Par la fenêtre de Monet
Quand j'entre dans une maison inconnue, je commence toujours par regarder par la fenêtre. Le monde tel qu'on le voit de cette maison, de cette pièce, de ce morceau d'univers ; le monde entier posé dans ce cadre de verre et de bois : voilà ce que je veux voir et savoir. Voilà comment, me semble-t-il toujours, se révèlera à moi l'âme de cette maison et de ses habitants.
Car n'est-on pas toujours un peu ce que l'on voit ? Ou plutôt non : pouvons-nous être autre chose que ce que notre regard filtre lentement de ce qu'il a vu, de ce qu'il voit, de ce qu'il verra - que nul autre n'a vu, ne voit ni ne verra ? Et ce que nous appelons notre âme, n'est-ce pas, en définitive, tout simplement ce regard, trouble ou pur, incertain ou profond, que nous posons - que même les aveugles posent, à leur façon subtile - par les fenêtres étroites qui nous relient au monde, sur les ombres qui passent, et les lumières qui viennent ?
Ainsi, à Giverny, dans la maison de Monet, cette fenêtre était ouverte, comme une porte frissonnante dans son cadre de vigne vierge et de vieux bois. Comme un regard qui aurait fait fleurir la couleur dans le tremblement de feuillage de la lumière d'été. Comme un chemin tranquille s'en allant vers le ciel par l'allée du jardin.