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Le carrelage, la lumière, et le violon tout là-bas

Publié le par Carole

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Passage Pommeraye, on refaisait le carrelage. Et la lumière fascinée, virtuose et légère, dansait sur les carreaux comme une patineuse.
Un chemin nouveau, ça accroche toujours la lumière. A chaque fois, on croit que ça va s'en aller vers le ciel. Et puis dès qu'on y marche, la boue et la poussière nous ramènent à la terre, à la pesanteur de toujours.
Tout au bout du passage, juste où nous conduisait la coulée de lumière, jouait le violoniste. Celui qui porte un chapeau haut de forme pour mendier dans les rues. Celui qui a l'agilité d'un virtuose, et joue toujours si faux. Celui qui invente sans fin des airs nouveaux qui ne sont chaque fois que de vieilles rengaines. Celui qui nous donne toujours, malgré tout, un peu de cette joie qui veut danser sous les pas.

 

Publié dans Nantes

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Grande roue

Publié le par Carole

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On avait démonté la grande roue. Comme allumettes en boîtes on avait entassé les poutrelles, sur la remorque qui allait emporter ailleurs, plus loin, notre bel "Œil" de Nantes.
Rencontre étrange. On se disait que tout, châteaux de cartes, grandes roues ou merveilles, finit toujours ainsi, petit tas de quelque chose qu'on emporte sans gloire, par un soir gris souci, à l'ombre du temps qui tournoie.
Et aussi que, finalement, cela s'en va toujours se rebâtir, un peu plus loin, tout aussi haut, tout aussi beau, éternel mécano des possibles, à la lumière d'un matin revenu.
 
Qu'elle tourne ou qu'elle roule, en cercle ou en rectangle, c'est drôle comme elle s'obstine à faire symbole, cette roue de la foire d'automne. 
 

Publié dans Nantes

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L'absence

Publié le par Carole

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J'ai beaucoup aimé, parmi les oeuvres exposées lors de cette nouvelle "Quinzaine photographique nantaise", la série "Growth" présentée par la photographe Wilma Hurskainen. C'est un projet tout simple en apparence : la photographe et ses trois soeurs devenues adultes ont rejoué, plusieurs années durant, les rôles que leur avait assignés leur père, sur les photos de famille de leur enfance. Puis les photos ont été montées côte à côte, la vieille photo prise par le père à gauche, et la nouvelle à droite, du côté de la page qu'il faudra bientôt tourner.
Tout l'intérêt bien sûr réside dans la somme des décalages, évidents ou subtils, qui traduisent la "croissance" et le détachement progressif des êtres emportés par le temps : l'enfant est devenue femme, le regard rêveur est devenu un regard pensif, le sourire heureux s'est un peu figé, et il faut se serrer se gêner s'écraser pour tenir encore à quatre dans l'espace où chacune autrefois trouvait si naturellement sa place.
Mais l'image qui m'a semblé la plus juste, la plus profonde, c'est celle de l'absence.
Le grand-père mort ne pouvait plus prendre place sur le canapé, comme avant... Alors elles, tout simplement, se sont assises toutes serrées près de sa forme absente. Souriantes, malicieuses et joueuses, assises sans paraître le remarquer tout contre ce grand vide qu'avait laissé le mort.
Et c'est bien ainsi, ainsi que cela se passe, toujours. Lorsque quelqu'un qu'on a aimé disparaît. On continue, et c'est comme si le mort n'était plus rien, puisque tout peut continuer. On accomplit tous les gestes qu'exige la vie, ce grand metteur en scène, et on sourit au photographe, puisqu'il faut bien jouer le jeu. Mais lorsqu'on développe la photographie, on s'aperçoit que l'absent est toujours à sa place. Qu'on s'appuie contre l'ombre disparue, qu'on se tient près de son absence comme au bord d'un vide si bien rempli de lui-même qu'il nous soutient de tout son être – mieux qu'aucune présence.
 

Publié dans Nantes

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Traité du corbeau

Publié le par Carole

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Alors que je feuilletais le livre d'or de l'une des expositions de la "Quinzaine photographique" nantaise, je suis restée en arrêt devant cette étrange lettre de dénonciation.
 
On n'a pas si souvent l'occasion de lire de vraies lettres anonymes rédigées à plume de corbeau. On a moins souvent encore l'occasion de trouver dans de telles missives empâtées de haine, de vulgarité et de fautes d'orthographe, la riche matière d'une réflexion sur l'art.
Mais là... là, tout y était.
La disparition, d'abord. L'oeuvre incriminée était une série de photographies présentant des lieux marqués par des disparitions. Or, notre corbeau, prétendant "reconnaître" Saint-Palais, nous affirmait, de sa plume trempée dans l'encre épaisse du bon sens, qu'il n'y avait "jamais eu de personnes disparues" à Saint-Palais. Admettons qu'il ait sincèrement cru reconnaître Saint-Palais (bien que sur ces vues de détail on se demande quels indices auraient pu rendre possible une telle reconnaissance)... Qu'il n'y ait jamais eu de disparitions à Saint-Palais, cela pourrait être vrai, à la rigueur, au sens étroit des faits-divers (et encore, j'en doute). Mais au véritable sens, au sens humain du mot, est-ce seulement imaginable ? Existe-t-il un seul lieu humain qui ne soit pas hanté par la disparition ? L'humanité elle-même n'est-elle pas une continuelle "disparition", et n'est-ce pas l'unique mission de l'artiste, que de saisir les traces infimes, laissées où que ce soit, dans les lieux même les plus anodins, les plus apparemment dénués de secrets, par la disparition ?
Quant à la véracité... c'est très intéressant aussi, la véracité, car rien en art ne peut jamais être ni vrai, ni faux. Une fois saisie par l'artiste, la réalité s'échappe aussitôt à elle-même, pour devenir toile, photo, récit, tout ce qu'on voudra qui ne sera plus jamais le réel, et qu'on ne pourra plus jamais dire ni "vrai" ni "faux", puisqu'il sera simplement autre, insaisissable terme d'une métamorphose. 
Et le corbeau le savait de reste, puisque la seule photo qualifiée de "véridique", censée représenter un pont, ne figurait - évidemment - pas dans l'exposition...
Mais l'imposture ?... ah, l'imposture ! Tout artiste n'est-il pas un imposteur, lui qui doit se changer en lui-même, se défroquer de sa banalité pour se glisser dans le costume mal cousu qu'il s'est taillé sans en connaître d'avance le patron ?
 
