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nantes

Profil céleste

Publié le par Carole

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Château du Grand Blottereau à Nantes 
 
De tous les visages de la ville, celui-ci, posé tout près du ciel et patiné par le temps, est l'un des plus purs et l'un des plus doux. Il y a une heure, pourtant, l'après-midi, où l'oeil blanc se charbonne d'ombre, où le profil se découpe plus gris dans l'air bleu. En automne on croirait une Cérès mélancolique. Une Cérès au rebord du temps. Celle qui résignée attend de perdre à nouveau son enfant.

Publié dans Nantes

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Art et instant

Publié le par Carole

art et instant 1.psd
 
 
Guidée
par cette sage enseigne,
qui parlait d'or dans la rue grise,
avant que ne tombe la nuit,
par ce reflet aussi, du vieux château des Ducs,
qui se penchait à la fenêtre,
 
de l'art,
je dirai, à mon tour,
qu'il est un étrange travail,
qui ne vise qu'à capturer l'instant
- pour toujours -.
 
Et puis je me tairai,
ayant laissé passer l'instant
- pour toujours -.

Publié dans Nantes

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Sourissez à la vie

Publié le par Carole

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     Le hasard est un dieu souriant.
     Il m'attendait, je crois, cet après-midi, devant la porte de l'école des beaux-arts. 
   On avait déposé dans la rue de grands panneaux de carton, vestiges d'emballage que les éboueurs devaient emporter.
  Et, sur l'un d'eux, un étudiant, dessinateur agile, insoucieux souriceau, et philosophe au clair sourire, avait gribouillé ce message, en forme de sagesse des nations, qu'un petit rayon de soleil d'hiver caressait souplement : "Sourissez à la vie et la vie vous sourissera"...
    Le bonheur, c'est une petite chose si fragile. C'est doux et c'est rapide comme une souris qui s'enfuit. C'est l'humble obole que dépose la vie dans notre verre ou sous notre oreiller. C'est la légère fleur à crête de soleil qui pousse en pâquerette dans nos jardins d'enfance, près de la source vive et du bon chien fidèle.
   Simple monnaie des jours, à peine de quoi subsister, mais de quoi oublier dans quelle souricière on nous a enfermés.
    Cela vaut bien un sourire, en effet. Et même tous les sourires des hommes.
    Alors, je vous le dis moi aussi : "Sourissez à la vie et la vie vous sourissera".

Publié dans Nantes

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Biscuits

Publié le par Carole

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Enseigne - Rue Kervégan, Nantes.
 
    J'ai rencontré rue Kervégan cette enseigne rouillée que le soleil dorait dans son grand four d'automne et que le soir léchait de ses derniers rayons comme d'un miel très pur.
    Je ne l'avais jamais remarquée jusqu'alors... il y a pourtant trois bons siècles qu'elle est accrochée là-haut, si l'on en croit le catogan du cuisinier et les boucles de ses souliers. Et l'adresse était bien connue, à en juger par la prospérité de ce maître ventre, rond et tendu, fécond à engendrer les louis comme ses bons enfants.
    Rue Kervégan, dans cette île Feydeau où les armateurs de la ville s'étaient nichés au XVIIIe siècle ainsi que sur un beau navire en partance, il y avait autrefois, bien sûr, des boutiques destinées à l'approvisionnement des équipages... Et cette enseigne nous rappelle que les biscuits ont d'abord été de rudes pains de marins bis cuits, deux fois cuits, deux fois passés au four sur la pelle du boulanger, et dont on surveillait longuement la cuisson. On les emportait secs et bien emballés dans de grandes boîtes en fer, on les trempait ensuite de soupe ou de vin, pour s'en nourrir pendant les longues traversées.
    Puis les boulangères aux écus, se faisant pâtissières, les ont morcelés, sucrés, salés, noyés de beurre, de confiture ou de chocolat - et les frustes biscuits de mer sont devenus, ici, pour nous séduire, petits Lus ou B.N. Ailleurs, ils ont tout aussi bien pu éclore en délicates porcelaines, et charmants modelés de Sèvres ou de Saxe. On en a même vu se faire munitions de journalistes... Pourquoi pas ?
 
    Car le temps, savez-vous, pétrit le langage comme un bon cuisinier, comme un boulanger malin, et chaque homme qui parle cuit et recuit, à petit feu très doux, sans même s'en apercevoir, tous les mots de sa vie, pour en mûrir le sens et en forcir l'arôme, afin de les confier, provision sûre, aux marins de demain, aux gourmands à venir, aux esthètes d'après, aux bavards de toujours.
 
