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Mademoiselle Callista

Publié le par Carole

Mademoiselle Callista Beauté

Fidélité

    Les morceaux de bristol forment un petit tas triste dans leur corbeille d'osier. Elle en avait commandé bien trop, à l'époque, de ces cartes de fidélité. C'était naïf, aussi, d'avoir fait imprimer ainsi, solitaire, égaré, le mot "fidélité". Il a un air si nostalgique, maintenant, ce pauvre mot perdu, au-dessus des petits cases grisées qu'on ne tamponnera plus jamais. Fidélité. Fidélité à quoi ?  [...]
 
Suite à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com

Publié dans Récits et nouvelles

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Banc

Publié le par Carole

    Nantes - Jardin des Plantes - 20 mars 2015

Nantes - Jardin des Plantes - 20 mars 2015

J'aime, au Jardin, regarder les gens qui regardent. J'aime les contempler, ceux qui contemplent.
Et j'aime, dans les vieilles allées redessinées par Claude Ponti en sourire et en fantaisie, suivre des yeux ceux qui viennent s'asseoir sur ces étranges bancs de bois ondulant comme la houle. 
Ils s'étaient assis l'un à côté de l'autre, le vieil homme et l'enfant. L'un s'était posé tout en bas, près de la terre vivante. l'autre s'était placé plus haut, un peu plus près du ciel. Et ensemble, pour un moment si peu de temps rien qu'un instant, immobiles dans le grand flot des jours, ils regardaient le monde depuis la même vague.

Publié dans Nantes

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Printemps

Publié le par Carole

Printemps
Posé comme un poème inachevé sur "l'aponogéton distique", le vieux nid les avait attendues patiemment tout l'hiver. Car elles rentrent toujours, les poules d'eau du Jardin, au logis des années précédentes
Mars était revenu. On les avait vu s'évertuer, transportant brindilles et feuillages, pour enrichir la strophe trop longtemps délaissée.
Puis elles avaient couvé, l'une après l'autre, toutes rêveuses, leurs gros oeufs pailletés d'incertain comme des vers sans rime.
Et tout à l'heure ils étaient nés, brisant d'un frisson leur coquille, ouvrant leurs yeux ébouriffés, happant la vie dans leurs becs palpitants.
Cinq petits printemps qui rimaient au soleil, scandant le désir et la faim, assonant l'avenir. Un quintil.
C'est un malin, le poète du Jardin. Un grand artiste, qui nous écrit le temps avec des mots vivants.

Publié dans Nantes

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La salle d'attente

Publié le par Carole

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    Dans la salle d'attente si étroite et si tiède, le malade s'ennuie. C'est long d'attendre ainsi.
   Par la porte bien close du cabinet tout proche passent des voix confuses, l'une hésitante et molle, l'autre assurée et forte. On prend les choses en main, là-dedans, au moins. Les voix parlent sans hâte derrière la porte close, cela fait un bruit doux qui le berce.
    Le malade s'ennuie, c'est bon d'attendre ainsi.
    Le soleil du balcon danse au rideau qui mousse, le vieux tapis à fleurs est sous les pieds qui battent la mesure des secondes un grand pré piétiné. Et le fauteuil canné aux longs bras dépaillés s'étire comme un baigneur. 
   Des casiers de métal, tassés contre le mur, remplis de fiches en ordre alphabétique, forment une paroi d'écorce brune et blanche, que le soleil joueur s'en vient escalader. Il y a là rangés des milliers de malades et de maladies... rien n'est plus commun que la maladie, pourquoi se croire unique ? se dit le malade placide.
    Le soleil ne semble pas se lasser de danser, le vieux fauteuil s'étire à l'été revenu. Le malade se sent vraiment tout à fait calme.
  Sur la petite table, des magazines anciens forment des taupinières fripées, colorées et bavardes... Le malade partage le clair bonheur d'Eva et les soucis de Charles, la noble nostalgie des empereurs déchus...  Oui... le miracle existe... on a des raisons d'y croire... puisque c'est reparti avec Eduardo... 
    Le malade est si bien maintenant... il est heureux de s'ennuyer. Il y a si longtemps que son corps douloureux ne l'a pas laissé s'ennuyer doucement. Le temps s'étire au grand soleil, le malade a le temps d'attendre, il a tout le temps devant lui... autrefois il aurait dit qu'il avait du temps à tuer... mais c'est une expression qu'il évite désormais.
    Le malade est si bien. Il sursaute et se trouble quand enfin on l'appelle. Le voilà trébuchant dans le cabinet sombre, nu comme un mort au jugement dernier, sous le regard qui sait. Et tout, à ce moment, a l'air d'aller trop vite. Un vertige le prend. Mais la voix grave et assurée prononce le verdict et lui donne les ordres, dicte les prescriptions. Non, rien ne presse en fait, puisqu'il y a encore tant d'autres rendez-vous à prendre, tant de confrères à consulter, tant de fiches à remplir, tout un avenir balisé qu'on lui trace, de clinique en laboratoire, de laboratoire en hôpital.
    Quand il sort, le malade hésite un peu sur le seuil, il jette un coup d'oeil sur la salle d'attente bien remplie maintenant, d'autres malades s'ennuient là à sa place, feuilletant les journaux, suivant des yeux le rayon de soleil étourdi pendu comme un vieux chat au rideau fatigué, traçant du bout du pied les fleurs manquantes sur la prairie du tapis râpé, consultant vaguement leur montre ou leur téléphone, des gens qui ont le temps, eux aussi...
    Il marche dans la rue, avec ses ordonnances, ses radios, ses analyses et ses mesures. Il est tard maintenant... c'était si long, c'est vrai, tout à l'heure, c'était si long, quand il s'ennuyait tant, dans la salle d'attente... Le malade repense à ce qu'on lui a dit, des mots précis, des mots savants, des mots déjà dits à tant d'autres... des mots bien durs tout de même, en y réfléchissant. Mais sur la liasse de prescriptions tout est clairement noté, tout est prévu et ordonné, on va le prendre en main, pourquoi donc s'inquiéter... ?
    Il fait froid dans la ville, que de nuages amassés soudain... c'était l'été pourtant, là-haut, il n'y a qu'un instant... Le malade se retourne pour jeter un coup d'oeil à la fenêtre claire, au-dessus du balcon fleuri où le soleil jouait comme un vieux chat. Comment la retrouver ? Plus rien ne la distingue, sur la façade morne de cet immeuble gris qui le regarde sans le voir, de tous ses yeux aveugles, indifférents.
   Ce n'est qu'une fois passé le carrefour si sombre que le malade comprend : l'attente, la longue attente, c'est maintenant qu'elle vient de commencer...

