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Merci

Publié le par Carole

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       Je passais, et soudain j'ai vu ce mot posé sur l'herbe : "merci".
     Ainsi, parfois, un mot qui passe lui aussi, pour un instant s'approche, et s'arrête, et nous parle, très doucement nous invitant à méditer.
 
 
   " Merci"... autrefois c'était un mot si fort, un mot qui suppliait, un mot qui pardonnait, un mot qui faisait grâce et qui donnait la vie.  
    Mais quelqu'un l'a jeté, quelqu'un l'a dédaigné, et le voici dans l'herbe, un peu sali déjà, si fragile, à la merci du vent et de la pluie. Même on pourrait le piétiner, le recouvrir de boue.
    C'est pourtant un mot bien précieux, "merci", et, on a beau le dire cent fois par jour, à la boulangère qui vend le pain comme au passant qui donne l'heure, c'est un mot qui engage. Un mot qui lie.
    Un de ces mots où l'humanité sans fin se recrée, se ravive et s'allège, dans cette certitude de chacun de devoir aux autres un peu de sa vie.

Publié dans Fables

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Bonheur

Publié le par Carole

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   Vous avez vu, vous avez lu, et déjà je vous entends protester. D'abord vous avez ri, un peu jaune, face à ce panneau bleu... voilà maintenant que vous vous indignez... oui, oui, je vous entends... : 
     - Comment ? Qui ose dire que le bonheur est une impasse, pire même : une voie privée, dont la pleine jouissance est strictement réservée à quelques-uns ?
    - Qui ? Mais des gens très ordinaires, de braves gens, comme vous, comme moi, habitants très banals d'un petit coin de paradis qu'ils défendent jalousement. Soyez-en sûrs, et soyez sûrs aussi qu'ils n'y voient pas malice. Qu'ils n'y ont pas même réfléchi.
    En matière de bonheur nous sommes tous ainsi : égoïstes qui ne savons dire que "je", parfois "nous", mais jamais "ils"...
 
    C'est un grand mot, le mot bonheur, l'un des plus beaux qui soient. Pourtant, qu'elle est étroite, et mesquine souvent, l'âme de celui qui dit : "Je veux être heureux"...
 
       - Vous croyez ? Mais les étoiles, là, sur le panneau... les étoiles dans le bleu, les étoiles qui veillent, les étoiles qui rêvent, qui les a posées, là, pour que nous regardions plus loin - un peu plus loin que cette impasse ?

Publié dans Fables

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Rue de la Roquette

Publié le par Carole

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  Paris, rue de la Roquette    
 
"Fuir ! là-bas fuir !" (Mallarmé)
"On ne part pas." (Rimbaud)   
 
    Partir, courir, s'enfuir... s'échapper par le toit pour regagner le ciel, s'en aller vers les cimes, et grimper vers l'été... est-ce qu'on sait où, est-ce qu'on peut même l'imaginer, ce qu'on voudrait, où on irait ?
    Mais sans fin on en rêve... partir, très loin, très haut... là-bas fuir ! On le voudrait, on le veut, il le faut. Pas d'autre issue à cette vie des foules qui nous étouffe et nous oppresse... on s'élance, on va s'en aller seul et libre, plus aucun doute, on est en route...
    Pourquoi est-ce à cet instant justement qu'on aperçoit là-haut cette silhouette lourde et désarticulée, qui court sans pieds et s'élance sans mains, qui s'enfuit immobile - et nous ressemble tant ?

Publié dans Fables

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Fraternité

Publié le par Carole

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    "Soi-même comme un autre", Paul Ricoeur
 
 
    Je ne sais plus dans quel village nous nous étions égarés, par cet après-midi froid et gris. C'était après Angers... une erreur, une déviation peut-être nous avait entraînés là, après un lacis de petites routes. Et brusquement nous avions rencontré cette enseigne de carrelage, au fronton d'une vieille maison. C'était bon de s'être enfin retrouvés...
 
