Icare
"Icare...", ai-je pensé...
C'était, au-dessus d'une plage chargée de baigneurs en maillots, un homme habillé d'un T-shirt et chausé de tennis, emporté par une aile de nylon... et pourtant j'ai pensé "Icare..." - tant il est vrai que les vieux mythes guident toujours nos pensées d'aujourd'hui.
Peut-être est-il rassurant de constater qu'un passant d'une plage moderne parle la même langue encore que les aèdes antiques, et fouille obstinément le même coffre aux histoires.
Peut-être est-il au contraire effrayant de se dire que deux ou trois mille ans ont pu s'écouler sans que rien n'ait changé, au fond, puisque sur tant de réalités nouvelles on ne pose à jamais que des schémas anciens, et des pensées millénaires.
Je ne sais.
Je sais seulement que nous avons besoin des mythes parce que nous avons besoin d'histoires. Qu'il n'est pas possible à un humain de penser ou de regarder, sans changer aussitôt en récits ses pensées, ses regards. Et que jamais sur la terre les hommes n'ont volé, navigué, possédé, détruit, inventé ou conquis, que pour se raconter des histoires, de très vieilles histoires, qu'il leur fallait écrire, et réécrire, avec la fragile matière de leurs vies, toujours nouvelles, de mortels.
Nous sommes des êtres de récits. Nous sommes les enfants des mythes.