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fables

Par les cornes !

Publié le par Carole

Par les cornes !
L'un nous parant la viande, l'autre allongeant nos crins,
Artistes en magasin, poètes à leur façon,
Ces deux marchands malins s'étaient en bons voisins
Passé la bête à cornes et le bétail à laine
Pour le dire d'un sourire en manière d'unisson
Aux oisifs, aux passants qui bayaient aux corneilles :
 
" Cela ne suffit pas de peigner le bison,
La girafe, le buffle, le crincrin, le mouton,
Cela ne suffit pas, ne fait pas un destin.
C'est par les cornes qu'il faut les prendre et les tenir,
Les clients, les taureaux, le bonheur, l'avenir,
La chance et l'espérance, la fortune et la lune.
 
Par les cornes la vie !
Par les cornes, on vous dit ! "
 

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ça va aller

Publié le par Carole

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Tout à l'heure, au centre commercial, je me suis acheté une paire de chaussures. En me tendant le ticket de caisse, la vendeuse m'a fait observer qu'il ne me servirait de toute façon pas à échanger l'article.
-Ah, pourquoi ?
-Le magasin va fermer.
Rien ne l'indiquait pourtant.
-Fermer ? Complètement ?
-Oui. Il n'existera plus.
J'ai dit, bêtement : - C'est dommage.
-Pour nos emplois surtout !
-Oh, je suis désolée... pour vous... !
-Vous inquiétez pas pour moi, ça va aller !
Elle a dit cela du même ton que ces grands malades qui, lorsqu'on leur demande de leurs nouvelles, n'en ayant que de terribles à donner, repoussent votre pitié -"Oh, ça ira, ne vous tourmentez pas pour moi, j'en ai vu d'autres ! "- parce qu'on n'a pitié que de ceux qui n'ont plus d'espoir, et que l'espoir est la dernière cheville retenant à la vie les corps qui se défont, celle qu'il ne faut jamais lâcher.
 
Il m'a semblé bizarrement sinistre, à la sortie de la boutique, le mannequin démonté de la vitrine d'à côté. Comme si ses tronçons ternis, rayés, usés, avaient attendu là, patients et obscurs, l'imprévisible choix du maître capricieux qui pouvait décider de les remonter en forme d'humains, ou de les renvoyer à l'entrepôt dans le panier à déchets.
 

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Escaliers

Publié le par Carole

A Toi, vieil escalier, que longtemps j'ai grimpé, de palier en palier, m'arrêtant pour souffler, ahanant d'illusions, aux obscures stations de mon humble calvaire.

A Toi, vieil escalier, que longtemps j'ai grimpé, de palier en palier, m'arrêtant pour souffler, ahanant d'illusions, aux obscures stations de mon humble calvaire.

 
Je viens de lire que des savants canadiens avaient formellement établi que grimper les escaliers était un moyen presque aussi sûr de rajeunir son cerveau que d'étudier. Eh oui... selon leur très savante étude, un savetier qui, sa vie durant, escaladerait en sifflotant son maudit escalier de bois vermoulu, jusqu'au petit studio du sixième sans ascenseur que la faiblesse de ses ressources l'a contraint de louer, au lieu de se prélasser dans l'ascenseur doré qui s'envole, impérial, du hall de marbre de son voisin financier, rajeunirait son cerveau de 0,58 années par ascension de deux étages quotidiennement entreprise, soit 3 fois o,58 années qui font 1,74 ans, tandis qu'un étudiant vieilli sous le harnais rajeunirait seulement le sien de 0,95 an à chaque redoublement.
Si vous avez, comme moi, l'esprit de l'escalier, vous voici déjà tout à fait étourdi, je m'en doute. Aussi j'arrête ici ma modeste tentative de rajeunir votre cerveau par les degrés de la multiplication et les spirales vertigineuses de la grammaire et de la fable...
 
Je me suis toujours demandé qui pouvait bien imaginer de monter, en guise d'escalier - ou d'ascenseur social peut-être ces recherches insolites et frivoles où l'on se penche avec minutie et passion sur  - je cite au hasard et dans le désordre - les effets salutaires des pépins de pamplemousse relativement à la santé des poumons, l'intérêt prééminent d'ouvrir trois fois par jour ses orteils en forme d'éventail pour maintenir l'équilibre de ses vertèbres, ou le nombre de grains de sésame - à moins que ce ne soit d'ellébore - qu'il est nécessaire d'absorber à la treizième bouchée de chaque repas pour éviter la dépression... Sans doute s'agit-il seulement d'augmenter les tirages de journaux essoufflés, courant l'article pour faire grimper leurs ventes.
 
Tout de même... au fond, cette histoire d'escaliers studieux... elle n'est pas si bête, cette fois, pas si bête...
 
