A Combray - 2-
"La vérité ne commencera qu'au moment où l'écrivain prendra deux objets différents, posera leur rapport, analogue dans le monde de l'art à celui qu'est le rapport unique, de la loi causale, dans le monde de la science, [...]dégagera leur essence en les réunissant l'une et l'autre pour les soustraire aux contingences du temps, dans une métaphore [...]." (Marcel Proust, Le Temps retrouvé)
A Combray il y avait aussi, sur les toits bruns vallonnés par le temps, ces oiseaux immobiles attendant dans le gel. Ils étaient posés bien rangés, comme des pierres grises à la surface craquelée des champs labourés de l'hiver, ou comme ces pointes d'ossements dont parle Gérard de Nerval, sur un clocher semé de mousse, à l'horizon pentu des collines d'en haut.
Et les fenêtres mansardées, avec leur charpente savante de vieux porches d'église, semblaient s'ouvrir sur des greniers de mots et des gerbes de phrases au grain de perles ombreuses. Tandis que les jardins, peut-être, dans la paix des hauts murs, abritaient les pages murmurantes et limpides des grands livres d'enfance et de mémoire profonde.
Miroirs tournants de cette analogie qui est la magique substance des rêves, la métaphore et la comparaison, à Combray comme ailleurs, s'imposent à chaque pas. A chaque regard lent posé sur le vieux bourg, à chaque tournant des rues calmes, à chacun des carreaux bosselés de ces tuiles inégales qui pavent sur les toits le chemin des oiseaux et des pensées errantes, une image surgit, qui prend vie dans nos âmes.
A Combray comme ailleurs. Ailleurs comme à Combray.