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La Tragédie

Publié le par Carole

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Stendhal reprochait au Théâtre Graslin de n'avoir que huit muses. Il n'avait pas remarqué sans doute que cette Tragédie, qui ouvre le cortège, est double : déesse et actrice, élégante et terrible, femme qui vient de retirer son visage d'homme, vérité et illusion confondues, elle tient par les cheveux son masque de vieil Oedipe comme une tête sanglante de Jean-Baptiste. Près d'elle danse une Salomé déhanchée au sein nu - Terpsichore.

Ici, comme ailleurs, l'un est deux, et le simple multiple. 

Publié dans Nantes

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Cours Cambronne

Publié le par Carole

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Cours Cambronne on a toujours l'impression que quelque chose pourrait arriver - une fanfare va s'installer, on va monter des tréteaux pour un théâtre de marionnettes, planter un chapiteau de cirque. Des gens vont venir des faubourgs et jouer à la pétanque. Jean Jacques de Nantes va épouser Marie Lucienne. Ou peut-être que la garde qui meurt et ne se rend pas du général Cambronne va se ranger en ordre de bataille, et nous montrer.

Mais rien n'arrive jamais cours Cambronne, même les enfants n'y jouent que parcimonieusement. Quelques rares promeneurs. Quelques dames avec poussettes. Quelques habitants parfois glissant furtivement vers des portes qu'on ne voit jamais ni s'ouvrir ni se fermer. Des arbres plantés au carré et taillés au carré. Des bordures de gazon sans trèfle ni luzerne. Des pigeons étiques et muets. Des chiens timides tenus en laisse, qui évitent de se soulager sur le sable clair et râtissé. Et partout, là-haut, surveillant, des fenêtres closes, silencieuses. Des balcons grillagés et déserts, des façades mornes alignées au cordeau. Une élégance de très bon goût, sans commerces, sans défauts, sans besoins, sans déchets. Parfaite.

Cours Cambronne on ne fait que passer, repoussé vers l'extérieur par on ne sait quel sentiment qu'on a de n'être pas à sa place, de déranger. Seul s'obstine le lent tournoiement de l'ombre, autour du général et de ses aigles, sur le sable gris.

Entre les hautes grilles qui ferment à chaque bout ce triste Palais Royal, ce qu'on a si soigneusement enclos, c'est l'ennui. Une sorte d'ennui très précise, distillée là goutte à goutte et subtile comme une essence rare : l'ennui racé et distingué des beaux quartiers dans les villes de province, l'ennui porté comme une décoration, l'ennui qu'éprouvent les gens bien, le dimanche à midi, au retour de la messe.

Et c'est si pur, si nettement décanté, que cela en devient presque insupportablement beau. Enivrant.

Jacques Vaché est mort à quelques mètres, de l'opium qu'il avait pris et peut-être plus encore d'avoir abusé de cet ennui-là.

Publié dans Nantes

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Sur le pont

Publié le par Carole

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Lorsque je m'engage sur la passerelle extraordinairement belle, nue et grise, qui mène au Palais de Justice, je pense toujours à ce pont que traverse K., à la fin du Procès, tandis que les deux messieurs l'entraînent : "Complètement d'accord désormais, ils s'engagèrent tous les trois sur un pont".

C'est sur ce pont que K. franchit le dernier obstacle, celui qui le séparait de la mort et de lui-même, et qu'il comprend enfin que les deux messieurs sont de toute éternité ses compagnons et ses guides, ses doubles. Sur ce pont, ils sont enfin d'accord,  et K. cesse de lutter.

Comme pour la photo précédente, j'ai utilisé un filtre postérisé pour évoquer ce pont kafkaïen.

Publié dans Nantes

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Conscience

Publié le par Carole

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Au Palais de justice défilent en boucle, dans un tube au néon, des extraits de Montesquieu, de Rousseau - des grands penseurs politiques du XVIIIe siècle français. Quand j'ai pris, au hasard, depuis l'extérieur du bâtiment, la photo de ce ruban lumineux, je voyais très mal, derrière les vitres, et je ne savais pas ce que je lirais quand je regarderais plus tard le résultat sur mon écran. En fait, il y avait juste ce mot, tout seul : "Conscience".

Publié dans Nantes

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Mansuétude

Publié le par Carole

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  J’aime beaucoup le style nantais des vieux écriteaux de fer blasonnés solennellement apposés sur les grilles, à l’entrée des parcs de la ville :
« IL EST INTERDIT, tonnent-ils, tout à fait interdit, strictement interdit par nos lois d’airain, d’entrer avec des chiens ! »
Puis, débonnaires, conscients de leurs limites et repris de leur séculaire nonchalance, ils ajoutent, avec la sagesse et la dignité des vieux rois craignant d'être bientôt détrônés : « à moins… à moins qu’ils ne soient tenus en laisse… ! »

   Le plus amusant de ces écriteaux, le plus absurdement, le plus gentiment nantais, c’est, je crois, celui qui orne la grille du petit bout de parc où sont tapis, depuis peu, les lions sans maîtres, sans laisses et sans lois, échappés de l’ancien Palais de Justice en travaux.
   On imagine un gendarme Labourbourax poussant furieux la grille, tempêtant et hurlant, puis renonçant, au premier coup de mâchoire des contrevenants, à dresser procès verbal.

