Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

fables

Coeur rouge sur mur gris

Publié le par Carole

Coeur rouge sur mur gris
C'est un enfant qui passe il dessine en rêvant
Son propre coeur qui bat comme une fleur de sang
 
Petit coeur sur le mur goutte de sang trop rouge
Brave coeur souriant qui veut chanter sa vie
Petit coeur sur le mur bouclier du bonheur
Beau pétale d'espérance sur la page du gris
 
Gommette d'illusion humble goutte d'amour
Que la pluie tout à l'heure fera sans y penser
Tomber en jet de sang sur la flaque de boue
Des promesses blessées des grands mots déchirés
 
C'est un enfant qui rêve il ne peut pas savoir
Que le vent sur les murs efface chaque soir
 
Avec ses manches noires et ses mains de crachin
Le tableau du matin où s'épelait l'espoir.

Publié dans Fables

Partager cet article

Cueillir l'obstacle

Publié le par Carole

Cueillir l'obstacle
Toujours il surgit quelque part pour briser ton élan.
L'obstacle.
Sous tes doigts qui luttaient, et qui croyaient toucher
le bleu dont on forge les clés,
cette morsure soudain, cette douleur fichée : 
le clou de fer aigu de la réalité.
 
Qu'importe s'il fait mal et s'il te fait saigner,
ne va pas l'éviter,
avance loin tes doigts vers ce qui les déchire.
 
Car l'obstacle, l'obstacle, l'impitoyable obstacle,
il te faut le cueillir comme une épine vive.
Puis le laisser grandir comme une écorce rude
et t'en envelopper dans le froid et la faim.
L'enfiler comme un gant sur ta peau écorchée,
jusqu'à ce qu'il devienne enfin
 
ta propre main.
 
 

Publié dans Fables

Partager cet article

L'éphéméride (réédition revue)

Publié le par Carole

FMR-rouge-2-copie-1.jpg
 
    Dans ma cuisine, chaque début d'année, j'accroche un de ces petits calendriers qu’on appelle des éphémérides – vous savez bien : à chaque jour correspond un feuillet, qu’on arrache à mesure.
    Quand un jour est achevé, bien mort et oublié, il faut arracher la page, et passer à la suite. Le calendrier, d'abord si épais, si bien carré sur sa nouvelle année, de jour en jour maigrit, maigrit, maigrit, impitoyablement, et au 31 décembre, hop, c'est fini, il suffit de déchirer la dernière page, de jeter aux ordures le petit squelette de carton, et de fixer au clou une autre éphéméride - toute neuve et fraîche.
   Mais moi, non... je n’arrive pas à arracher les pages – le calendrier reste la plupart du temps comme il est, bloqué au 5 janvier quand nous sommes au 9 février, par exemple... Et, quand enfin je me décide..., les pages arrachées, je ne parviens pas à les jeter. Jamais. J’en fais un petit tas tremblant que je dépose sur le sommet du réfrigérateur où il se couvre lentement de poussière. D’année en année les petits tas s’accumulent et s'écrasent là-haut, gris et las, châteaux de jours frangés de sale qu'effondre la marée du temps. Et je ne me résous jamais - je ne dis pas même à m'en débarrasser - mais simplement à remarquer que la poussière y fait son nid, et l'araignée tous ses festins.
 
    Pourtant, je m’en souviens très bien, lorsque j'étais enfant, mes grands-parents de Guéret accrochaient eux aussi dans leur cuisine une éphéméride, illustrée des dessins humoristiques et des piteuses plaisanteries de l’almanach Vermot - qui me semblaient, en ce temps-là, aussi spirituelles et distrayantes qu'une page de ce Journal de Mickey auquel ils m'abonnaient chaque année.
     Les jours s'inscrivaient en chiffres énormes et rouges sur les feuilles très minces, si agréables à chiffonner. Je m'amusais à les réduire en boules minuscules et compactes, ainsi que je le faisais pour les emballages de bonbons, avant de les jeter comme du grain dans la corbeille à papier.
   C’était un tel plaisir pour moi chaque matin d’arracher la vieille page et de découvrir la nouvelle.
 
