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La Source - Selommes

Publié le par Carole

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Publié dans Le village : Selommes

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Le papillon

Publié le par Carole

papillon-folle-journee.jpg
"La lune blanche 
Luit dans les bois
[...]
Rêvons, c'est l'heure.
 
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise...
 
C'est l'heure exquise"
(Paul Verlaine)
 
 
     La "Folle Journée" vient de s'achever. 
    Il me semble déjà que tout s'est dissipé, et de tant de musique je ne sais plus une note. Qu'ai-je donc retenu de ce qui m'enchanta ? Peut-être le visage émouvant de cet altiste, si laid et grimaçant, mais exprimant l'extase la plus pure.
    Ou peut-être la main si épaisse et si délicate de Boris Berezovsky, cet ours magicien, égrenant au clavier chaque goutte d'eau claire jetée dans la nuit par l'ondine, puis démêlant dans la pénombre la pâle chevelure arpégée de la fille aux cheveux de lin.
    Ou bien la silhouette minuscule et presque effacée de ce papillon, qui s'était égaré contre une vitre, près de la salle "Verlaine", et qui battait faiblement des ailes vers la lumière.
   Toute musique s'adosse au silence, et tout élan à sa chute. Nous nous cognons comme des papillons à cette vitre sale et barrée de nuit qui nous sépare de l'éternité. Et toute la beauté humaine n'est que le tremblement infime que font une heure sur le néant nos ailes qui se brisent.
   Pourtant je ne voudrais pas échanger ce tremblement exquis pour l'infini vague et bleuâtre de derrière la vitre.

Publié dans Nantes

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Les peintres

Publié le par Carole

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    J'ai pris cette photo hier midi, à travers l'immense baie du Palais des Congrès, pendant la "Folle Journée", alors que je gagnais ma place au dernier balcon du grand auditorium, où je devais entendre le concerto d'Aranjuez.
    Sur l'autre rive, j'avais aperçu ces très jeunes peintres s'appliquant à recouvrir un tag plus ancien, posé là par eux-mêmes ou par des rivaux - comme le laissait entendre ce mot DUEL qu'on pouvait lire, à droite, en manière de défi.
    C'était curieux de les voir au travail, avec leur matériel de peintres de rue, ignorés de la foule mélomane, indifférents eux-mêmes à la fourmillante activité de ces journées musicales, se frottant au béton dans le froid d'un samedi de février, sous l'arche obscure d'un pont, pendant que, de l'autre côté, dans la chaude lumière du Palais, on se pressait pour entendre des artistes célèbres, venus du monde entier. Et là-bas, aussi loin d'eux que de nous, la ville, avec ses routes, ses automobiles et ses passants, poursuivait son destin tumultueux.
    Ainsi se partage le monde, en voies étroites et multiples, et chacun sur sa rive, et chacun sur sa route, poursuit sa chimère ou son oeuvre, s'appliquant, sans se retourner vers les autres, à la tâche, humble ou noble, que la vie, on ne sait pourquoi, lui a assignée.
 
     Le soliste du concerto d'Aranjuez était le merveilleux guitariste flamenco Juan Manuel Cañizares. En l'écoutant, j'ai pensé : "Orphée ne pouvait être qu'un guitariste flamenco."
 
      A la sortie du concert, j'ai jeté un coup d'oeil au-dehors : les jeunes peintres étaient toujours là. Ils avaient recouvert de peinture bleue le mur entier, sur lequel l'ancien tag avait disparu tout à fait. Sur ce bleu de ciel profond, ils avaient commencé à accrocher des lignes aussi tremblantes, entremêlées et blanches que des filets de nuages, courant comme des notes sur une portée d'orchestre.
 
les-peintres-8-copie-2.jpg
 
    Et ils continuaient à nous tourner le dos, indifférents à tous les concertos de ce monde, ne se préoccupant que d'achever ce dessin balbutiant qu'un autre bientôt recouvrirait..
 
    Ces portées de tags qui chantent ou grincent sur nos murs sont oeuvre si fragile. Aussi fragile que les jardins d'Aranjuez. Aussi fragile qu'un accord qui se brise sous les doigts d'un guitariste flamenco. Aussi fragile que le peuple gitan voyageant sur la terre. Aussi fragile que ces ponts que les hommes lancent entre les rives que séparent les eaux. Aussi fragile que les passants qui s'en vont sur ces ponts. Aussi fragile que les oiseaux qui passent dans la ville. Aussi fragile qu'un filet de nuage glissant contre le bleu du ciel. Aussi fragile qu'un moment de musique, par un matin de "Folle journée". Aussi fragile que la course d'Eurydice dans les prairies du mythe. Aussi fragile que la jeunesse des enfants qui peignent leur nom sur les murs de la ville.
    Fragile. Périssable. Infiniment bref. Brièvement infini. Voilà notre bien sur la terre.
    Le compositeur aveugle n'avait rien d'autre à nous dire, en nous offrant ces fruits, ces arbres, ces oiseaux et ces fontaines, bruissant comme des vies, chantant comme des coeurs humains, cueillis dans les jardins du palais d'Aranjuez qu'il n'avait jamais vus.

Publié dans Nantes

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Hope

Publié le par Carole

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    J'étais au bord du canal Saint-Félix, photographiant les reflets qui tombaient sur l'eau noire, quand cet homme est venu s'asseoir devant moi. Il faisait froid, j'ai pensé qu'il ne resterait là qu'un instant - car peut-on prendre plaisir à s'asseoir au bord de l'eau, par une froide nuit d'hiver?
    Mais il s'est mis à manger quelque chose qu'il avait apporté dans un papier, et à boire, de la bière, je crois. Et à attendre, longuement, regardant l'eau comme s'il avait voulu s'y noyer.
    Il y avait dans toute son attitude l'infini désespoir de ceux que la ville repousse, le soir, de ceux qui n'ont nulle part où aller, quand les portes se ferment. 
   Déjà sa silhouette se perdait d'ombre et les reflets du canal glissaient sur son visage, qui semblait s'effacer. Déjà sa vie se brouillait devant moi, et j'ai eu peur pour lui.
    Puis il y a eu, soudain, cette lueur entre ses mains.
    Il avait allumé un briquet, pour réchauffer ses doigts sans doute, comme la petite fille du conte. La lueur a dansé quelques moments dans la nuit, étincelle vive et légère.
     Alors j'ai vu ce mot sur le bord du ponton - Il m'a semblé lire "Hope"...
   Et j'ai pensé que cet homme, malgré tout, allait se relever, et qu'il retrouverait sa route. Puisqu'il tenait encore entre ses mains un peu de la lumière si fragile du monde. Puisque quelqu'un, un autre soir, était venu dans ce coin solitaire écrire pour lui ce mot sur le béton glacé.
   A cet instant, l'homme en effet s'est levé, j'ai recommencé à photographier les reflets de la rive et il est reparti vers la ville. 

Publié dans Fables

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