Le gardien
C'est la coutume, dans les pays de vignoble, de planter, au bout de chaque rangée de ceps, un petit rosier.
En effet, plus sensible au mildiou que la vigne, le rosier en est atteint quelques jours avant elle ; ainsi le vigneron, le voyant se tacher et pourrir, et brûler et blanchir, comprend qu'il est temps de traiter sa récolte, et entreprend en hâte le sauvetage de ses biens.
Le petit rosier du bout de la rangée, dans l'apparente inutilité de sa grâce délicate, est, au milieu des ombres qui menacent, l'humble gardien des vignes, le serviteur patient et oublié des raisins ivres de soleil, gorgés de sève et de chaudes promesses.
J'aime cette idée du rosier vigie, des fleurs légères et sans espoir montant la garde sous les grands ceps en gloire, et du mince bouquet garant des lourdes grappes, frêle gardien d'un vin futur.
De la beauté veillant à en mourir sur les vendanges de ce monde.