   Arracher les pages usées avec le mépris qu'on a pour les vieux jouets cassés, rire un instant de la journée qui s’annonçait, puis chiffonner pour l'oublier le chiffre rouge des jours éteints, c’était alors une si pure joie...

Publié dans Fables

Partager cet article

Page blanche du Nouvel An

Publié le par Carole

Page blanche du Nouvel An
Feuille des jours
L'année se tourne
 
Et puis retombe
Avec ses ombres
 
Et ses soupirs
 
Et ses sourires
 
Ne crains pas ce qui change
Ouvre la page blanche
Prends la plume et commence
Pour que tout recommence
 
Car de ta main
 
Tu l'écriras
Tu le créeras
 
Cet avenir
Qu'on ne peut lire
 
Mais qui est tien.
 
 
Que 2016 soit une belle page de votre vie !
Meilleurs voeux à tous !
 
 

Publié dans Fables

Partager cet article

L'unijambiste

Publié le par Carole

L'unijambiste

.

Unijambiste aussi manchot
Par tous les vents pantin du pauvre
Varapeur fou vaillant grimpeur
 
A la conquête du bonheur
Crâne de bille et vide en tête
Sac à papier comme il s'entête.
 
***
 
Que la chance te soit
Bel escalier de soie
Ou rude noeud de cordes
 
Lutte et va vers le haut
Qu'importe qu'on se gausse
Ou si tu dégringoles
 
Ce sera toi sur la paroi
Qui seras fou qui seras roi
Qui feras mouche et seras l'ange
 
Encordé au destin
Ne va pas croire encore
Que te voilà pendu
 
C'est toujours toi
Qui fais le mur
C'est toujours toi
 
Crois-moi
C'est toujours toi
 
qui grimpes.

Publié dans Fables

Partager cet article

Paravent

Publié le par Carole

Paravent
Que l'ombre d'une fleur
sachant broder le fer
 
pose contre la rouille
son paravent de soie
 
tende son chevalet
comme un poing de beauté
 
vers le fracas de mine
du monde qui s'obstine
 
à changer l'or en mort
 
ce n'est rien qu'un détail
un frisson d'éventail
 
que repliera le vent
mais qui pourrait encore
 
nous sauver du néant.
 

Publié dans Fables

Partager cet article

Proportions

Publié le par Carole

Proportions
-Nous sommes citoyens du monde ! disait l'un.
-Non, disait l'autre, car chacun est de son village. 
Je n'ai pas pris parti.
Ils avaient tous les deux raison.
 
Pas un village qui ne fasse en un jour le tour de sa planète.
Et pas une planète qui ne rencontre son reflet dans l'oeil doré d'un villageois.
Mais comment faire, pour être de partout en piétinant ici ? Comment marcher en bas et méditer d'en-haut ? Comment rester soi-même, quand la terre est aussi à tant d'autres ? Et comment ne pas craindre les autres, lorsqu'on n'est que soi-même ?
Comment donc les garder, comment les regarder, sous le soleil et par Saturne, les justes proportions qui mettraient en accord tous nos pas ?
 
Il y avait bien un chemin qu'on avait commencé, un chemin escarpé, pour relier au monde chaque petit village, et pour faire de ce monde un unique village. Un chemin difficile, un chemin exigeant, que l'on voulait nommer - cela me revient maintenant  : Humanisme.
Il n'était pas achevé, loin de là, il fallait y travailler toujours, s'y efforcer sans fin, y grimper âprement. Seulement il paraît qu'il fallait s'élever un peu trop, qu'on avait mieux à faire. Si bien qu'on l'a laissé se perdre, le grand chemin d'en haut, dans les vieux marécages des petits arrangements, dans les plaines vaseuses du conformisme lâche. 
Et qu'il s'est enfoncé dans la boue de la peur, sous l'éboulis haineux des vociférations.
 
Mais il doit forcément en rester quelque part une trace, une pierre à l'ébauche, une piste à petits cailloux.
Il est temps de nous mettre en quête.

