Avant
Vestige, incrusté dans le mur du "Hangar des machines", d'une grue des chantiers navals de Nantes, fermés en 1987
Avant... le ciel était si bleu... et les bateaux si blancs sur le fleuve immobile. Pas un point de rouille aux rouages du bonheur, pas une fissure au ciment de la vie.
De grands bouquets d'oiseaux aux branchages du jour, des routes pavées de rêves, toutes trempées d'étoiles, une unique saison tournoyant sur elle-même, et chaque heure dansant comme un soleil levant dans l'orbe du matin.
Avant... il suffisait de tendre la main, une branche s'en saisissait. Il suffisait de rire aux nuages envolés, un dieu nous saluait. Il suffisait de nommer une fleur pour qu'elle soit l'espérance. Il suffisait de jeter un caillou pour qu'un chemin prenne racine.
Avant... quand tout était parfait, quand nous étions au monde comme en nous-mêmes, quand nous vivions là-bas et que c'était ici, et que tout faisait cercle, en Eden ou en Arcadie, en enfance ou en paradis.
Avant...
L'âge d'or est toujours derrière nous. Pas une civilisation qui n'en soit convaincue. Pas un humain qui ne le déplore.
Car nous allons sans cesse, et jamais ne nous arrêtons - que sur nos souvenirs, qui peu à peu se figent, dans l'azur qui s'embrume, et l'ombre qui grandit, et la rouille qui gagne, et l'illusion qu'avant, dans ce monde perdu qui est encore le nôtre, était l'éternité.