L'appel de la chouette dans la nuit

Publié le par Carole

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         Chouette sculptée dans le tronc d'un arbre mort - Parc de Procé - mars 2012 
 
 
Dans le bois ferme et plein, dans la chair encore vive d'un arbre mort à la tête tranchée, quelqu'un a sculpté cette chouette.
C'est à Procé, dans le vieux parc, et c'est chez moi aussi qu'elle veille,
la chouette au corps d'ébène, au visage encerclé,
de courbes imbriquées,
tournant et tournoyant comme le monde entier.
 
Chaque nuit, je l'entends appeler quand j'écris.
Rasant les nuages et la lune, elle prend son vol,
son cri traverse les ténèbres et s'en vient jusqu'à moi.
Elle chasse, fugitive, anxieuse et résolue.
Sa voix rapide et brève jette un filet
d'angoisse, de douleur et de force,
un sillon net de haute vague,
sur le cours lent des heures.
 
Je ne sais pas pourquoi, quand je l'entends, que je suis seule à veiller dans la nuit, 
il me semble toujours
que c'est moi qu'elle appelle
de son cri de diamant trempé dans l'eau des astres,
de son aile d'ébène qui aiguise le noir.
Je ne sais pas pourquoi,
je crois qu'elle m'appelle
à poursuivre ma quête,
à ne pas trébucher aux cailloux des ténèbres,
à ne pas m'égarer aux angles durs et morts
des routes solitaires qui rôdent dans mon coeur,
à traverser la nuit.
 
Oiseau voyant, cherchant tes proies dans l'ombre
comme je cherche ici mes mots,
ton bec fouille la chair et dévore la vie,
tu te nourris de ce que tu détruis,
et pourtant tu l'arraches à la nuit,
tu l'éveilles à ton chant.
 
Quand tu cries pour les ombres, des brins d'étoiles claires
se posent en neige douce
au fond de tes prunelles où l'éternité veille.
 
Sans toi, qui le saurait,
que la nuit est emplie d'appels et de regards,
que l'obscur est vivant, que le rien est peuplé
de désirs et de luttes, de défaites et d'espoirs,
que le cri est l'écho infini du silence,
que l'ombre est le versant où s'étire la lumière ?
 
Je t'écoute et j'écris, cherchant les mots qui passent, 
étonnés ou rêveurs, sages ou douloureux,
acérés ou fragiles, incertains ou pensifs.
Et je vois s'arrondir, au plus noir des ténèbres,
la courbe ardente et pure de ton oeil phosphorique,
comme un grain de la nuit où mûrirait l'aurore.

Publié dans Fables

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