Publié dans Fables

Partager cet article

Visage de pierre

Publié le par Carole

Visage de pierre
Quand tant de visages sont de pierre, il est bon de savoir que les pierres peuvent avoir des visages.
Et des paupières battantes comme le coeur des fleurs.
 
Quand tant de bornes aveugles obstruent nos chemins d'ombre, il est doux de savoir que les pierres nous regardent. 
Avec leurs yeux humains tout bistrés de lumière.
 
Quand tant de rocs muets s'effondrent sur nos vies, il est temps de savoir ce que murmurent les pierres
au soleil qui le soir
vient leur prendre
un baiser.

Publié dans Fables

Partager cet article

Le bonsaï de novembre

Publié le par Carole

Le bonsaï de novembre
Limé et raboté
rabougri et meurtri
le bonsaï de novembre
 
battant de ses bras nains
sa danse de l'automne
toute engourdie de larmes
 
au temps d'hiver qui vient
aux haines qui se figent
aux ombres qui attendent
 
offre ses bouquets rouges
sème ses feuilles mortes
comme des coeurs humains.
 
Mais dans ses mains d'enfant
mais dans les pieds enflés
de ses vieilles racines
 
la sève file encore
son petit air de flûte
ses ruisseaux de bourgeons
de mousse et de printemps
 
traçant le lent chemin
 
qui mène au lendemain.
 

Publié dans Fables

Partager cet article

Le cadran des Lumières (réédition)

Publié le par Carole

cadran solaire seiches 3
 
    Nous étions à S., sur la route de Tours, arrêtés au feu rouge.
   Levant la tête j’ai aperçu sur la vieille, haute maison du carrefour, l’ancien cadran solaire. Comme à chacun de nos passages, il disait : " Sol omnibus lucet anno1779 ".
    "Le soleil brille pour tous... " : une belle parole des Lumières... Le soleil également réparti entre tous les hommes, leur donnant à tous même dignité, éclairant les âmes d'un même éclat...  Et cette flèche hardiment tendue vers l'avenir... En 1779, de telles pensées, de tels symboles menaient loin sous leur apparente banalité.
    Ce matin-là il faisait sombre à S., et aucune heure ne s’écrivait sur le vieux mur gris. Mais les mots du cadran auraient pu suffire à éclairer le ciel bas.
 
    Nous avons l’habitude d’écouter, pendant les longs trajets, de la musique ou des livres lus. Du lecteur de CD est montée tout à coup la voix d’Alain, le philosophe, toujours si juste, si prophétique même – c’était l’acteur Jean-Pierre Lorit qui lui donnait corps - : "Je vois un progrès qui se fait et se défait d'instant en instant, qui se fait par l'individu pensant, qui se défait par le citoyen bêlant. La barbarie nous suit comme notre ombre. En chacun de nous, d'abord. C'est une erreur de croire que l'on sait quelque chose ; on apprend, oui, et, tant que l'on apprend, on voit clair ; mais dès que l'on se repose, dès que l'on s'endort, on est théologien ; et comme les songes reviennent avec le sommeil, ainsi, avec ce sommeil d'esprit, reviennent l'injustice, la guerre, la tyrannie. [...] Cela tombe comme une nuit en nous et autour de nous..." 
    Le feu est alors passé au vert. Une dernière fois j'ai levé les yeux vers le cadran solaire.
   Il est beau que cette ancienne inscription où vibre l’espérance de nos pères accompagne encore notre route de voyageurs, elle mérite bien qu'on l'admire au passage.
    Mais souvenons-nous des paroles d’Alain : la lumière ne luit pas pour tous, mais seulement pour ceux qui la conquièrent sur leurs ombres. Elle se cherche et ne se possède pas. Elle n’est que notre effort. La flèche ardente qui doit maintenir éveillé tout ce qui en nous voudrait s'arrêter - aux habitudes, aux certitudes, aux conforts et aux conformismes -, tout ce qui croit savoir, s'égare à affirmer, se ruine à répéter. 
     Progresser c'est aller, sur le chemin que chacun de nos pas recrée.

Publié dans Fables

Partager cet article