    Fraternité, tu es le dernier mot de la vieille devise, le moins souvent cité, le moins aimé, mon préféré pourtant.
    Au nom de Liberté on a écrasé tant de vies.
    Au nom d'Egalité on a opprimé tant d'existences.
   C'est qu'on t'avait toujours oubliée, toi, douce Fraternité, qui donnes sens à tout, qui es le fondement de toute véritable liberté, de toute égalité humaine. Toi qui partout invites douceur et compassion, partage et attention. Toi sans qui cruauté, voracité, rapacité auraient toujours le dernier mot.
   A petits pas, carreau après carreau, hésitants et modestes, les hommes te dessinent, te cimentent et t'assemblent. Parfois, il faut, comme on le peut, recouper, colmater, recoller les carreaux, pour que chaque lettre ait sa place. Mais tes grands T vigoureux sont larges et solides comme ces tables hautes et bleues, à la terrasse des cafés de campagne ou de faubourgs, où l'on s'assied pour prendre un verre ensemble, après le dur travail - en frères partageant la peine et la boisson - et goûter un moment cette paix, cette joie de savoir qu'en un monde bien rude où tant de vies s'égarent, on n'est vraiment soi-même qu'en compagnie d'autrui.
       Soi-même comme un autre, tout simplement.

Publié dans Fables

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Encore une journée

Publié le par Carole

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    Je passais devant un chantier. J'ai vu la main d'abord. Toute bandée de ciment, épaisse et rouge et comme réduite à quatre doigts raidis, elle montrait l'inscription sur la paroi de tôle : "Encore une journée". 
    Tout cela était si lourd, et si étrange aussi, que j'ai pris la photo. Partout des ouvriers casqués s'affairaient.
    Encore une journée, oui, encore une journée d'effort et de fatigue sur cette terre où sans fin les humains bâtissent et rebâtissent, poussant leur tâche comme un rocher de Sisyphe. Demain sera un autre jour, encore une journée à peiner, à tenir, à lutter - et à construire aussi. Car ainsi va la vie, d'un jour d'effort à un jour de fatigue, et d'un chantier à un autre chantier, dans l'immense travail des hommes.

Publié dans Fables

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La Boudeuse aux glaces et aux mouettes

Publié le par Carole Chollet-Buisson

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Nantes - 11 février 2012 -
 
 C'était l'année passée, par un hiver de gel. Le fleuve charriait des flottaisons de glaçons qui se brisaient avec fracas aux piles des grands ponts de l'estuaire.
Cette Boudeuse était depuis si longtemps à l'ancre, face au large, dans le lent battement des marées, sur cette courbe de Loire, tout près des vieux chantiers d'Indret, où naquit l'autre Boudeuse - celle de M. de Bougainville, qui fit jadis le tour de l'Ancien monde et du Nouveau-... depuis si longtemps elle attendait, immobile et rêveuse, que je croyais qu'elle ne partirait plus jamais.
Elle était ce soir-là, cette belle Boudeuse, comme un vaisseau fantôme arrêté parmi les glaces, sous une lumière immobile d'aurore boréale.
Voici qu'elle est partie désormais, vendue, saisie, reprise, réparée, je ne sais, mais en allée sur les routes mouvantes des navires et des vagues. Là où toujours elle désira s'enfuir. Car elle vivait, cette Boudeuse. Et rien, jamais, ne reste à l'ancre, que ce qui meurt.

Publié dans Nantes

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A Combray - 2-

Publié le par Carole

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     "La vérité ne commencera qu'au moment où l'écrivain prendra deux objets différents, posera leur rapport, analogue dans le monde de l'art à celui qu'est le rapport unique, de la loi causale, dans le monde de la science, [...]dégagera leur essence en les réunissant l'une et l'autre pour les soustraire aux contingences du temps, dans une métaphore [...]." (Marcel Proust, Le Temps retrouvé)
 
 
    A Combray il y avait aussi, sur les toits bruns vallonnés par le temps, ces oiseaux immobiles attendant dans le gel. Ils étaient posés bien rangés, comme des pierres grises à la surface craquelée des champs labourés de l'hiver, ou comme ces pointes d'ossements dont parle Gérard de Nerval, sur un clocher semé de mousse, à l'horizon pentu des collines d'en haut.
    Et les fenêtres mansardées, avec leur charpente savante de vieux porches d'église, semblaient s'ouvrir sur des greniers de mots et des gerbes de phrases au grain de perles ombreuses. Tandis que les jardins, peut-être, dans la paix des hauts murs, abritaient les pages murmurantes et limpides des grands livres d'enfance et de mémoire profonde.
    Miroirs tournants de cette analogie qui est la magique substance des rêves, la métaphore et la comparaison, à Combray comme ailleurs, s'imposent à chaque pas. A chaque regard lent posé sur le vieux bourg, à chaque tournant des rues calmes, à chacun des carreaux bosselés de ces tuiles inégales qui pavent sur les toits le chemin des oiseaux et des pensées errantes, une image surgit, qui prend vie dans nos âmes.
    A Combray comme ailleurs. Ailleurs comme à Combray. 

