Ils sont là de nouveau, les bonshommes "scotch", ces épouvantails de carton ficelés d'adhésifs qui viennent aux beaux jours rhabiller bornes, poubelles ou boîtes aux lettres, prêtant aux objets les plus ternes leurs grandes silhouettes dégingandées, pour nous inviter à jeter dans la ronde des métamorphoses et des rêves enfantins nos regards qui s'éteignent, mouchés par l'habitude.
Celui-ci avait des mains brunes et ridées de paysan, accrochées à la pierre. Des mains nues sous la pluie, crevées d'ampoules et de plis. De larges mains de bûcheron, des mains de forgeron. Des mains de mousse et de carton, pianotant leur grand air sur les tambours du monde. Des mains de trois fois rien, qui faisaient illusion. Des mains de géant vacillant, qui se tenaient aux murs. Des mains de conquérant, des mains de mendiant. Des mains pour se serrer, des mains pour caresser. Des mains comme des troncs, pour franchir les ravins. Des mains de pauvre gars, à prendre par la main. Des mains pour les fardeaux, à ouvrir patiemment. Des mains pour les prières, à déplier dans l'ombre. Des mains comme des poings, des mains comme des coups. Des mains de bandelettes à tomber en poussière, des mains de sciure blonde à disperser au vent. Des mains aux lignes entremêlées qu'on ne savait plus lire, brouillées comme des cartes qu'on aurait trop battues.
Des mains vraiment humaines.
Scotch en 2012, c'est ici : http://carole.chollet.over-blog.com/article-scotch-106684512.html