Café vendéen

Publié le par Carole

Café vendéen
C'était au carrefour d'un jour de pluie, dans une rue inconnue du vieux Rezé.  D'un seul coup ils ont été là, devant moi, en technicolor, sur l'écran déployé par la rue, les jours de soleil dans le claquement des lessives, les draps où les enfants se glissaient en fantômes rieurs, les habits qui dansaient comme des pantins sur leur corde, les grands sous-vêtements funambules qui se prenaient pour des drapeaux, le seau galvanisé posé dans l'herbe, les épingles à ressort qui rouilleraient la nuit sur le linge oublié à la lune. Et aussi les petites boutiques de village à devanture de faïence, les ouvriers en maillots de corps accoudés au comptoir, les femmes en tablier, le grand "filet" des courses posé sur la table de formica, près des épluchures de pommes de terre pelées à l'"économe", sous le papier tue-mouches.
A cette époque on économisait pour s'acheter des caméras super 8. On filmait trois minutes sur la pellicule toujours trop brève. Ensuite on coupait, on recollait, on montait bout à bout les images.
C'est comme cela qu'elle travaille, la mémoire. Aux ciseaux et à la colle. Qu'elle nous fabrique avec quelques images ces vieux morceaux de films qui ont l'air d'avoir été vrais, et de n'avoir parlé que du bonheur.
Dire qu'elle trouve toujours quelque part un écran, cette obstinée monteuse, un bout de mur, un drap tendu, n'importe où peu importe, pour projeter encore, sous nos yeux d'enfants fascinés, ses bobines entassées.

Publié dans Fables

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B
Très beau texte. J'aime l'image sur la mémoire et les ciseaux.
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Z
Un temps "fantasmé" pour moi, si loin, si "jeune"....Mais ne s'agit il pas d'un trompe oeil, à la fin...d'un trompe mémoire...
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L
Ce café m'avait aussi inspiré - http://lucmreze.blogspot.fr/2013/04/cafe-vendeen.html<br /> Salutations rezéennes.<br /> lucm
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C
Merci pour le lien. Je passais pour la première fois dans cette rue de Rezé très "villageoise" encore. Je le trouve magnifique, ce vieux café.
L
Tu dis que le passé resurgit soudain, pour une porte fermée à jamais sur une époque défunte. Toi seule pourtant revoit ces tables en formica, les lessives au soleil, le filet à provision et les enfants rieurs; parce que tu as la mémoire du coeur, celle qui tressaille comme un coup d'aile et ressuscite un passé enfoui sur la pellicule du souvenir. Merci de le partager avec nous.<br /> <br /> Lorraine
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J
La mémoire a cela de fabuleux, c'est qu'elle met un écran entre nous et nos souvenirs quand ceux-ci sont trop durs. Mais je suis toujours admirative de ta façon de raconter, de dire. Amitiés; Joëlle
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G
La mémoire ne fait pas le tri dans nos souvenirs
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L
j'adore tous ces éléments
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P
bravo pour l'insolite
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J
Le formica, le tue-mouche, le super 8, une cousine en avait filmé par bouts mes noces, nous avons mis un jour sur DVD... caméra même pas HT mais épargnée sur carte d'achat d'essence m'avait-elle confié un jour, merci Carole !
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A
Oui, la mémoire, elle travaille en effet... Mais pourquoi ne pas la laisser reposer un peu ... ?
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Q
Nous regardions les images montées par papa... et aujourd'hui, comme toutes les photos prises, les films patiemment engrangés, il ne reste rien du tout, juste ce qui a pu se graver dans nos souvenirs.<br /> <br /> Un peu de bonheur, c'est vrai, comme s'il fallait s'y accrocher pour exister.<br /> Merci pour ces mots, Carole.<br /> Passe une douce soirée.
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F
que de souvenirs c'était le bon tps
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A
Mais était-on si heureux, dans ce temps là? <br /> Ne regrettons-nous pas tout simplement notre enfance à travers la nostalgie d'une époque révolue?
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C
Je n'ai pas dit que nous étions heureux. C'est le "film" que nous déroule le souvenir qui semble heureux. Nostalgie, voilà bien le mot en effet.
J
J'aime beaucoup la nostalgie heureuse qui se faufile entre ces draps
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