Grêlons
Il a grêlé ce matin. Le jardin est devenu un grand nid mouillé empli de grêlons menus, ronds et luisants comme des oeufs nouveaux - semence frêle d'escargots somptueux, d'insectes inconnus. Au cou des fleurs s'accrochent en tremblant de longs colliers de perles pâles, qui déjà fondent et disparaissent.
Je voudrais écrire ainsi. Que chaque mot soit une goutte de grêle nacrée, un grain de source miroitant, un doux germe de perle semé par l'eau des pluies, un fin duvet de strass tombé de l'aile d'un nuage. Que tous ces mots forment ensemble de petits chemins de cailloux luisants dans les jardins du monde. Qu'ils bâtissent un instant, sur la terre sombre et sous le gris du ciel, des bornes où se poser, des huttes à rejoindre, des mirages à aimer, des carrefours où hésiter. Qu'ils posent en passant, aux lisières de la nuit, cette lueur infime de la lampe, qui vacille et tremblote au pas du promeneur aventuré dans le mauvais temps. Et puis que tout fonde, et que tout disparaisse. Qu'il n'y ait plus qu'à vivre, dans le jardin lavé qui s'étire au soleil.