La Boudeuse aux glaces et aux mouettes
Nantes - 11 février 2012 -
C'était l'année passée, par un hiver de gel. Le fleuve charriait des flottaisons de glaçons qui se brisaient avec fracas aux piles des grands ponts de l'estuaire.
Cette Boudeuse était depuis si longtemps à l'ancre, face au large, dans le lent battement des marées, sur cette courbe de Loire, tout près des vieux chantiers d'Indret, où naquit l'autre Boudeuse - celle de M. de Bougainville, qui fit jadis le tour de l'Ancien monde et du Nouveau-... depuis si longtemps elle attendait, immobile et rêveuse, que je croyais qu'elle ne partirait plus jamais.
Elle était ce soir-là, cette belle Boudeuse, comme un vaisseau fantôme arrêté parmi les glaces, sous une lumière immobile d'aurore boréale.
Voici qu'elle est partie désormais, vendue, saisie, reprise, réparée, je ne sais, mais en allée sur les routes mouvantes des navires et des vagues. Là où toujours elle désira s'enfuir. Car elle vivait, cette Boudeuse. Et rien, jamais, ne reste à l'ancre, que ce qui meurt.