Publié dans Fables

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A quai

Publié le par Carole

A quai
Un quai désert et sombre. Sur l'unique banc de fer, une femme s'assied. Agée, usée, pauvres savates aux pieds, manteau gris pauvreté sur ses épaules maigres. L'air dur, hostile. Elle mâche on ne sait quoi comme on mâcherait un mauvais coup.
J'attends la suite.
Voilà, il entre en scène en boitillant, il la suivait. Encore plus vieux, encore plus gris, encore plus pauvre, pitoyable et voûté, il s'approche lentement de la femme. Il lui demande quelque chose à l'oreille, et, comme il murmure à la façon des sourds et des acteurs, j'entends nettement que c'est "un peu d'argent".
Elle jubile.
— Non ! T'as qu'à travailler.
L'homme s'éloigne, tête basse, l'air honteux, résigné. Elle a cessé de remâcher, et crache maintenant son sourire de triomphe. Puis, quand le train s'arrête pour la prendre, elle grimpe alertement, rajeunie de mépris. Lui reste tout là-bas, au bout du quai, de plus en plus fatigué et voûté, à regarder de loin. 
 
Je ne sais pas pourquoi, j'ai eu l'impression qu'ils se connaissaient bien, ces deux-là. Que sans doute ils l'avaient souvent jouée, cette scène étrange, grotesque et brutale comme une bribe de Beckett. Un sketch écrit d'avance par l'éternelle humanité, où elle aurait été le maître et lui l'esclave. Deux rôles d'ailleurs parfaitement interchangeables. Aussi misérables l'un que l'autre, évidemment.

Publié dans Fables

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Les murs

Publié le par Carole

Les murs
Au "pocheur" inconnu qui transforme en décor le ciment de la ville, et fait de nos trajets de lents chemins de ronde. A l'artiste modeste qui pose sur nos murs comme sur des cimaises ses grands cartons pensifs, peints à l'encre des nuits pour les petits du rêve.
 
 
Tant de mystères grandissent dans ce qu'on croit bâtir
Et tant de nids éclosent de tout ce qu'on détruit.
 
Les lents chemins qui mènent vers la vie qui s'éveille
Naissent aux terriers profonds des ombres qui sommeillent.

Publié dans Fables

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La souche et le jet d'eau

Publié le par Carole

La souche et le jet d'eau
Qu'il y avait eu un décès au Jardin, je le savais déjà : j'avais vu en passant le petit tas de bûches, au pied des vieux Centaures de l'allée des camélias.
 
