Rien sans peine

Publié le par Carole

Rien sans peine
L'inscription ornait un de ces pavillons de petite banlieue que les métropoles d'aujourd'hui promettent à la démolition.
 
Rien sans peine...
 
Les lettres de fer semblaient trembler de rouille, de froid et de vieillesse. Comme ceux qui vivaient encore là. 
 
C'était le temps où les maisons de banlieue parlaient, où elle racontaient de modestes histoires de réussite et d'espérance, où elles s'appelaient "Sam suffit", "Mon rêve" ou "do mi si la do ré". Le temps où l'on bâtissait soi-même son petit pavillon ouvrier pour que les enfants en héritent. Le temps de l'Ecureuil et des Castors et du Crédit Foncier. Le temps où l'on croyait dur comme fer forgé aux lendemains qui chantonnaient que la peine en valait la peine 
 
mais qu'on n'a rien sans peine...
 
Dans les périphéries lointaines où se terrent aujourd'hui les modestes demeures du bonheur populaire, qui donc irait encore écrire cela, au fronton de son pavillon à crédit? 
Ce n'est pas que la peine ait disparu. Ce n'est pas non plus que la peine n'en vaille vraiment plus la peine. C'est plutôt qu'elle est devenue toute honteuse et anxieuse, tout à fait silencieuse, la pauvre peine des gens de peu. Qu'elle a cessé de chantonner et de fanfaronner, en serrant ses gros poings d'ouvrière. Et qu'elle tremble à le voir s'approcher de ses maisonnettes de paille, de ses maisonnettes de bois, de ses maisonnettes de brique, le grand diable goulu que l'on tire par la queue pour qu'il se tienne coi, le jeune loup aux dents longues qui a nom "avenir".

 

Publié dans Fables

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C
Parfois, j'emprunte un chemin qui conduit à des maisons qui parlent et les inscriptions qu'elles recèlent suscitent en moi de l'émotion, des rêves, de la nostalgie... Merci pour ce profond voyage au creux des mots de métal, je prends toujours tant de plaisir à "te" lire même quand je reste silencieuse...<br /> Pas facile de concrétiser ses rêves de maison et ce malgré la peine déployée... On continue à y croire...<br /> Belle soirée, amitiés<br /> Cendrine
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J
Savoir se satisfaire des petites choses que la vie donne me semblait être une voie vers le bonheur, mais tout change si vite, l'état d'esprit n'est plus le même.Une page se tourne, mais n'oublions pas la précédente, elle avait sa valeur. Amitiés. Joëlle
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Q
Nous étions élevés dans l'idée que tout devait se mériter, qu'on n'obtenait rien sans peine, que seul le travail était source de richesse...<br /> Le monde a changé, les valeurs aussi... et j'avoue que je me pers un peu dans les idées que d'autres développent aujourd'hui.<br /> <br /> J'aime tes mots, Carole.<br /> Merci pour tout.
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Q
... que je me perds... :(
B
Ces inscriptions, j'en ai vu aussi beaucoup et partout. Le temps passe. Nos enfants diront t ils un jour quelques mots doux sur nos pages de blog aujourd'hui ?
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C
Désuets, kitsch, tous ces noms de pavillons mais porteurs d'un passé qui semble en effet bien lointain.
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F
Mes parents avaient nommé leur garagemaison de vacances "la grandinière" et ma tante avait nommé la sienne " Ya mieux"!!! C'était drôle et indentitaire!! hihi Bisous Fan
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N
Le petit chaperon rouge, les trois petits cochons, les contes, au moins ont toujours de l'avenir!
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R
C'est une mode qui s'est perdue que celle de vouloir faire parler sa maison. <br /> Mais malgré le précaire de leur existence, parfois, l'envie d'avoir ses murs à soi perdure heureusement dans l'esprit de beaucoup de jeunes couples ...<br /> Malheureusement, il arrive bien trop souvent que, le toit pas encore posé, le rêve s'effondre et les murs sont à vendre. <br /> Pour d'autres couples qui y croiront peut-être un peu plus ...
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M
Autre époque, autres moeurs, mordant et voracité mais les dents longues s'usent ou cassent, patience...
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M
Que d'illusions ! Ils voulaient laisser à leurs descendants un bien, une valeur qu'ils n'avaient pu conquérir qu'à la sueur de leur front et de nombreux sacrifices .. En quarante ans seulement, les valeurs ont bien changés..triste constatation
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A
Bien nostalgique en effet cette inscription ; mais si les modes changent il n'est pas certain que les nouvelles générations craignent l'effort.
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C
Je n'ai pas dit cela !
L
Merci pour ce beau texte, nostalgie et respect ...
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J
Je connais des petits noms qu'on donne aux villas par chez moi, du genre en notes au do mi si la do ré ou ma campagne etc... Ah pour beaucoup avoir sa maison c'est se donner de la peine durant 20 ans et plus de crédit... toute une vie quoi ! Pauvre petite banlieue bouffée par la ville, soupir...
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P
J'ai lu une citation similaire sur un dos un jour... <br /> http://p9.storage.canalblog.com/96/86/668246/104777575_o.jpg<br /> Ca m'avait beaucoup fait cogiter aussi.
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C
Oui, c'est impressionnant. Merci pour le lien.
A
La maisonnette de banlieue tant attendue, non sans peine, qui donnait du rêve et laissait croire en des devenirs heureux… <br /> Aujourd’hui, notre avenir est devenu, comme le commerce, mondial. Il ne dépend plus uniquement de notre peine. Cette année, il apparaît bien incertain pour beaucoup.
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M
Oui, c'est un peu vrai. Je regarde ces petites expressions, ces signatures d'un autre temps sur ces villas . Il y en a beaucoup le long de la côte aquitaine .
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