Stabat mater
La Folle Journée approchant, j'écoutais tout à l'heure le Stabat mater de Dvorak, qui sera joué à Nantes à cette occasion... Et, par un de ces trajets de la pensée qui me conduisent à voir dans le jeu de dominos l'exacte représentation du fonctionnement de mon cerveau si foncièrement ana-logique, je me suis souvenue de ma visite, au mois d'octobre de l'année dernière, à la bibliothèque de quartier qu'on venait d'inaugurer. Une bibliothèque qu'on avait nommée Lisa Bresner, en hommage à cette écrivaine au talent étrange et tourmenté, qui a vécu et surtout s'est suicidée dans notre grise ville. Certains hommages appuyés sont, on le sait, de confuses réparations.
Sur le toit du très beau bâtiment, un petit arbre poussait en biais, qui s'en allait, par ce trajet oblique, vers le ciel aussi bien qu'un autre – il y a tant de chemins pour s'en aller plus haut...
J'étais venue dans ce quartier lointain sans besoin, sans véritable curiosité, simplement parce que, dans le récit de l'inauguration que faisait le journal local, j'avais lu ces mots qui m'avaient bouleversée :
"Une femme visite, les yeux brillants : Lisa Bresner était ma fille".
Derrière tant d'oeuvres admirées, derrière tant de gloires vénérées, l'obscure douleur d'une mère.
Stabat mater.