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La rose freedom - en hommage à Asli Erdogan

Publié le par Carole

La rose freedom - en hommage à Asli Erdogan
La rose Freedom... ici elle est comme un chiendent, partout poussée et répandue, si vivace, si commune, si vulgaire même parfois, qu'on finirait par la mépriser, à force de se griffer à elle, à force de la croire indéracinable.
 
Mais ailleurs. Ailleurs, en tant d'autres lieux, c'est une fleur fragile, une tige sans pétales qui rampe au long des murs. C'est la pariétaire maigre et hâve qui s'accroche aux barreaux des prisons, aux lèvres bâillonnées des suppliciés, aux troncs noirs des gibets. 
Une fleur sans jardin, une fleur sans printemps qu'on écrase du talon, une fleur torturée qu'on pend aux barbelés, et qu'on jette à la roue des chars pour qu'elle ne sème pas.
 
Une fleur qui résiste pourtant, qui végète en silence dans l'hiver des consciences, jetant vers l'avenir le bois de ses épines, ardentes et vives comme la douleur, comme la foi, comme la solidarité.
 
 
Alors en ce 12 décembre de brume et de froid, ayez une pensée pour la rose Freedom... et pour Asli Erdogan, la journaliste et romancière turque emprisonnée, dont les textes seront lus ce soir un peu partout en France.
Et, à Nantes, à partir de 19 heures, à la Manufacture des Tabacs.
 

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Berserk

Publié le par Carole

Les faits-divers s'accumulent, et l'horreur ne semble plus avoir de limites, en ce jour où nous apprenons qu'un garçon de 19 ans qui vivait chez sa mère vient d'égorger sans frémir un vieil homme de 86 ans. Au nom de Dieu et dans une église. Avant d'être neutralisé, c'est-à-dire abattu.
Je dis cela aussi précisément que je le peux, mais le disant j'ai l'impression que je touche à l'indicible. Qu'il n'y a pas de mots. Qu'il ne peut y en avoir, car les mots sont humains, et tant d'horreur, n'est-ce pas, ne saurait être humaine ?
Pas de mots l'indicible plus de mots l'innommable.
 
D'où, sans doute, ce grand flot de lieux communs et d'idées toutes faites qu'on s'empresse de jeter, à la télé, à la radio et dans tous les journaux, comme de grands seaux d'eau, sur le sang répandu.
 
Pourtant nous devons le penser, cela qui nous échappe. Trouver les mots. Les affronter. L'erreur des humanistes, ce fut justement d'oublier que les humains ne veulent pas seulement la vie, le progrès, la sagesse et la paix, mais qu'ils veulent aussi quelquefois, avec furie, l'horreur, le délire et la mort. De n'avoir pas voulu souiller les mots du bien en pensant malgré eux l'atroce fascination de la mort, de la régression et de la destruction. 
 
Aujourd'hui, nos pensées sont désarmées, les mots nous manquent à tous. Il nous faut en chercher qui viendraient de plus loin. Racler les coins sombres de l'histoire et de la littérature où tout l'humain est en dépôt.  
On a parlé d'Amok, par exemple, en référence à la terrible nouvelle de Stefan Zweig. AmokAmoklauf. C'était pour Nice.
Ce soir, un autre mot me hante, un mot anglais venu des sagas scandinaves, où il désigne les guerriers habités par un dieu de violence qui, devenus furieux, tuent et se font tuer, extatiques, animaux. BerserkIls sont devenus berserk. They have gone berserk.
Mais s'il me hante, ce mot berserk, il me fuit, aussi, comme un fantôme, tant j'ai de mal à le prononcer. Il glisse sur le sang, il penche encore, indicible, dans mes pensées qui s'effraient, du côté noir de l'innommable.
Berserk. C'est bien cela pourtant. They have gone berserk. Sie laufen Amok.
 
Le temps viendra peut-être - oui, bien sûr qu'il viendra - où nous regarderons en arrière, dans toutes les langues du monde, vers cet aujourd'hui de furie. 
Où ce sera le passé. Qui n'a jamais empêché l'avenir de sourire. Quand même.
Où les historiens nous auront donné les faits, les dates et les repères.
Où nous pourrons reprendre le grand chemin des humanistes en nous gardant de ce qui fut leur unique erreur : croire que le désir de vivre libre et d'être heureux résume l'âme humaine.
 
Se méfier des coins noirs. Toujours se souvenir du mot amok. Toujours se souvenir du mot berserk. Même s'il va nous être tellement difficile de les apprendre - ou de les réapprendre - ces mots nouveaux qui nous viennent de si loin.
 

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breXit

Publié le par Carole

breXit
Vous nous avez si longtemps donné l'heure... 
Alors maintenant qu'il est l'heure
que vous voilà à l'Ouest
prêts à voguer vers l'x,
n'allez pas oublier
que le monde ne tourne
qu'autour de ceux qui tournent
avec leur temps.

