Bain de soleil
C'est au bord du Lac, près d'un très vieux château qui rougeoie dans le soir.
Par une de ces journées d'été qui finissent en splendeur de tableau, juste avant que le peintre ne tourne vers la nuit son chevalet, pour que son oeuvre dorme et rêve un autre monde.
L'autocar vient de s'arrêter, et ils sont descendus tous les trois.
L'homme, la femme et l'enfant.
Ils se sont approchés de l'eau. Ils se sont assis sur la rive, face au couchant, ce long poisson léger qui coule sur l'eau bleue son ventre pailleté.
On les a entendus, de loin, se parler dans une langue qu'on ne comprenait pas.
Puis l'homme s'est déshabillé, il est entré dans l'eau, et il s'est avancé, nu et brun dans son simple caleçon, vers la lumière. Il a posé sa peau sur l'écaille dorée des vagues, et lorsqu'il a commencé à nager, on a vu son corps sombre se mêler au soleil dans chacun de ses muscles.
Quand la lumière a disparu, derrière les montagnes, là-bas, il est revenu vers la rive où l'attendaient la femme et le petit enfant qu'elle berçait dans ses bras.
Il s'est rhabillé lentement dans l'ombre des rochers, et ils sont repartis tous les trois vers l'arrêt d'autocar.
De loin, on les a entendus encore qui se parlaient dans leur langue inconnue.
Et on s'est dit que c'était surprenant, qu'ils soient venus en car simplement pour cela. Pour ce très bref bain de couchant, cette nage de lumière sur le rebord du temps.
Puis on s'est dit que non, ce n'était pas surprenant. Qu'un qui va dans le noir avec ses deux bras nus et sa sueur de pauvre veuille tremper son corps dans la dorure de l'eau qui lave chaque soir les pinceaux du vieux peintre.
Qu'une femme, un enfant, le regardent avancer, grand et fort et roussi de lumière, au centre du tableau, avant que tout, de nouveau, ne s'éteigne et se ferme, aux cahots et virages du dernier autocar.