    Biscuits... mots dont se nourrit la pensée, vous êtes la pâte qu'il faut patiemment pétrir et lentement passer et repasser au four, pour en extraire sans fin, tout doucement, la saveur et la joie. 
    Deux fois, trois fois, dix fois, cent fois recuits,
    les mots se boulangent, se pâtissent, se travaillent, se reposent, s'assombrissent, se dorent, se dégustent, se rêvent.
    Mots salés, mots sucrés, mots croquants, mots fondants, mots brûlants, mots de soif, mots de faim, mots d'amour, mots d'exil,
    mots de tous les voyages,
    mots dont je veux faire mes bagages,
    mots dont je veux faire mes délices,
    biscuits de poésie...

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Les vieux os de la ville

Publié le par Carole

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   Vestige des anciens remparts, place Fournier, près de l'église Saint-Nicolas.
 


Ce coin de rempart gris débordant d'un mur de parpaings toujours tagué, derrière Saint-Nicolas,
ce morceau de muraille incrusté de saponaires et de lichens, rue Boucherie, au long de la voie du tramway,
cette ogive éclairée de néons au restaurant des Petits saints,
ces coins de colonnes arrondis de mousses, sous l'herbe haute, dans le grand trou du cours Saint-Pierre,

ce sont les vieux os de la ville, le squelette énorme du passé, affleurant sous la chair, paisible dinosaure que chevauchent nos routes, nos tours et nos usines.
 
Et sur la Pendule de la rue de Feltre, là-haut, il est toujours une heure et demie.

 

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Prendre la rue Lambert

Publié le par Carole

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Prendre la rue Lambert.
Je devrais dire enfiler la rue Lambert. Vous n'y êtes peut-être jamais passé ? C'est l'une des rues qui partent de la place du Bouffay. Large et ensoleillée d'abord. Vous ne vous doutez de rien. Vous continuez à avancer, et voilà que devant vous les hautes maisons se rejoignent et se pressent comme pour un complot silencieux. Vous comprenez trop tard qu'il vous faudra passer là, dans cet étroit triangle d'ombre où la rangée des assaillants pourrait bien se refermer tout à fait sur vous. Et malgré le courage que vous mettez à ne pas ralentir le pas, vous ne pouvez vous défendre d'un peu d'angoisse. Car la rue Lambert est une rue en lame, une rue à la pointe aiguë, une rue qui se rétrécit avec la hardiesse des malandrins, des spadassins, des Saltabadil, des Scoronconcolo à l'estoc bien affûté. Quand vous arrivez à la pointe extrême, à l'angle étroit et obscur entre les deux immeubles lépreux qui se penchent à l'oreille l'un de l'autre, chuchotant des mots sombres comme le ciel enfui, vous éprouvez le petit frisson que devait éprouver autrefois celui qu'un brigand tenait à la pointe de son épée - ou de son couteau-. Puis la pression se desserre, le pavé s'élargit, la lumière revient, vous entrez dans la rue Pierre-Dubois, brave rue large et claire. Et si vous tournez à droite, c'est étrange et bon de lire ces mots, sur une enseigne de métal ornée d'hermines mignonnes comme des étoiles : "commune libre du Bouffay". Vous l'avez échappé belle. Le monde est vaste et plein de promesses. Vous êtes sorti de la rue Lambert. Peut-être êtes-vous déjà à Montmartre, et au temps des cerises encore.

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De guingois

Publié le par Carole

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Je l'appelle De guingois.
C'est une maison qui fait l'angle du cours des cinquante Orages, au bord de l'ancien lit de l'Erdre.
Elle penchait tant et tant que pour l'alléger, l'empêcher de tomber tout à fait, on l'a vidée de sa chair et de ses entrailles. Façade-squelette, elle est restée debout toute nue dans ses os blancs, chargée d'échafaudages, un mois ou deux, puis on l'a rhabillée de frais. On a posé bien droit contre l'ancienne façade en pente les poutres de ciment, les planchers stratifiés, les fenêtres de PVC. On a tout peint de neuf. Et la voilà maintenant, restaurée : façade qui croule d'épuisement - fenêtres claires et bien d'aplomb. Entre le lourd passé qui pousse son vieux corps et la prothèse de béton que le présent lui a bâtie, ne sachant plus où pencher. De guingois. Comme tant d'entre nous.

