Pas de côté
Tout à l'heure, on travaillait sur la Grue Jaune, redevenue machine sur les chantiers de l'île. Des ouvriers, là-bas, s'agitaient à nouveau, si haut dans les nuages, par-dessus l'estuaire, qu'ils devaient voir loin sur la mer les bateaux d'autrefois.
Un peu plus tard, quand j'ai passé le pont, le Belem revenu, patient sous sa mâture comme un grand cerf portant ses bois, attendait à l'attache, retrempé dans l'or frais qu'il avait bu au fleuve, aussi vaillant qu'au jour où il sortit des cales.
Et c'était comme si ce soir-là, le soleil en rêvant, après avoir joué sur son ancien Pleyel sa fatale ritournelle, avait osé, distrait, avant de s'en aller, un petit pas de côté,
un léger pas chassé sur la pédale douce
qui aurait fait glisser le lent clavier des heures.
Laissant vibrer
note après note
les jours d'avant.
Laissant danser
claires et vivantes
toutes les ombres
mortes.