Et voilà que le tronçonné, l'effacé du Jardin, le pourrissant cadavre, c'était lui. Celui qui depuis tant d'années se penchait vers l'étang, fasciné de reflets.
Mort ? Il n'en était pas moins paisible, souche endormie sur ses longues racines, déjà semée d'insectes en marche.
Tout près le jet d'eau s'élançait, retombait, et s'envolait encore, colombe aux ailes ouvertes.
Les grands arbres d'hiver gréés de branches noires portaient dans le vent bleu, comme des caravelles, les nids tremblants là-haut où veille le printemps.
Les chemins du Jardin tournaient et tournoyaient avec l'éternité.
Et les oiseaux couvaient sur les branches du monde les aubes et les ombres éclos comme gémeaux dans tous leurs oeufs pépiants.
 
Il n'y avait finalement de tranchant, de définitif, d'exsangue et de douloureux que cette cicatrice pâle qu'avait laissée la tronçonneuse.
Comme pierre tombale.
Absurdement humaine.
Solitaire elle seule.
 
Il n'y a pas d'arbres morts au Jardin.
On ne tranche on ne saigne on ne couche à terre que les mémoires humaines.
 
11 mars 2015

Publié dans Nantes

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Inauguration

Publié le par Carole

Inauguration
L'affiche est déchirée, pâlie d'oubli et de soleil, piquée de rouille et de pluie brune, froissée aux mains du vent, déchirée par le temps.
Mais le mot reste fièrement lisible, avec son R de naïve audace :
 
"INAUGURATION"
 
On aurait pu écrire "ouverture", mais on a préféré, pour se confier au sort, choisir "inauguration", qui retient quelque trace des antiques augures.
C'est une telle joie, de commencer, une si tremblante espérance.
 
Ouvrir la première page du cahier de feuillages, au premier jour des sources, pour y inscrire, à la pointe d'eau verte du crayon retrempé, les premiers mots du tout premier poème.
Poser la première pierre comme une graine dans la boue, parmi les fleurs semées et les rêves en bourgeons.
Planter le premier arbre pour l'offrir au jardin. Peindre au bout du chemin la petite maison.
 
Y croire et croire. S'arrêter sur le seuil.
Coller l'affiche sur le mur. Et détourner les yeux de la table du fond où s'est déjà assis Demain, joueur féroce qui la battra parmi ses cartes. Ne regarder que devant soi.
Passer la porte enfin et s'avancer. Essuyer l'ombre de la main comme un verre sale.
 
Dans tout commencement, toute la vie, tout l'élan de la vie.

Publié dans Fables

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Blog en travaux

Publié le par Carole

Blog en travaux
Chers lecteurs,
Mon blog est actuellement en reconstruction : je travaille à la remise en forme de l'ensemble de mes articles passablement bouleversés par la mise à jour d'Overblog.
Il ne m'est pas possible pour l'instant de répondre à vos commentaires ni de vous rendre visite.
Je vous remercie de votre patience, et vous dis à très bientôt !

Publié dans Divers

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Le musard (réédition)

Publié le par Carole

le musard 1.psd
 
    "Tu sauras que "musardise" signifie rêvasserie douce, chère flânerie, paresseuse délectation à contempler un objet ou une idée... Tu sauras que, suivant certaines étymologies, "musarder" veut dire avoir le museau en l'air, ce qui est bien le fait du poète."
(Edmond Rostand, Les Musardises)
 
 
 
Ce musard bleu attendait à quai, posé sur le reflet des arbres, tirant un peu sur sa laisse rouillée. Après la pluie il avait conservé, au creux de son museau, un peu de l'eau du ciel.
Moi, l'éternisant, pour l'amuser je lui parlais, poétisant tout bas :
"Musardons, mon musard, puisqu'à musarder tu m'invites, musaraigne du flot.
Musardons pour amuser la Muse, l'enjôleuse musarde qui ne sourit qu'à ceux qui musent, aux nonchalants qui usent, abusent et jamais ne mésusent des douces musardises.
Musardons aux murmures de l'eau, aux reflets musagètes, à tout ce qui infuse.
Musardons, paressons en musarderies, posons-nous sur les mots qui sinuent et qui muent, sur les phrases profuses et les pensées diffuses.
Musardons, oublions la Camuse, qu'elle en reste confuse, cette absurde fâcheuse, cette obtuse faucheuse.
Musardons, qu'aucune crainte creuse, qu'aucune ruse abstruse ne vienne museler notre musette. Et puis, que la musique fuse, qu'elle soit juste, qu'elle soit forte, qu'elle soit douce, qu'elle soit âpre, qu'elle soit nécessaire à ceux qui nous écoutent, et même à ceux qui nous accusent !
Il ne nous faut rien de plus.
Car à ceux qui savent musarder, qu'on appelle poètes, la Muse donne tout ce qu'aux autres elle refuse."

 

Publié dans Fables

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