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Panne

Publié le par Carole

Panne
Comme tant d'autres, j'ai laissé au repos ma voiture assoiffée. Sur son trottoir reverdi que les oiseaux regagnent, elle attend en broutant, cheval fourbu pas mécontent de rester dans son pré.
Plus d'essence. La panne... 
Autrefois, quand la mer était calme, et qu'il fallait attendre un navire compagnon, ou que le menuisier du bord avait besoin d'un peu de temps pour réparer les mâts qu'une tempête avait ébranchés, on mettait ainsi le navire, voiles repliées, au repos, en panne.
Alors les marins désoeuvrés s'asseyaient. Ils regardaient passer dans le ciel les grands oiseaux de mer, remplissaient leurs bouteilles de bateaux chimériques, ou sculptaient sur des dents de requins des paysages et des visages qu'on n'avait jamais vus, et que la mer reprendrait, bientôt, quand elle aurait vidé leur sac.
 
La pénurie, la crise, le blocage... on peut en parler de bien des façons, évidemment. Tant de journaux et de télévisions s'y égosillent, en boucle, en scoop, en continu.
Mais nous, au moins, contraints de mettre en panne nos déplacements inutiles, nos courses frénétiques et nos rendez-vous minutés, forcés de nous asseoir, ou bien d'aller à pied, nous retrouvons, un peu, très peu, si peu, le rythme antique de la vie sans moteurs.
Une vie dont nous n'avions plus la moindre idée. 
Lente comme un navire sous le vol des oiseaux.
Pas une vie facile. Juste une vie pas vite.
Une vie qu'on peut tenir entre ses mains, comme un petit morceau de temps, pour la regarder vivre, ou même la sculpter, lentement, ou l'emplir de chimères, avant qu'elle ne s'en reparte à la vague.

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Muguet

Publié le par Carole

Muguet
Car vouloir est espoir, et espoir est vouloir.
(K. May)
 
 
Il faisait froid, si froid... il faisait peur, si pleurs...
J'ai cru que cette année il n'y aurait pas de printemps pour l'hiver, et pas de mai pour le muguet.
 
Alors je l'ai cherché dans la nuit.
Il était là, bien là, modeste et boutonnant tout au fond du jardin, et tête basse encore sous l'ombre accumulée.
Mais si clair et si vert. Prêt à bondir comme un rire, à lancer ses clochettes comme doigts de lumière, à tourner sur sa tige comme un soleil d'été.
Le premier mugue-mai, l'obstiné du bonheur, la fleur des lendemains qui ne peuvent jamais déchanter
                               tant qu'ils sauront danser.
                              
 

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L'autre son des cloches

Publié le par Carole

Louvain - Belgique - Un carillonneur interprète "Imagine" de Lennon

Il m'a rappelé le violoncelliste de Sarajevo, il y a vingt ans, jouant obstinément sous les tirs des snipers l'irréductible mélodie des hommes, ce carillonneur belge, venu sonner hier pour tous les morts et les vivants en deuil.
Quelques notes très grêles au-dessus de la ville. Quelques notes si faibles, juste au-dessus des larmes. Quelques notes fragiles assourdies par la nuit, pour sonner tout ensemble le glas des morts et les heures de l'espoir.
Je pense que John Lennon aurait aimé l'entendre, quand il est tombé sous les balles de son assassin, ce tintement léger dans la fureur du monde. Et peut-être l'a-t-il tout de même entendu, malgré tout, une dernière fois, dans les battements affaiblis - ailes de papillon brisées - de son coeur s'éteignant.
 
Quand la barbarie veut tout étouffer de cris et de sang, quand l'horreur veut nous priver de bonheur et de rêve pour installer son règne, c'est tellement peu de chose, et pourtant tellement nécessaire, de l'entendre encore résonner, si doux, si frêle, l'autre son des cloches : celui de l'humanité, fragile et incertaine, mais toujours, toujours, toujours là.

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Porte close

Publié le par Carole

Porte close
On aura beau attendre
Espérer enrager
Appeler et sonner
Relire les vieux papiers
Qui disaient que jamais
 
C'est à c'est sans espoir
C'est à ne pas y croire
Que le monde a changé
Qu'il est devenu vieux
C'est à ne pas d'histoires
 
On nous les a fermées
Les issues de secours
Et la clé a rouillé
Dans l'herbe barbelée
Mais on appelle encore
 
On sonne et on ressonne
Il n'y a plus personne
On cogne et on appelle
Où donc sont-ils allés
Ceux qui nous ressemblaient
 
On s'écorche la gorge
Et on se tord les ongles
Et on se heurte encore
Aux portes obstinées
Au visage de lèpre
Et de fer
                 du mensonge.