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Le jet d'eau en automne

Publié le par Carole

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"Cet élancement brisé, cette chute...et comme cela indéfiniment" (André Breton, Nadja)
 
 
Ainsi, au Jardin des plantes, que le docteur Ecorchard, son fondateur, a rempli de symboles, le jet d'eau qui s'élève et retombe, pour s'élever encore, le vol clair des colombes aux ailes de nuages, et le reflet pensif des arbres penchés sur l'eau pour regarder le ciel, nous rappellent que tout tient dans un cercle. Tout. Même les images rectangulaires issues de l'appareil-photo.

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L'arc-en-ciel

Publié le par Carole

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 Zone industrielle de Nantes-Est, le 2 novembre 2012
 
 
 
J'étais arrêtée au feu rouge de la D723 - celui qui est si long, à l'entrée de la rue qui mène, à gauche, dans la zone industrielle. Soudain, par-dessus la route trempée de pluie, je l'ai vu apparaître, merveilleux : l'arc-en-ciel.
Splendide et chatoyant, posé comme un diadème dans la grise fourrure des nuages, il s'ouvrait au soleil, éventail précieux d'une dansante averse. J'ai démarré au feu vert et je l'ai suivi. Derrière les pylônes de la ligne à haute tension, il me faisait signe de tout son grand corps éblouissant. Plus loin, bondissant sur les toits de tôle des entrepôts de la zone industrielle, il m'appelait encore. Par-dessus la prison de la rue de la Mainguais, je l'ai vu s'éployer comme l'Aube de Rimbaud, immense et scintillant dans sa traîne irisée. Puis il m'a échappé. J'ai continué ma route, obstinée. Alors, une dernière fois, alors que je passais près des citernes du dépôt de gaz, il m'a souri tristement. Tout pâle et battu de pluie, il est resté un instant accroché aux barbelés. Puis il a disparu. Tout est redevenu béton gris, noir bitume.
Je ne lui en ai pas voulu. Il m'avait déjà guidée loin dans la banlieue, aussi loin qu'il lui avait été possible.
 
La beauté, quand on la croise sur un chemin sans grâce, ne transforme pas le chemin, mais elle nous y conduit. De sa main de rosée, de ses doigts de lumière, elle nous fait signe d'avancer. Un peu plus loin...

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Les échafaudages de la cathédrale

Publié le par Carole Chollet-Buisson

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On a dressé un nouvel échafaudage contre le mur de la cathédrale. Cela m'a vraiment fait plaisir... Car, voyez-vous, c'est si étrange à dire, peut-être ne me comprendrez-vous pas... : comme tout le monde j'admire le travail des tailleurs de pierre, lorsqu'il apparaît au grand jour, et pourtant... pourtant elle me plaît davantage, la vieille cathédrale, dans ses atours de chantier, soutenue de ces tours de métal, de ces balustrades de bois, de ces voiles de plastique, de ces contreforts d'escaliers et de passerelles dont on avait cru bon, pour quelques mois, de la débarrasser.

Il y a dix ans, quinze ans, cent ans, deux cents ans , cinq cents ans, mille ans peut-être - plus personne ne sait - que la cathédrale est habillée d'échafaudages. Il ne peut pas en être autrement.

On la restaure, on la retape, on la recrée sans fin, bergère usée que la guerre amputa, qu'un incendie défigura et que chaque jour ride de crasse et de mousses. Par pans tout blancs et dentelés, elle montre parfois son charmant minois refait à neuf, et l'on repose l'échafaudage un peu plus loin, car il reste encore bien du travail - dix ans, quinze ans, cent ans, mille ans - personne ne sait plus ce que les journaux avaient annoncé -. Mais j'ai confiance, j'espère, - non, je sais que la cathédrale sera toujours ainsi, en travaux, en chantier, qu'on ne la dépouillera jamais tout à fait de ses échafaudages.

Comme la Sagrada Familia de Gaudi, fidèle à l'espérance placée dans ces plans médiévaux que les maîtres d'oeuvre ne concevaient que pour les transmettre à d'autres maîtres d'oeuvre, c'est ainsi qu'elle doit nous apparaître : en travaux, en devenir, à jamais inachevée, absurde et lente, soutenue de projets et de tiges, légère comme une flamme sous l'armature de fer, forte comme un arbre planté dans la terre, et grimpant vers le ciel sur l'échelle des hommes - semblable à la foi des enfants, à l'élan des artistes. Comme toute oeuvre véritable - work in progress. 

Publié dans Nantes

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