Rouge jaune bleu
Il avait plu si obstinément, le monde s'était si longtemps trempé de gris, la vie s'était si lourdement enfoncée dans la boue de l'hiver, qu'un voile en tissu d'araignée semblait s'être posé sur nos pensées comme une cataracte.
Alors, quand le rideau du ciel s'est levé brusquement, dans le bleu du décor, sur le jaune fraîchement lavé, quand il a fait éclater le rouge sous les feux de midi, quand le vieux quai de Loire claquant comme un drapeau m'a fait signe là-bas de m'approcher dans la lumière, j'ai compris à quel point elle était juste, l'ancienne théorie qui ne reconnaît dans le monde que trois couleurs. Qui vous repeint en rouge, en jaune, en bleu, tout le sombre univers, et vous broie dans son pot à couleurs les idées noires comme poussière du temps.
Le gris qui nous cernait, on ne le savait plus, mais c'était de ce rouge, de ce jaune, de ce bleu qu'il avait toujours été pétri. Il avait suffi d'un rayon pour libérer ses couleurs et révéler son âme - étincelante, intacte.
C'est si simple parfois sur un vieux quai de Loire, l'espoir. Une couleur primaire.