Quand tout partira au vent
Ce n'était plus là-haut qu'un morceau de carton délavé par la pluie, froissé aux mains des jours, portrait perdu d'un visage esquissé
ouvrage inachevé déjà fané d'un artiste désabusé qui n'avait pas signé.
Quand tout partira au vent
il ne restera
pouvait-on lire d'en bas.
Le reste du message était roulé comme un serpent dans son ombre d'énigme.
Quand tout partira au vent...
de tout ce grand effort de l'art, des succès, des échecs, des visages adulés dans leur rond de lumière, des humbles repoussés dans leur noir de coulisse, des discours applaudis et des voix qui murmurent, des portraits qui se vendent, de ceux qui vont se pendre au clou de tante Misère
quand tout partira au vent...
... il ne restera
rien.
Ou bien si peu. Si peu que rien. A peine quelques grains au tamis de demain.
Il le savait, celui-là, il s'apprêtait à nous le dire, pourtant il s'est interrompu, et il l'a fait, son dessin, sur son bout de carton, et même il a escaladé les murs, pour le donner au vent, et l'accrocher au vide comme dans un musée.
Pour que demain se sème, il faut jeter au vent tant de graines perdues qu'aucune ne s'égare mais trace le chemin.
Travaillons pour le vent.
Car le temps fait son oeuvre de nos oeuvres envolées.