A terre

Publié le par Carole

A terre
Sur la terrasse il gisait à terre, couché sur le dos, vaincu, dans son armure luisante, comme ces lourds chevaliers du moyen-âge que leur armure trop pesante, les empêchant de se relever, entraînait dans la mort.
Sur l'écran trouble de ma mémoire, j'ai revu passer les images effrayantes d'Henry V et d'Alexandre Nevsky. J'ai imaginé son dernier combat, sa lutte de seigneur superbe et maladroit dans le grand ring gluant de l'araignée, sa chute dans les cordes que chaque effort resserrait sur ses ailes, puis sa lente agonie, KO couché, pattes gigotantes dans l'armure inutile qui l'empêchait de se redresser.
Et je me suis dit que mon jardin si paisible, que mon enclos de paradis était sans doute en effet, pour la foule des minuscules habitants qui le partagent avec moi, pour l'oiseau au regard agité qui ne picore qu'en sautillant, pour le mulot qui s'enfuit dans la haie frissonnante, pour le papillon blanc qui tremble sur sa feuille, pour le lucane affolé que sa course maladroite a retourné comme un caillou, pour la fourmi écrasée sous mon pied avec tout son fardeau, pour le bourdon titubant qui agonise dans le maquis des lavandes, pour eux, pour eux tous, un champ de bataille aussi terrifiant que les pires cauchemars guerriers que nous ont légués nos ancêtres soldats.
Et que c'était après tout ce qu'on appelle la vie. Un combat incessant, où tous doivent finir par tomber, pour que tout continue.
Mais l'après-midi était si doux, et mon jardin si parfumé, que je me suis vite assoupie, sur la terrasse où m'attendait la chaise longue.
 
 

Publié dans Fables

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C
La vie, un combat en champ clos dont personne ne sortira vainqueur. La sagesse est de l'accepter.
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Z
Tous vivent de leur honnête vie et s'oublient...eux comme nous..
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M
Oh oui, il y a tout plein de mondes dans le monde, où il est question de survie et de combat. Tandis que nous paressons dans notre confort douillet ...
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F
Tu as écrit la vie comme un éternel combat et c'est bien vrai! il faut lutter à chaque instant pour sa survie!! Hélas, l'humain ne fait pas que cela, il aime le combat pour le plaisir de la confrontation avec un ennemi potentiel!plus que l'animal !! mais c'est toujours la guerre!!heureusement, ils existent des moments d'amour et de repos!!!Bisous Fan
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L
La lutte permanente, la survie... Combien d'entre nous y sont confrontés?
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H
Une fable exprimée de manière exacte. J'ai apprécié - merci Carole
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N
Heureusement nous ne sommes pas constamment lucides, conscients de tout. On ne peut sans doute vivre que grâce à l'oubli.
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Q
C'est si vrai... tout dépend du point de vue que l'on choisit... mais la lutte est toujours présente, lutte pour la vie.<br /> Merci pour ta page, Carole.<br /> Passe une douce journée.
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A
C'est exactement ça... Et comme toujours tu le dis si bien ...
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A
Contrairement aux humains qui ont tout de même, et heureusement, des instants de tranquillité, les animaux du plus petit au plus gros, sont sans cesse sur le qui-vive -sans oublier que leur plus grand prédateur a toujours été l'homme.
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J
Pas de vie sans mort, eux aussi, comme une tortue sur le dos, difficile de se relever sans aide d'une main humaine... faut-il ou pas, telle est la question... ;-)
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