La mare

Publié le par Carole

La mare
Il faisait si froid ces jours-ci.
Chaque matin et chaque soir, moi qui me hâtais de foncer quelque part, je passais devant eux qui n'allaient nulle part, je courais devant eux qui attendaient toujours, posés sur la glace de la mare, communiant immobiles dans la même patience.
Qu'attendaient-ils, ainsi groupés ? Que l'eau dégèle, libérant les poissons d'en-dessous aussi immobiles et figés qu'eux-mêmes ? Qu'un grand vent de printemps tout chargé de pollens et d'insectes les emporte à nouveau, en long V de victoire, jusqu'au bord des nuages ? Ou simplement que la tiédeur revenue les autorise enfin à nager, à aimer et à cancaner, à dépenser comme de petits soleils cette énergie qu'ils tentaient, pour durer dans le froid, de contenir en eux  ? 
Tout cela à la fois, sans doute.
 
Ils attendaient patients, car il faut bien attendre, quand pour survivre on doit se tenir immobile, se serrer comme un poing sur sa propre chaleur, et refermer ses ailes et replier son coeur, à se faire oublier de la mort aux yeux blancs, ce hibou qui s'abat sur tout ce qui remue.
 
Ils attendaient ensemble, car on n'a jamais jamais pu le passer seul, quand le monde est de glace, le pont tremblant de givre qui mène au lendemain.
 
 

Publié dans Fables

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L
joli texte qui nous amène à bien des réflexions
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C
S'unir en ces temps de froidure et ne pas se désunir quand la chaleur reviendra...<br /> Tant de souffrances jetées ici bas, de visages oubliés qui saignent des larmes de glace quand il fait si froid.<br /> Très belle fable au coeur du réel avec l'image de ces canards qui se regroupent instinctivement. Ne perdons jamais notre instinct et notre humanité.<br /> Merci Carole, belle soirée<br /> Cendrine
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J
Métaphore et claquement de bec. Bien vu...
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M
Une belle photo pour illustrée cette jolie fable, j'ai adoré !
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J
Les temps dont durs, même pour eux. Ne pas être seul semble essentiel. Ils semblent plus patients que nous bien souvent ! Bonne journée Carole. Amitiés. Joëlle
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G
..le chemin des rimes plus ou moins riches...mare, canards, patinoire
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F
L'hiver est là, même les canards le disent " il fait un froid de canard"!!! Pauvres petits gelés!!Bisous Fan
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M
Il est si difficile d'avancer seul que se grouper assure force et élan, que le groupe porte loin devant les espoirs d'un seul et lui assure le triomphe, s'il le mérite!
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A
"Car la vie n'est qu'attente " ?... "Car on n'a jamais pu le passer seul" ?... Tu m'étonnes, Carole. "A coeur vaillant rien d'impossible" disait l'adage scout ; et l'être humain n'a pas fini de nous surprendre : à vrai dire, il est spectateur d'une bien belle visite du monde manifesté.
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A
Tu fais bien de me rappeler, Carole, car je n'avais pas vu le lien au bas de ton article vers cette superbe interprétation de la pièce d'Astor Piazzola et David Popper... Quelle merveille ! Merci pour la découverte.<br /> Mais pour revenir à ton propos : oui, en effet il y en a qui attendent "le dégel" ! Il y en a qui passent leur vie à attendre... Ont-ils raison ? C'est à voir.
C
la vie...lorsqu' il s'agit de survivre.
Q
Que j'aime tes mots, Carole !<br /> Cette attente, ensemble... oui, sans aucun doute.<br /> <br /> Cependant, après tes derniers mots, je me suis dit "il y a des seuils que l'on doit franchir seul... y a-t-il des mains qui se tendent vers nous, de l'autre côté ?"<br /> <br /> Très belle page, Carole. Un grand merci pour ce partage.<br /> Passe une douce journée.
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R
L'on voit la mort de différentes manières, à Nantes : l'une, comme un "hibou qui s'abat sur tout ce qui remue", l'autre, comme une "femme qui marche dans les rues, cachée par un grand foulard de soie" ...
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A
Ils nous ressemblent, dépités et patients devant l'inéluctable, mais ils sont sans aucun doute plus solidaires que nous.
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L
Indécisions de la vie, solidarité ou solitude ...
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B
Oh, Carole du Chemindesjours,<br /> <br /> Si seulement le temps peut s'arrêter un instant pour qu'on ait le temps de le vivre !<br /> Binh An
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J
Eh oui en hiver tous dans la même galère... attendre le bon vouloir d'un jour plus doux, la faune n'ayant pas de toit, n'ayant que toi pour lui jeter le guignon.... merci, jill
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