Une goutte de lumière
(photo web)
Hier, de passage à Rennes, j'ai revu le "Nouveau-né" de Georges de La Tour.
Je ne pouvais guère entreprendre de photographier l'ensemble du tableau, enfermé désormais comme une Joconde dans sa vitre blindée, et prisonnier des reflets de nos vies fugitives.
Je ne tenterai pas davantage de présenter et de commenter cette oeuvre silencieuse - peut-être l'un des plus beaux hommages que la peinture ait jamais rendu au silence.
Je m'en tiendrai ici à un détail - mais les chefs-d'oeuvre ne sont-ils pas, comme le jardin enroulé dans la goutte de pluie posée sur le brin d'herbe, tout entiers dans chacun de leurs détails ?
Je vous parlerai seulement de la goutte de pluie : la petite touche de peinture d'un jaune pâle et très pur que le peintre a placée dans l'oeil de la femme de gauche - celle qu'on ne voit que de profil.
Je ne l'avais jamais remarquée auparavant, cette goutte de peinture où se reflète toute la lumière de l'oeuvre. Mais hier, tout le temps qu'a duré ma visite au tableau, je n'ai vu qu'elle. Plus je la regardais, moins je pouvais détacher mes yeux de cette tache minuscule, et plus il me semblait que le génie du peintre s'était concentré là, dans ce petit point de peinture, cette infime goutte de lumière posée sur l'oeil qui voit, tandis que la bouche close, à peine dessinée, va s'effaçant, dans l'immense silence.