyeux, dans les prés et les bois, vers le Loir tout là-bas, qui s'en va vers la Loire, qui s'en va vers la mer, qui s'en va vers la lune, qui s'en va vers la terre, qui s'en va dans le monde, qui s'en va dans son cercle...
J'aime aller à La Source, auprès du vieux lavoir, puis, marchant dans les champs, derrière le petit pont, la voir naître sans fin en ses affluents innombrables, danser comme la vie sur le fil du hasard, hésiter, tournoyer, tracer sa route aux sillons de boue verte et de cresson bleuté, avant de s'en aller sur la pente éternelle, sur l'unique chemin de son destin d'eau calme. A chaque motte, à chaque arbre accordée, miroir du ciel et des branches qui rêvent, et pourtant, toujours libre, dessinant elle-même la voie qui va plus loin.
Je voudrais tant, je voudrais tant lui ressembler.