L'aveugle et l'orchidée
Hier j'ai visité l'exposition "Passion orchidées", qu'on avait installée, comme dans une cathédrale amazonienne, sous les voûtes métalliques, enlacées d'épiphytes, de la Nef des Machines. La foule était nombreuse et captivée, et je me suis souvenue de ces chasseurs d'orchidées du passé, aventuriers solitaires, risquant leur vie pour arracher aux profondeurs de la forêt des plants vendus plus cher que l'or d'Eldorado à des amateurs fanatiques.
J'ai repensé, rêveuse, à cette fleur absente : le bulbophyllum nocturnum, l'orchidée de Nouvelle-Bretagne qui ne s'ouvre qu'une nuit, avant de disparaître, enfouie dans la solitude de la canopée. A cette fleur merveilleuse que nul ne peut voir s'épanouir, mais qui consacre toute sa brève existence à préparer la nuit parfaite de son unique floraison.
Et puis j'ai vu une aveugle, guidée par son chien, s'approcher de l'orchidée blanche que je photographiais. Elle a tendu la main pour en caresser la lumière, et elle s'est mise à sourire, tant avait d'évidence la douceur des pétales sous ses doigts. Tant elle était belle à toucher, cette orchidée qu'elle ne verrait jamais.
La beauté a ses mystères, ses lois, et peut-être ses dieux, que les humains partagent avec les fleurs, c'est tout simple.