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Les piques

Publié le par Carole

Les piques
Les piques. Tous ceux qui ont abattu leur dernière carte les connaissent. Si souvent elles leur ont fait perdre la tête - et l'espoir du sommeil.
Les piques, ce sont ces vis ou ces pointes de métal dont on orne depuis quelques années - depuis qu'"ils" sont devenus si nombreux, évidemment - les bordures de pierre, les courettes d'immeubles, tous les recoins un peu plats, un peu larges, où pourrait reposer le corps fatigué d'un clochard. Même les bancs publics, mesquinement distribués dans nos villes debout, sont si savamment pensés, aujourd'hui, pour empêcher les corps de glisser et de s'ensommeiller, les obligeant à se tenir droits et raides, qu'on ne pourrait, par exemple, y coucher un blessé, ou y allonger un malade.
Efficientes et modernes, vigiles inoxydables, les piques - dont on use aussi, d'ailleurs, pour faire fuir les pigeons - sont étrangement franches. Elles parlent peu, c'est vrai, mais elles parlent net et pointu. Ecoutez donc plutôt :
"Tiens-toi debout, toi qui t'effondres, n'attends pas de soutien."
"Pourquoi venir sur moi reposer ta détresse ? Il y a pour cela des coins sombres et discrets."
"Va t'en plus loin cuver ta mort. Ici où l'on te voit, ici n'est pas pour toi."
 
Oh, non, non, ce n'est pas seulement aux sans-logis qu'elles s'adressent. N'allez pas croire... non... C'est bien à vous. A vous aussi. 
A vous tous.
A nous tous.
Tous.
 
 

 

 

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Ce matin

Publié le par Carole

Ce matin
Il y a des jours
où tout est gris
si déglingué
piqué de rouille
comme de sang
des jours sans fin 
des jours sans tain
où ça fait mal
tout ce qu'on voit
si mal au coeur
si mal encore
qu'on ne sait plus
où regarder
où la chercher
la flèche verte
vers demain
l'issue qui dit
qu'on peut sortir.
Ce matin
Alors ces quatre mots
ce matin dans la rue
se levaient-ils sous la pluie et le vent
comme un appel
comme un rappel
comme un cliché du vieux Doisneau
comme un baiser d'hôtel de ville
comme un poème du grand Prévert 
ou bien comme un pauvre drapeau
tout criblé de tempêtes
sur ses haubans meurtris ?
Je ne sais pas.
Mais au moins ils flottaient
sur notre jour d'après
comme un dernier baiser
comme un mouchoir en larmes
 
comme un linceul
 
pour eux.

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En berne

Publié le par Carole

En berne

Mon blog restera en berne dimanche et lundi. Il me semblerait indécent de poursuivre ma mince quête poétique au lendemain des massacres perpétrés à Paris le 13 novembre.

Ce matin, j'ai appris avec stupeur, comme vous tous, les attentats qui ont touché Paris hier soir. 
Rien à en dire, bien sûr, tant le choc est violent.
Sinon ceci, peut-être : 
J'ai lu la revendication de Daesh, encadrée de deux sourates, qui se félicitait au nom d'Allah de la mort des "croisés". Et j'ai cru être au moyen âge, au milieu de je ne sais quelle épidémie de peste.
J'ai vu une vidéo tournée rue Amelot face à la sortie de secours du Bataclan. Et j'ai cru assister à la liquidation du ghetto de Varsovie en 1944.
J'ai entendu les médecins de Lariboisière parler de "chirurgie de guerre". Et j'ai cru être à Verdun en 1917.
Puis je me suis souvenue que Daesh fanfaronnait sur Twitter, que la vidéo avait été postée sur YouTube, que j'écoutais sur un journal en ligne le rapport des chirurgiens. Et j'ai pris conscience que nous étions, finalement, au XXIème siècle.
Le fanatisme et le meurtre ne sont d'aucune époque, ils sont de tous les temps, et les confondent tous dans leur sinistre nuit. 
 
Mais l'espérance.
Souvenons-nous, elle veillait à la lucarne du ghetto, derrière la vitre souillée de sang. Elle accrochait son grand soleil du paradis au-dessus des tréteaux de l'enfer dans les mystères du moyen âge. Elle grattait dans le noir à la porte blindée des tranchées de la Marne. Et elle file encore sur Twitter et Facebook, aujourd'hui, son trait de funambule, sur la toile infinie.
L'espérance. Elle non plus n'est d'aucune époque et vit dans tous les temps, cantinière sans âge, petite mère courage.
Le coeur gros comme un poing, elle murmure : "demain", quand le fanatisme hurle : "hier" dans tous les haut-parleurs. Elle s'acharne tenace quand le meurtre se lasse. Elle n'est pas héroïque. Elle est bien trop vaillante. Elle est la bonne hôtesse, celle qui a souffert et sait le prix des vies, l'ange du quotidien, qui rebâtit les mondes dans son café du coin, avec les gestes simples et les humbles efforts de chaque jour qui passe. 
 
Seulement voilà, pour aujourd'hui, il est fermé, le café Espérance. Il rouvrira, je ne sais pas bien quand, mais n'ayez crainte, il rouvrira ses portes.
En attendant, il doit pleurer ses morts.

Article fermé aux commentaires.

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