Publié dans Fables

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A Combray -1-

Publié le par Carole

de profundis Combray
"[L]es pierres tombales, sous lesquelles la noble poussière des abbés de Combray, enterrés là, faisait au chœur comme un pavage spirituel, n’étaient plus elles-mêmes de la matière inerte et dure, car le temps les avait rendues douces et fait couler comme du miel" - Marcel Proust, Du Côté de chez Swann.
 
 
    A Illiers, qu'on appelle aujourd'hui Combray, tant le monde que l'artiste nous donne à voir finit par pénétrer toute réalité, il faisait bien froid. Pourtant la porte de la vieille église était restée ouverte.
    Nous sommes entrés, surpris d'être invités, et nous avons découvert la nef, semblable à un bateau s'en allant dans le temps, avec sa charpente de bois sombre qui rappelait aux promeneurs des longs plateaux de Beauce qu'il y avait eu là, jadis, de hautes forêts de chênes frémissant sous le vent.
    A la clarté d'un vitrail, j'ai aperçu cette pierre tombale. Elle recouvrait le corps d'un jeune abbé d'autrefois, disparu à vingt-cinq ans, disait l'inscription. De Profundis... sur la pierre couleur de terre dure, la tête de mort aux orbites profondes rayonnait d'ossements comme un soleil d'en bas... clamavi, clamavi...
    J'ai pensé que le jeune Marcel avait vu cette pierre, qu'il avait craint de poser ses pas sur ces os tournoyants, que le regard noir et cave du mort avait fait frissonner ses nuits agitées d'insomnie.
    Et je me suis dit qu'on pouvait, en effet, s'enfermer dans une chambre et bâtir toute une oeuvre, pour qu'Illiers devienne Combray, pour que les tombes se fondent en miel, et que l'os des visages en allés se sculpte de nouveau aux formes douces de la vie. Pour que la naïve brutalité de la mort laisse place aux savants cheminements de la mémoire, aux calmes intermittences de la rêverie. Et que les mots recouvrent peu à peu de leurs plis délicats les yeux perdus du temps - enfin retrouvé.

Publié dans Fables

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Ressources

Publié le par Carole

ressources
 
    Il est temps que je fasse l'inventaire. Le compte et le décompte. Le bilan, le grand déballage. Le solde enfin de mes ressources. 
   Savoir de quoi je dispose, sur quoi je peux compter... Dans quelles malles puiser le grand tissu des mots, dans quelles mines creuser les galeries des phrases. De quel bois réchauffer ma mémoire, sur quels sentiers rouler la carriole aux images.
   C'est un compte... à peu près - car tout noter, tracer le point final, tirer la barre du total, je crois que je ne le pourrai pas. C'est que, voyez-vous, tout invite, tout appelle, et les coffres débordent... Il y a tant de choses à saisir, à poursuivre, tant de choses qui dansent, qui bavardent, qui s'approchent et qui fuient : des rues, des reflets, des lumières, des couleurs, des enseignes et des lettres. Des passants quelquefois. Quelques fleurs et des arbres. Des coins de ciel comme des perles grises, et d'autres bleus comme des planètes. Des brassées de soleil, des nuages qui voguent. Des sentiers bien tracés, des routes interdites. Des cercles, des carrés, des bouts de labyrinthes. Du jour, de la nuit, et beaucoup de pénombre. Des balcons très légers, de lourds frontons obscurs. Des portes qui s'ouvrent et se referment, des fenêtres qui battent comme des coeurs d'oiseaux sur les lamelles étranges du kaléidoscope.
   Bon, ça ne va pas si mal. Il y a de quoi, comme on disait chez moi, au village...

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Les oiseaux de Saint-Malo

Publié le par Carole

oiseaux de Saint-Malo version finale finale
 
    Parfois, je me prends à penser qu'au fond, nous ne sommes pas si éloignés, peut-être...
   Que malgré tout ce temps consumé, ce ciel noir, ces rues pétaradantes, ces robots, ces fumées, nous pourrions nous réconcilier, nous regarder et nous parler, retrouver l'harmonie perdue, parcourir côte à côte les grands chemins de vie. 
   Que le monde des machines, des bateaux, des remparts, pourrait cesser de dominer et d'obscurcir celui des oiseaux, de la mer, des arbres et du ciel.
    Et qu'il serait bien doux, sur la vieille syrinx, cet air nouveau que nous jouerions ensemble.
 
    Et qu'il est bon, aussi, de photographier les oiseaux, pour rendre enfin les hommes un peu plus sages.

Publié dans Fables

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