Ainsi, à l'encre antipathique de la dénonciation, notre corbeau avait écrit, en creux et à l'envers, tout à fait malgré lui, un véritable petit traité de l'art, cette imposture nécessaire, vouée à cerner l'humain comme disparition, et à échafauder hors de toute réalité un univers qui lui est propre. 
Le traité du corbeau, en somme.
Mais faut-il s'étonner que la jalousie et la haine, ces passions puissantes qui remuent les êtres jusqu'en leurs profondeurs les plus boueuses, puissent rendre un imbécile aussi singulièrement perspicace ?
 

Publié dans Fables

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Le fou

Publié le par Carole

    Parfois, venus de très profond, de ces eaux noires alourdies de reflets où on les croyait pour toujours engloutis, des souvenirs remontent.
   Celui-ci, par exemple, a surgi tout à l'heure, solitaire et bizarre comme un poisson des abysses. Je ne saurais vous dire quel hasard, ou quelle nécessité secrète, l'avait saisi dans son filet pour l'amener tout vivant jusqu'à moi. Enfin, tel qu'il est, ce souvenir étrange, apeuré et fuyant, un peu sombre, un peu monstre... je vous le livre [...]
 
Suite du récit à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com

 

 

Publié dans Récits et nouvelles

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Grillage

Publié le par Carole

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A mailles de grisaille
la pluie calme bergère
tricotait un grillage
pour y parquer le jour.
 
Le spleen en roi pêcheur
nouait ses vieux filets
pour prendre dans les flaques
nos âmes sans reflets.
 
Et les rivières du temps
et les heures transhumantes
secouaient dans le vent
la corde de l'attente.
 
Et nous têtes baissées
marchant dans la bourrasque
piétinant nos regrets
comme un troupeau d'hiver.

 

Publié dans Fables

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A la fenêtre de l'automne

Publié le par Carole

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Dans le ciel fauve et noir
je l'ai vu qui cognait
comme un ballon perdu
à la fenêtre de l'automne.
 
Les feuilles de la nuit
repoussant sa prière
déchiraient son visage.
 
Il est tombé meurtri
comme un soupir
entre leurs griffes.
 
Caillou de feu brisé
une étincelle en pleurs
a couru sur le fleuve.
 
J'ai écouté là-bas
le frisson de l'hiver
ricocher sur l'eau lente.
 
Ce n'était rien.
Juste l'été
qui venait 
de
mourir.

 

 

 

Publié dans Fables

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Ballons

Publié le par Carole

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Je passais ce soir sur le pont Haudaudine. Le soleil se couchait tout rêveur, de grands vols de nuages migrateurs s'en allaient dans le ciel.
Tout à coup ce mot a bondi sur le parapet : "ballons".
Et le soleil là-bas si rond. Et les nuages si légers.
Et la coupole au loin de Notre-Dame-du-bon-port.
Et la nuit doucement descendant sur son fil.
Et cet instant roulant de la lumière à l'ombre.
Ballons.
 
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Publié dans Nantes

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Une ombre sur le mur

Publié le par Carole

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   Je croyais achevée la restauration de notre vieil opéra Graslin... Mais il paraît qu'on n'a pas tout à fait fini de le remaquiller. Debout sur sa nacelle, un ouvrier travaillait hier à masquer de blanc les joints de ciment des colonnes. Et son ombre avec lui travaillait sur le mur, juste au-dessous du nom prestigieux de Crucy - l'architecte des Lumières qui nous légua le fameux monument aux huit Muses.
   La nacelle avançait, le pinceau besognait, l'ombre peinait comme elle aurait dansé, suspendue au soleil qui frappait la façade.
 
   Il n'était pas de ceux dont on retient le nom, celui qui devant nous travaillait comme une ombre.
   Mais sa silhouette obscure imprimait sur le mur la belle forme humaine, unique et si vivante, des armées d'ouvriers qui bâtissent en ce monde les monuments, les gloires, et les réputations.
  Funambule laborieux, il nous peignait là-haut, étiré comme un fil au bord de son pinceau, le geste universel du grand effort humain qui se trace dans l'ombre.
 

Publié dans Nantes

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Le radis

Publié le par Carole

    A peine un petit quart d'heure qu'il est là, à traîner dans les rayons. Mais rien à dire, il a déjà bien travaillé. Pas perdu son temps, ce matin. Il a commencé par pousser son chariot jusqu'au rayon chocolat. Il a fait semblant de s'intéresser à la composition [...]
 
Suite du récit à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com

Publié dans Récits et nouvelles

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