Peu importe
L'affichette est la dernière, je crois, de toutes celles qu'il y a quelques mois on avait placardées dans la ville, et que j'avais aimées, car elles s'étaient donné mission de nous conduire, en rouges majuscules, aux grands carrefours des mots, et de nous égarer, pour y rêver, sur les chemins toujours nouveaux qu'ils ouvrent à nos pensées anciennes.
Au fil des jours, ces petites affiches, grossièrement imprimées, et collées comme des tracts, au hasard des parois, ont disparu, vaincues par la malveillance et par les pluies d'hiver.
Je ne sais pas ce qui a valu à celle-là d'être ainsi épargnée, mais il me plaît que ce soit elle justement qui survive, prête à résister longtemps encore, épousant le grain du ciment jusqu'à paraître désormais peinte à même le mur, comme les réclames d'autrefois. Car elle contient en ses deux mots ce que disaient ensemble toutes les autres : que peu importe l'oubli ou le mépris, puisque peu importe beaucoup. Que c'est même peut-être ce peu qui importe le plus, et qui emporte avec lui tout le sel et le sens de nos vies provisoires.
Ne dédaignez jamais le peu qui vous est donné, à voir et à aimer. Car ce peu là sera votre tout.
Mais, voyez-vous, peu importe, et même beaucoup !