Grimpez, étudiez...  allégez vos misères, oubliez vos lourdeurs, méprisez vos paresses. Et chaque jour cherchez, un peu plus haut, à l'étage du dessus, ou simplement à l'entresol, l'humble effort qui élève... Vers ce qui vous appelle, vers ce qui vous grandit, hissez-vous, avancez, et grimpez. Grimpez toujours, à petits sauts ou à bonds de chamois, de marche étroite en rocher vacillant, sans jamais vous lasser, grimpez... chaque jour posez-vous, ne serait-ce qu'un peu, ne serait-ce qu'à peine, au-dessus de ce que vous étiez la veille.
Au bout du compte, sur le dernier palier ou l'ultime sommet, je ne sais pas de combien d'années votre cerveau aura rajeuni, mais vous, vous,
vous serez enfin
devenu
vous-même.
 

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Le Dimanche de la vie

Publié le par Carole

Le Dimanche de la vie
"Les personnages de ce roman étant réels, toute ressemblance avec des individus imaginaires serait fortuite."
Raymond Queneau, Le Dimanche de la vie
 
 
 
Il y avait longtemps que je n'avais pas rencontré Roger Dimanche sur les murs de la ville. 
Nous étions un lundi, mais c'est toujours dimanche pour ceux qui montent aux palissades comme ils repeignent le pavé - et les mots rebattus. Il était revenu s'afficher rebel warholarty, sur une barricade aussi fleurie d'interdits que ces tristes filets où se débattent en coeurs mourants les ailes encore vives des papillons captifs.
Il était interdit strictement interdit de s'approcher de stationner de regarder d'explorer de stationner de regarder de s'approcher. Alors, évidemment, notre Dimanche de la ville avait collé, près de la grande affiche que j'avais vue de loin, une autre affiche étroite et grise, dont on ne pouvait lire les lettres minuscules qu'en s'approchant pour stationner, regarder, explorer... Passant rebelle, je me suis approchée - tout près - évidemment.
 

.

Que faisaient-ils en 1907, nos ancêtres ouvriers et nos cousins dockers ? Ils rêvaient le dimanche au dimanche de la vie.
Que faisaient-ils le dimanche, nos ancêtres ouvriers et nos cousins dockers ? Ils rédigeaient des tracts, pour faire rêver la ville au dimanche de la vie.
Et le lundi, et le mardi, le mercredi et le jeudi, le vendredi, le samedi aussi, que faisaient-ils encore, nos ancêtres ouvriers et nos cousins dockers ? Ils réchauffaient leurs coeurs aux rêves du dimanche.
Tous ils rêvaient si fort du dimanche de nos vies, que leurs rêves peu à peu devenaient aussi vrais, clairs et ensoleillés, que des dimanches d'été 36.
 
Mais le chiendent tenace, mais le chiendent vorace, pourquoi faut-il toujours qu'il nous ronge la vie jusqu'au creux des dimanches ? Pourquoi faut-il toujours qu'il croche ses racines sur le terreau des rêves d'où s'envolent nos ailes ?
 
 
Ils gisaient gris éteints, sur cette affiche obscure, les rêves des anciens, 
comme papillons morts au fond de leurs filets,
quand les chasseurs de rêve ont compté leur récolte.
 
http://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/02/19/droit-du-travail-des-journees-de-dix-heures-pour-les-mineurs-en-apprentissage_4868614_1698637.html
 

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Coeur d'os

Publié le par Carole

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On voit cela souvent. Un arbre ouvrant son coeur au regard des passants. Et ce coeur est un mort, qui soutient l'arbre vert.
Car c'est ainsi que grandissent les arbres : sur leur propre coeur d'os. Le tronc haut du vivant s'appuie sur le vieil os, qui réchauffe sa mort dans la fourrure d'écorce du vivant qui l'abrite. Aubier et duramen. Duramen et aubier.
 
Nous emportons nos morts en nous, ils soutiennent nos vies, ils sont les grands tuteurs  où poser nos pensées, où faire grimper nos rêves. 
 
Sans eux nous serions si petits. Arbustes nains, genévriers rampants.
Sans nous ils n'auraient jamais pu savoir qu'ils étaient arbres.
 
Ensemble nous cherchons ce chemin vers le ciel qui s'en va de la terre, passant par les nuages, courant par les orages, tout trempé de ces larmes dont on fait les bourgeons.
 

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Esp !

Publié le par Carole

Esp !
C'était un soir de gris, tout maculé de pluie.
Elle pleurait sous ses bleus, l'encre à mélancolie,
L'amour toujours toujours - et l'espérance à peine.
 
Car toujours ils espèrent, ceux qui n'ont que des murs
Pour écrire sur les coeurs. Et toujours ils espèrent,
Ceux qui aiment tout seuls et ne savent pas qui.
 
Oui, toujours ils espèrent, ceux qui ne devraient plus,
Mais rien qu'à demi-mot, comme on chuchote au vent
Quand on parle à la nuit.
Esp, toi, là ! Esp, passant ! 
 

