Les jardiniers du ciment
Le carreleur des murs est passé partout dans la ville... J'ai retrouvé sa trace encore dans l'une de ces rues pauvres et sales qui bordent l'hôpital. Poète du passage, jardinier de l'infime, il avait déposé sur le ciment rugueux cette fleur battant des ailes, qui ouvrait sur le monde ses longs yeux noirs encore emplis de nuit.
Pariétaire de l'espoir, très haut grimpée dans le gris de ce monde. Petit cosmos un peu penché pour mieux nous regarder. Enfant naïf d'un coeur humain qui croyait sottement que quelques carreaux de couleur pourraient suffire à éclairer les rues et à élever nos regards. Et qui peut-être n'avait pas tort...
Un peu plus loin m'attendait une autre fleur, pâle et mourante, couchée sur le ciment... elle semblait pourtant de son bras tendu m'indiquer le chemin :
Qui sont-ils donc, ces jardiniers du ciment qui sortent dans la nuit, avec des truelles et des pinceaux, et travaillent sans bruit, grimpés sur des poteaux, accroupis sur le sol, pour qu'au matin s'éveillent, dans le gris de nos vies, ces fleurs fragiles qui peu à peu se flétrissent et s'effacent ?