Patience
Il n'est pas des beaux quartiers, celui-là, mais de l'humble banlieue.
C'est un vieux, très vieux platane. Il a peut-être deux cents ans. Son tronc noueux à l'écorce pelée emplit la petite place de la Patience où il est planté. Il a traversé des misères et des guerres, des heures sans gloire et des saisons d'épargne, et il est là, vieux combattant ridé des humbles héroïsmes, statue pesante à la tête qui penche de l'éternelle acceptation. Ses racines longues et larges, couturées, fatiguées mais solides encore, soutiennent, muscles tendus, les pavillons, les jardins, les clôtures, les petites vies des petites gens qui habitent les rues voisines. Il ne peut pas mourir, il ne peut pas lâcher. Car ces rues-là portent de pauvres noms : rue de la Persévérance, rue de l'Espérance, rue de la Réussite - les noms de ces vertus qu'on prêche aux humbles, et dans lesquelles il faut que la vie fermement s'enracine, quand on n'est pas tout à fait de la ville, et qu'on lutte, qu'on s'évertue, tête basse, front ridé, dans l'ombre des banlieues pavillonnaires. Patience il est, et patience il s'acharne.