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Les confessions (réédition revue)

Publié le par Carole

confessionnal 2
 
Le confessionnal ne sert plus guère. Alors on y a tout bêtement rangé la pelle et le balai, les humbles objets qui servent à faire le ménage de l’église…
C'est amusant, se dit-on d'abord, et puis on y réfléchit un peu, car autrefois on a été cet enfant docile et pieux qui se rendait à confesse, et marmonnait ensuite, agenouillé sur le dallage froid, ses trois Avé et ses cinq Notre-Père.
Rares sont maintenant ceux qui viennent encore ainsi, à confesse, murmurer dans l’obscurité, aussi bien que les secrets qui étouffent, les angoisses qui rongent et les fautes qui hantent, les petits tracas du quotidien et les erreurs de chaque jour.
Sans doute le confessionnal a-t-il été peu à peu remplacé par les journaux intimes, par le divan des psychanalystes, par les consultations des psychologues et des psychiatres, par les émissions de Ménie Grégoire, par les psy-shows de la télévision, par les appels à SOS amitié, par Facebook et Copains d'avant, et même par les blogs, après tout…
Confessions impudiques ou très minces secrets, grandes et petites fautes, douleurs immenses, brèves égratignures, infimes vérités et mensonges éclatants... tant de misères, tant de paroles se pressent dans les gorges nouées. On n'en meurt pas toujours étouffé, mais je ne connais rien de plus douloureux qu’un cri silencieux, qu’un remords privé de mots, qu’un désespoir bâillonné, qu'une plainte étranglée, qu'une espérance tue. 
Il faut qu’il y ait, quelque part, un endroit pour parler, et, en parlant, nettoyer son âme, la vider de ses cendres et la laver de ses scories, en dégager tout ce qui, à force de ne pas être dit, pourrit, salit, écrase, emprisonne - empoisonne.
 
Alors cette pelle à poussière avec sa balayette, au fond du confessionnal, ce n'est pas seulement amusant, c'est une idée très juste, une intuition profonde de la brave personne qui, là-bas, au village, se charge, quand elle peut, comme elle peut, de l'entretien de la vieille église.

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Chants d'oiseaux

Publié le par Carole

Chants d'oiseaux
Et pour finir d'évoquer cette Journée si folle qui vient de s'achever, une petite fable.
 
Le thème de cette année 2016 était la Nature, et partout les oiseaux étaient à l'honneur. On avait pu entendre chanter les Coucous bénévoles, Les fauvettes plaintives, le Rossignol vainqueur et la linotte effarouchée, et même l'Oiseau prophètedans les Murmures de la forêt et les Vergers fleuris. On avait tout particulièrement admiré Johnny Rasse et Jean Boucault, les deux imitateurs d'oiseaux spécialement invités, Papagenos siffleurs et délicats ornithologues. 
 
Quand nous sommes sortis, le soir, avant le grand concert final, nous sommes passés, tout près des portes qu'on allait clore bientôt, devant les jeunes magnolias qui bordent le quai du canal Saint-Félix. Ils résonnaient de voix d'oiseaux si authentiques que bien sûr nous avons tout d'abord cru à une animation, à des enregistrements que les organisateurs auraient fait installer pour parfaire l'illusion musicale.
Mais non, c'étaient de vrais oiseaux, toute une bande d'étourneaux, qui s'étaient posés là, sur les branches, et pépiaient dans la nuit. Les arbres en étaient tout blanchis de fientes étourdies.
Ainsi, tandis que, derrière nous, on continuait à les imiter et à les évoquer, provoquant de longues salves d'applaudissements, ils étaient là, eux, les oiseaux, donnant leur grand concert.
Et personne, personne
 n'était venu les admirer.
Personne, personne, ne songeait plus à applaudir.
 
Car la réalité, quand l'art ne nous la montre pas, nous ne savons, si souvent, ni la voir ni l'entendre.
 

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Canards

Publié le par Carole

Canards
Cela amuse toujours, au Jardin des Plantes, ces canards qui vont à la file, au pas de l'oie et à la queue-le-loup, bons moutons de Panurge.
Ils ne savent pas où ils vont, mais y vont tous ensemble.
Leurs plumes apeurées frémissent au vent qui passe, alors ils marchent vite derrière celui qui marche. 
Ce monde est bien obscur, mais ils pensent y voir clair, en suivant le derrière de celui de devant.
Si la pente est glissante, ils sauront la descendre, puisqu'ils sont tous ensemble,
jusqu'au néant comme un seul 
homme.

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Danger

Publié le par Carole

Danger
Le danger...? pas de danger qu'il nous écrase, n'est-ce pas. N'est-il pas solidement ligoté ? Maîtrisé, encerclé, ceinturé. Muselé par les lois et les règlements, surveillé par toutes les polices, en quarantaine éternelle dans les grands hôpitaux de la raison. Sous contrôle, on vous dit, en rouge et noir féroce et laid, solidement menotté dans les geôles obscures de la violence et des passions mauvaises.
Le danger ? Tout le monde sait ce que c'est, le danger. On s'y connaît, on sait le tenir à distance. Pas de danger qu'on s'y laisse prendre, au danger.
 
Et puis.
Et puis voilà qu'il vient à nous, tout doux, mâchant son brin de joie. Tendre comme un printemps, charmant comme l'insouciance, avenant comme un jour de vacances.
Beau compagnon de route de nos petits bonheurs, plaisantin obligeant qui soudain, alors qu'on croyait encore lui sourire,
aux trois coups du destin,
de tout son poids de mort 
nous
assomme.
 
Danger

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