En berne
Mon blog restera en berne dimanche et lundi. Il me semblerait indécent de poursuivre ma mince quête poétique au lendemain des massacres perpétrés à Paris le 13 novembre.
Ce matin, j'ai appris avec stupeur, comme vous tous, les attentats qui ont touché Paris hier soir.
Rien à en dire, bien sûr, tant le choc est violent.
Sinon ceci, peut-être :
J'ai lu la revendication de Daesh, encadrée de deux sourates, qui se félicitait au nom d'Allah de la mort des "croisés". Et j'ai cru être au moyen âge, au milieu de je ne sais quelle épidémie de peste.
J'ai vu une vidéo tournée rue Amelot face à la sortie de secours du Bataclan. Et j'ai cru assister à la liquidation du ghetto de Varsovie en 1944.
J'ai entendu les médecins de Lariboisière parler de "chirurgie de guerre". Et j'ai cru être à Verdun en 1917.
Puis je me suis souvenue que Daesh fanfaronnait sur Twitter, que la vidéo avait été postée sur YouTube, que j'écoutais sur un journal en ligne le rapport des chirurgiens. Et j'ai pris conscience que nous étions, finalement, au XXIème siècle.
Le fanatisme et le meurtre ne sont d'aucune époque, ils sont de tous les temps, et les confondent tous dans leur sinistre nuit.
Mais l'espérance.
Souvenons-nous, elle veillait à la lucarne du ghetto, derrière la vitre souillée de sang. Elle accrochait son grand soleil du paradis au-dessus des tréteaux de l'enfer dans les mystères du moyen âge. Elle grattait dans le noir à la porte blindée des tranchées de la Marne. Et elle file encore sur Twitter et Facebook, aujourd'hui, son trait de funambule, sur la toile infinie.
L'espérance. Elle non plus n'est d'aucune époque et vit dans tous les temps, cantinière sans âge, petite mère courage.
Le coeur gros comme un poing, elle murmure : "demain", quand le fanatisme hurle : "hier" dans tous les haut-parleurs. Elle s'acharne tenace quand le meurtre se lasse. Elle n'est pas héroïque. Elle est bien trop vaillante. Elle est la bonne hôtesse, celle qui a souffert et sait le prix des vies, l'ange du quotidien, qui rebâtit les mondes dans son café du coin, avec les gestes simples et les humbles efforts de chaque jour qui passe.
Seulement voilà, pour aujourd'hui, il est fermé, le café Espérance. Il rouvrira, je ne sais pas bien quand, mais n'ayez crainte, il rouvrira ses portes.
En attendant, il doit pleurer ses morts.
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