Les magnoliers
Puisque vous me parlez de magnolias... oui, parlons des magnolias - qu'on appelle au Jardin d'ici des magnoliers.
On en a planté beaucoup, depuis le fameux magnolier d'Hectot, si vieux qu'il paraît désormais s'absorber dans la contemplation de ce curieux champignon qui lui pousse comme un visage en travers de l'écorce.
Nantes - Jardin des plantes - Magnolier d'Hectot - décembre 2013 J'aime aussi le port hautain et la splendide floraison du magnolia de Soulange... - que l'on nomme, en ce lieu où chaque arbre est un brin de fable, "magnolier de belle apparence".
Mais ce qui me fascine vraiment, chez les magnoliers aussi bien que chez les magnolias, c'est qu'ils puissent ainsi, tous, tout savoir de la beauté.
Il faut les voir faire jaillir vers le ciel leurs grandes fleurs ardentes comme des cierges - comme si jamais aucun autre désir ne les avait animés que de poser sur leurs branches de grands bouquets d'oiseaux parfaits.
On ne peut rien imaginer de plus éclatant.
On ne peut rien imaginer de plus triomphant.
On ne peut rien imaginer de plus beau.
On ne peut rien imaginer de plus bref.
Car voilà que le vent a cueilli de sa main distraite les fleurs immenses. Et qu'elles s'envolent en minces flocons roses comme une neige de couchant. Et puis voici qu'accourt la pluie capricieuse et avide, qui s'en joue un instant pour les jeter à terre. Enfin la nuit les glace et les froisse en ses ombres, et les laisse meurtries comme des étoiles tombées.
Pourtant les magnoliers trônent encore, nus et noblement indigents, indifférents. Et c'est bon de marcher à leur ombre, dans les allées semées de fleurs mortes et toujours vivantes, sur les traces légères du grand bouquet-merveille qui fleurissait hier.
Ils savent tant de choses, les magnoliers. Ils savent, comme les dieux, que la beauté n'aspire qu'à se donner et à se perdre, à se disperser dans le monde tel qu'il est, à se faner sous les pas des vivants,
aussi indifférente à sa disparition qu'elle était ardente à venir au monde.
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