 

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Publié dans Nantes

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OPEN

Publié le par Carole

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Tant de boutiques ont fermé, dont seules se souviennent les vieilles gens, les volets gris et clos que brûle le soleil, et les grilles épuisées qui rouillent à la pluie.
 
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Alors, chez Lili, c’est OPEN, et j’en suis heureuse.
Chez Lili, c’est OPEN,OPEN,OPEN…, OPEN, OPEN !

Publié dans Le village : Selommes

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Audace

Publié le par Carole

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Nantes - Statue de la Délivrance, oeuvre du sculpteur Emile Guillaume, déplacée, après le scandale provoqué par sa nudité, du mémorial du Cours Saint-André, où elle avait été érigée en 1927, au square de la Délivrance, sur l'ïle Beaulieu, près de l'actuel Hôtel de Région.
 
 
 
Elle danse, belle et nue, l'acrobate de la Délivrance, les pieds légers sur le globe qui roule. Et ses bras sont deux ailes emportées dans le chant ivre du soleil.
Comme l'Eve de Mabuse elle est nue sous ses muscles - sur sa boule elle court à pas pressés et nus, la pluie ruisselle en sueur noire sur ses aisselles nues, le soleil fait reluire ses cuisses de géante nue. Elle est absolument, désespérément, merveilleusement nue. Elle a le visage des saintes en extase, le cou noueux des écorchés, et les seins durs des jeunes filles. Elle crie pour les morts innombrables, elle chante pour les vivants qui résistent, elle enfante l'espoir dans son ventre arrondi. Cruelle et folle aussi, elle ouvre les flancs du ciel avec son petit couteau et brandit, vers ce qui la dépasse, son épée acérée comme un sceptre. Elle pourrait s'envoler, s'accrocher aux nuages - ou tomber - se noyer dans la  vieille eau de Loire, se briser contre les pavés gris d'en-bas. Mais légère elle danse sur le globe qui roule, glorieuse et fragile, audacieuse, absurde, vivante, belle - et nue, comme l'humanité.

Publié dans Nantes

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Prudence

Publié le par Carole

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Cathédrale - tombeau de François II et de Marguerite de Foix.
 
Mi-homme, mi-femme. Mi-vieille, mi-jeune. Mi-sage, mi-coquette. Mi-face, mi-profil. Mi-ombre et mi-lumière. Telle est Prudence, qui rarement se trompe. Forcément.

Publié dans Nantes

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Quelques voeux

Publié le par Carole

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    Au village, sur le mur d'affichage de la mairie, le temps se dépose lentement, couche après couche, en bouts d'affiches et de mémoire que délavent les pluies, qu'éteignent les soleils, que détachent les vents.
    On se contente de coller les papiers colorés les uns par dessus les autres sur le mur gris et fissuré, moisi de colle ancienne et rongé de lichens.
    C'est tout à fait comme dans la vie. C'est tout à fait comme dans nos coeurs. Espoirs et peines, misères et joies viennent à leur tour. On superpose, on recolle, et on laisse vieillir, aux pluies, aux soleils et aux vents, les mots qui passent et les maux qui s'effacent. Les couleurs peu à peu se ternissent, les paroles s'embrouillent aux lèvres qui se fanent, les promesses expirées s'effritent au vent qui vient. Parfois un moment de bonheur repeint le monde en jaune, en orange ou en bleu. Et depuis si longtemps on ne sait plus très bien, ni qui on est, ni ce qu'on voudrait dire.
    Mais, pour ce soir du 31 décembre, qu'il en soit, simplement, ainsi que le hasard, affiche après affiche, l'écrivit sur ce mur : A bas l'austérité ! que la fête villageoise revenue tourne en nos âmes grises la ronde de l'enfance, qu'une chance nouvelle nous soit donnée.
   Et que, sur le manège coloré de l'espérance, enfin s'envole, légère et apaisée, vers cette année nouvelle, notre âme colibri. 

Publié dans Le village : Selommes

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Caravelle

Publié le par Carole

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Parc du Petit Port -
 
Sur le blason de la ville vogue un petit trois-mâts vent arrière. Trois mâts qui penchent, trois voiles que gonfle la tempête, un navire rondement jeté sur l’océan, au bon vouloir de Neptune – Favet Neptunus eunti – .
Et des vagues hautes et belles comme des branchages, traçant sur l’océan de sinueux chemins d’hommes.
On dirait la caravelle de Christophe Colomb.
On ne peut faire plus simple.

Publié dans Nantes

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